ERIS Barbara Herman

Barbara Herman (Eris Parfums) : « Consciemment ou non, j’ai tendance à explorer pour chaque nouveauté une piste très différente de la précédente »

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Lancée en 2016 par l’Américaine Barbara Herman, autrice et créatrice du blog Yesterdaysperfume.com, la marque Eris Parfums propose des sillages modernes au style inspiré d’hier, tous signés par le parfumeur indépendant Antoine Lie. Interview.

Comment est née la marque Eris Parfums ? 

J’ai toujours aimé et côtoyé le parfum, notamment grâce à ma mère et ma grand-mère. Mais c’est à partir de 2008 que je m’y suis intéressée plus activement, à lire des articles, et j’ai alors découvert qu’il existait en ligne toute une sous-culture absolument fascinante. J’ai commencé à collectionner les fragrances vintage et leurs publicités. Étant alors blogueuse professionnelle pour PopSugar, un média en ligne consacré à la culture populaire, je me suis dit qu’il fallait que j’écrive sur le sujet. J’ai lancé mon propre blog, Yesterdaysperfume.com, qui m’a ensuite inspiré l’écriture d’un livre : Scent and Subversion: Decoding a Century of Provocative Perfume (Lyons Press, 2013). Dans le cadre de cet ouvrage, pour un chapitre dédié aux visionnaires du parfum, j’ai interviewé le parfumeur Antoine Lie dont j’admire les créations, belles ou plus expérimentales, parfois les deux à la fois. Nous sommes devenus amis. Après être tombée en amour du vintage, avoir lancé ce blog et écrit un livre, je me suis dit : « quelle est la chose la plus folle que je pourrais faire maintenant ? ». Et la réponse a été : lancer une marque de parfum ! Je ne souhaitais pas proposer des compositions rétro à proprement parler : je voulais une sorte de collection « post-moderne » qui rende hommage aux créations vintage, aux floraux intenses et aux notes animales du passé, mais pour un public d’aujourd’hui. 

Comment avez-vous imaginé vos premières créations ?

Je voulais des parfums audacieux, et toujours avec un twist. J’avais en tête cette citation d’Edgar Allan Poe : « Il n’y a pas de beauté exquise sans une certaine étrangeté dans les proportions ». Et il était très clair qu’il m’en fallait au moins un avec des notes animales.

Vous travaillez exclusivement avec Antoine Lie. Pourquoi ? 

Lorsque j’ai eu l’idée de créer ma marque, je lui ai demandé s’il était prêt à me suivre dans cette aventure: il était partant. Au départ, je pensais lui confier la création de cette fameuse composition animale, et solliciter d’autres parfumeurs pour faire les deux autres fragrances que je souhaitais, un floral et un chypre. Mais j’ai tellement aimé les premiers essais qu’il m’a soumis – des floraux animalisés – que j’ai décidé d’en faire ma première collection. Cela a toujours eu beaucoup de sens de travailler avec lui. Nous partageons une vision commune depuis le départ, et nous avons développé avec le temps une façon de communiquer qui fonctionne à merveille. Comme je ne viens pas de l’industrie, je n’ai pas toujours le vocabulaire qui y est classiquement utilisé, mais j’ai senti énormément de choses et nous avons beaucoup de références communes. 

Comment se déroulent typiquement les développements ? 

C’est souvent le nom qui vient en premier. Et j’ai une idée olfactive du parfum dans ma tête. Je crée alors un moodboard avec des images de mode, des photos tirées de films, ou d’objets… Je donne tout ça à Antoine, et je lui indique aussi les parfums qui m’inspirent, les notes que je voudrais qu’il utilise, et l’effet que j’aimerais que sa proposition produise sur celui qui la sent. Cette intention émotionnelle est très importante. Je parviens ainsi à exprimer assez clairement ce que je veux. Il n’empêche que c’est toujours une surprise de recevoir les essais d’Antoine. Jusqu’ici, les développements s’étalent en moyenne sur une année. 

Comment décidez-vous de la direction à donner à votre collection ? 

Je n’en donne pas vraiment… Les choses se font d’elles-mêmes. Comme je le disais, j’avais au départ l’envie de développer trois fragrances : un floral aux notes indolées, un chypre et un parfum animal. C’est sur ce dernier qu’Antoine a commencé à travailler et lorsqu’il m’a soumis ses essais, je suis restée bouche bée. C’était la première fois que je briefais un parfumeur, et tout était tellement beau. Comment pouvais-je dire non à l’une de ses propositions ? C’était impossible de choisir – depuis, je me suis un peu améliorée sur ce point ! Mais à ce moment-là, j’ai décidé de tous les garder. Dans cette thématique animale, Ma Bête est le plus littéral – le plus extrême, disons – avec son interprétation de la célèbre base Animalis, conjuguée à d’autres notes animales comme le castoréum, la civette, le musc… Night Flower est un floral cuiré dans l’esprit d’un Shalimar moderne ; et Belle de Jour est un floral salé par une note d’algue, que j’ai trouvé vraiment intéressant dès la première fois que je l’ai senti. 

Et les suivants ?

J’étais encore journaliste en 2015 lorsque le terme « Mx. » est entré dans le dictionnaire, pour indiquer un titre de civilité sans spécifier de genre. C’est un mot qui raconte une façon moderne de penser le genre. Je m’y suis intéressée et j’ai écrit à ce sujet. Il est devenu le point de départ et le nom de mon quatrième parfum, lancé en 2017, un boisé qui joue avec des notes traditionnellement considérées comme masculines et féminines. Puis j’ai eu envie d’en proposer une version plus sombre, plus extrême. Entre temps j’avais quitté mon travail de rédactrice pour m’occuper à plein temps d’Eris Parfums. Antoine a imaginé une composition plus animale grâce à l’ambre gris, avec des facettes gourmandes apportées par le cacao et la vanille. Ce parfum plus dark, proposé en extrait, est devenu Mxxx. Ensuite il y a eu Green Spell, une création intensément verte et joyeuse, puis tout récemment Scorpio Rising, une explosion d’épices. Donc même s’il n’y a pas de stratégie particulière, il est vrai que, consciemment ou non, j’ai tendance à explorer pour chaque nouveauté une piste très différente de la précédente. 

Eris Parfums est vendue aux États-Unis, mais aussi en France, en Allemagne et bientôt au Royaume-Uni. Votre présence sur ces différents marchés influence-t-elle vos créations? 

Pas du tout. Je me tiens au courant de l’actualité de la parfumerie, mais je ne fais aucune étude de marché pour mes lancements. Ce qui m’importe, c’est seulement d’aller là où Eris Parfums n’est pas encore allé. 

Pourquoi êtes-vous présente à Esxence cette année ?

Chaque semaine, des personnes me contactent pour savoir quand ma marque sera disponible à la livraison dans leur pays. J’essaie de répondre à leurs demandes, mais il serait évidemment bien mieux qu’ils puissent essayer mes parfums et les acheter près de là où ils habitent ! Donc, pour ma première participation à ce salon, l’enjeu est d’abord de me présenter aux distributeurs européens et internationaux. Leur faire sentir les compositions, leur raconter l’histoire d’Eris Parfums, et leur faire voir que ce n’est pas « juste » une marque de parfum vintage, ou avec des notes animales. D’autre part, comme il y a beaucoup d’incertitude en ce moment, j’entends les rassurer sur le fait que je suis là pour rester : après deux années très difficiles, Eris Parfums perdure. La marque est même plus forte aujourd’hui que jamais, puisque je sais encore mieux ce que je veux, et que notre travail avec Antoine est de plus en plus fluide. Le meilleur est à venir. 

DOSSIER « NICHE ET CONFIDENCES »

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