Karine Torrent (Floratropia) : « Selon moi, la parfumerie 100% naturelle est la nouvelle niche »

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Après avoir travaillé plusieurs années dans l’industrie, Karine Torrent fonde sa propre marque, Floratropia, en 2019. Elle fait le choix d’une parfumerie 100% naturelle, dans une démarche à la fois artistique et éthique. Les premières créations ont été lancées en 2020. Entretien.

Quelles motivations vous ont menées à créer votre marque ?

En travaillant dans l’industrie du parfum, j’ai remarqué qu’elle peinait à se renouveler et à s’approprier les problématiques éthiques contemporaines. J’ai donc voulu poser les bases d’une marque idéale, reliant savoir-faire parfumeur et développement durable, en repensant toutes les étapes de la chaîne de valeur du produit.
En créant Floratropia, ma volonté était ainsi d’ « ensauvager le monde du parfum », dans un double sens. Artistique d’une part,en reconnectant le parfum à la beauté sauvage et à l’émotion brute du naturel, avec une approche un peu « crue » des matières premières naturelles, et des compositions assez osées, singulières, non formatées : nous voulons de cette manière faire voyager dans le versant botanique de la parfumerie, et ouvrir de nouveaux horizons olfactifs pour les amoureux du parfum.
Éthique d’autre part, avec un modèle global tourné vers le durable et le vivant. Nous cherchons à avoir un impact positif sur la planète avec une parfumerie décarbonée – car détachée de la synthèse encore majoritairement pétrochimique – et offrant un maximum de débouchés aux filières de production de plantes à parfum. Et pour que cela soit vertueux pour l’écosystème, nous sourçons nos matières sur des filières traçables, certifiées bio, et des partenariats éthiques, porteurs de bonnes pratiques environnementales et sociétales. Nous participons ainsi à soutenir plus activement l’écosystème fragile auquel appartient la biodiversité des plantes à parfums.
Et nous contribuons à rendre les communautés agricoles plus résilientes face aux bouleversements climatiques auxquels elles sont – et seront de plus en plus – exposées à l’avenir. Nous avons également repensé le packaging pour réduire l’empreinte carbone du produit : nos flacons sont rechargeables, légers, peu gourmands en ressources, ne nécessitant pas de suremballage, et nous les collectons pour les revaloriser.

Comment s’est fait le choix du parfumeur et se déroule le développement ? 

La rencontre avec la parfumeuse Delphine Thierry a été décisive dans la création de la marque : grâce à sa grande technicité sur ce type de formulation, j’ai compris qu’on pouvait donner corps à une parfumerie artistique en 100% naturel. Car pour susciter l’envie et initier une véritable transition, la caution environnementale n’est pas suffisante, il faut surtout donner envie avec de belles compositions. Quant au développement, notre cahier des charges est posé dès le départ, par le choix strict de matières premières naturelles et durables. J’assure la direction artistique, en dialogue avec Delphine qui a vraiment le talent d’incarner la vision d’une marque. Le tandem fonctionne à merveille : nous nous comprenons très bien, il y a finalement assez peu d’allers-retours – moins d’une dizaine en moyenne.

Dans quelle mesure prenez-vous en compte le marché pour orienter vos nouveautés ?

Nous sommes en dehors des tendances du marché classique de l’industrie, et suivons notre ligne directrice artistique qui est d’ensauvager le parfum, d’explorer et de faire découvrir la beauté du naturel, la force brute des matières. Lorsque je pense à de prochaines créations, je suis mon imagination, mon intuition, pas une stratégie marketing. L’important étant que l’on apporte quelque chose de nouveau et de créatif au marché, et c’est un objectif qui nous a particulièrement guidé dans le développement de L’Ambre des fleurs. L’ambre est un classique de la parfumerie et nous souhaitions apporter à cet archétype notre « personnalité » de marque.

Quels sont les marchés que vous visez ?

Nos marchés cibles sont en Europe : l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, les pays nordiques. Nous ne diffusons pas encore nos parfums aux États-Unis ni en Chine, C’est un objectif à moyen-terme, particulièrement la Chine que j’affectionne particulièrement pour y avoir vécu trois ans.
Certains marchés semblent a priori moins appropriés pour la marque, comme le Moyen-Orient : notre approche minimaliste dans le packaging est très loin des standards locaux. Mais c’est un marché très dynamique avec une clientèle très curieuse et passionnée. Cela peut réserver de belles surprises.

Quel est votre objectif en participant à Esxence cette année ?

Esxence va nous offrir une vitrine à l’international. Le salon va nous permettre de faire connaître la marque, de prendre la température des différents marchés, et de voir comment chacun s’approprie l’univers de Floratropia. Nous espérons également développer nos canaux de distribution ; car si la vente en ligne nous permet d’exprimer toute la singularité de notre démarche, j’aimerais désormais que nous soyons plus présents dans des boutiques physiques. Cela prendra probablement du temps, car le naturel n’est pas encore une priorité pour l’industrie – ce que nous nous attachons à faire changer. Nos engagements et partis pris sont en outre encore très nouveaux et très radicaux pour beaucoup de revendeurs. Même si l’on parle beaucoup de transition écologique, les parfumeries indépendantes restent encore un peu frileuses : pour beaucoup, le parfum est une « création artistique » qui doit faire rêver avant tout. Le ramener à des considérations écologiques peut paraître antinomique. C’est un nouveau récit à inventer. Et c’est justement ce que nous essayons de faire en inscrivant une vraie démarche artistique au cœur de notre modèle. Selon moi, la parfumerie 100% naturelle est la nouvelle « niche » de la parfumerie.

DOSSIER « NICHE ET CONFIDENCES »

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