Nez x GDR O3 – Ça sent la rose !

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Nous vous avons récemment annoncé le lancement d’une collaboration entre le GDR O3 (Groupement de recherche Odorant, Odeur, Olfaction) et Nez. L’occasion d’établir un rendez-vous régulier autour des études qui ont vu le jour grâce à ce groupement de recherche mêlant des scientifiques de tout bord, qui ont pour objet commun l’odeur sous toutes ses formes. Le principe ? Nez décortique les publications, et vous en propose une version allégée et plus facile d’accès.
Saviez-vous par exemple que mieux comprendre l’origine du parfum de la rose ouvrait la voie à des innovations en cosmétique et en pharmacie ? C’est, entre autres, ce que nous explique Benoît Boachon, ingénieur de recherche au CNRS et membre du GDR O3.

S’il y a bien une odeur que nous savons détecter et apprécier, c’est celle de la rose, célèbre reine des fleurs. Ce que nous ignorions pourtant, c’était l’origine de son parfum captivant. Une première étude menée sous la direction de Sylvie Baudino, directrice du Laboratoire de biotechnologies végétales appliquées aux plantes aromatiques et médicinales (LBVpam) du CNRS et de l’Université Jean Monnet et publiée en 2015 dans la revue Science, avait permis d’identifier une enzyme clé – l’hydrolase NUDX1 – impliquée dans la synthèse du géraniol et d’autres terpènes qui participent à la signature olfactive de la rose. Nous en avions parlé dans l’odorama de Nez#07 – Sens animal.

Plus récemment, des travaux menés par Benoît Boachon du LBVPAM et réalisés dans le cadre de la thèse de Corentin Conart, dirigée par Jean-Claude Caissard, ont permis de découvrir l’enzyme en amont de cette hydrolase NUDX1 et qui lui fournit son substrat. Ils ont étudié son évolution afin de comprendre comment elle a acquis l’activité de produire le précurseur de ces molécules parfumées, un phénomène unique à la rose.
En effet, contrairement à la plupart des plantes, le géranyl diphosphate (« GPP ») qui participe à la synthèse du géraniol n’est pas produit dans les chloroplastes par l’enzyme nommée « GPP synthase » chez la rose, mais par une enzyme présente dans le cytosol, la partie liquide des cellules. Cette enzyme bifonctionnelle, nommée  « G/FPP synthase », produit en réalité à la fois du GPP et du farnesyl diphosphate (FPP), un autre composé précurseur important dans la synthèse des terpénoïdes comme les sesquiterpènes ou les stérols végétaux. L’étude, publiée dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America), souligne également que la G/FPP synthase est présente chez toutes les espèces de la famille des Rosacées.
Si ces résultats peuvent sembler anecdotiques au commun des mortels non spécialistes, Benoît Boachon précise cependant que « cette découverte permet de mieux comprendre comment certaines plantes produisent des odeurs via une voie métabolique alternative ouvrant la voie à une révision du dogme généralement accepté chez les plantes et pourrait avoir des implications pour les industries du parfum, de la cosmétique et pharmaceutiques. » En effet, « la biologie de synthèse et l’ingénierie métabolique sont de plus en plus utilisées pour produire des molécules d’intérêt issues de plantes (parfois rares) en utilisant par exemple la levure sans passer par la synthèse organique. La découverte de cette voie de biosynthèse originale pourrait donc être utilisée pour produire des parfums à partir de la levure de manière plus efficace. Le géraniol est également un précurseur de certaines molécules anticancéreuses, comme la vinblastine, dont la production est issue de la cueillette de la pervenche de Madagascar. Cette découverte permet aussi de mieux appréhender comment les arômes d’origine terpénique sont produits dans les fruits des Rosacées. »

On ne sait pas vous, mais nous, ça nous donne envie de voir la vie en rose.

Visuel principal : © Adèle Chévara

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