La grande histoire de l’IFRA

En 1973 naissait l’IFRA, répondant au besoin d’harmoniser les pratiques de l’industrie du parfum pour mieux la réguler avec pour mot d’ordre la sécurité humaine et environnementale. Si cet organe, créé par les sociétés de composition elles-mêmes, est souvent blâmé pour les reformulations de formules qu’il entraîne, il permet pourtant de défendre la création des parfumeurs et d’assurer la sûreté des produits pour les consommateurs.

Le passage du XIXe au XXe siècle marque un tournant important pour la parfumerie, passant d’un artisanat de petite échelle à une industrie structurée, qui s’ouvre à de nouvelles classes sociales, notamment grâce à l’avènement de la chimie permettant de synthétiser de nouvelles molécules disponibles plus facilement, mais aussi à travers l’évolution des pratiques d’usage des fragrances. 

Poursuivant dans cette volonté de structurer et de rationaliser le secteur, certains acteurs avancent au début des années 1960 qu’elle doit s’autoréguler afin de protéger les hommes et l’environnement, tout en continuant à exister et à faire rêver le monde par le bout du nez. Si ses volumes de production restent faibles en comparaison avec ceux d’autres industries, son emploi et sa production croissants et l’exportation de ses produits à l’échelle mondiale rendent nécessaires des dispositions plus spécifiques et des mesures d’autorégulation. C’est pourquoi A.L. van Ameringen, alors président d’IFF, envoie en 1965 une lettre aux directeurs des principales maisons de composition concurrentes pour leur soumettre l’idée de créer un organisme indépendant qui contrôlera la sûreté des ingrédients de parfumerie. 

Certes, les sociétés effectuent déjà des recherches de leur côté ; mais celles-ci ne sont ni systématiques ni exhaustives. Pour parer à ce manque, le Research Institute for Fragrance Material (RIFM) est créé en 1966 : il produit les données scientifiques jusqu’alors manquantes. Mais il faut encore les transformer en indications concrètes pour que les parfumeurs puissent s’y référer, et réunir toutes les informations produites par les sociétés de composition par ailleurs. 
L’Organisation européenne pour le contrôle des parfums et des arômes (OECB), fondée en 1967, commence à établir des normes obligatoires pour l’usage des ingrédients de cette industrie.

L’IFRA, une autorité qui défend l’auto-régulation

Poursuivant un but similaire, Guy Waldvogel, alors CEO de Givaudan, s’en inspire pour fonder l’IFRA en 1973 : elle produit  des recommandations dont l’application est volontaire, et non pas légalement contraignante. 
Le principe est relativement simple : puisque l’instance répond à un besoin des acteurs de la parfumerie, ce sont eux qui la financeront. Plusieurs associations nationales se réunissent dans cette optique. Pour garantir son indépendance, l’International Fragrance Association prend la forme d’une association à but non lucratif, distincte du Research Institute for Fragrance Materials (RIFM) qui produit les dossiers scientifiques, et travaille toujours avec le plus de transparence possible : pour assurer la sûreté des matières, celles-ci font désormais l’objet d’une publication officielle lorsqu’un problème est identifié.

Les membres de l’IFRA signent un code de conduite dans lequel figure le respect des standards IFRA, règles explicitant les conditions d’utilisation des matières pour garantir la sécurité pour les consommateurs et l’environnement. Cependant, depuis les années 2000, les réglementations imposées par les gouvernements des différents pays sont de plus en plus importantes et drastiques. C’est pourquoi en 1996, l’IFRA s’est implantée à Bruxelles, siège des institutions européennes, prenant alors un rôle supplémentaire : celui de défendre l’industrie auprès des décideurs politiques afin de porter la voix du secteur dans le cadre des discussions européennes visant à l’édiction de nouvelles réglementations. Elle apporte notamment son expertise dans le domaine de la parfumerie (aspects réglementaires, scientifiques) afin de s’assurer que les futures règles qui seront adoptées soient adéquates pour le secteur.

L’une des actions de l’IFRA tient également dans la communication des informations entre les différents acteurs. Du Meeting annuel qui rassemble ses membres pour discuter des enjeux de l’industrie, au Global Fragrance Summit qui, depuis 2017, rassemble de nombreux acteurs autour des tendances et des défis du secteur, en passant par les conférences, les webinaires et les newsletters, elle diversifie les canaux et occasions.

Mais l’histoire de l’IFRA est également ponctuée de plusieurs partenariats et collaborations qui lui ont permis d’évoluer au cours du temps.
Ainsi, en 2007, elle signe un protocole d’accord avec l’Union for Ethical BioTrade (UEBT) pour collaborer à la promotion de pratiques commerciales éthiques et durables dans l’industrie, 
Pour promouvoir un engagement collectif de l’industrie vers des pratiques plus durables, l’une des premières étapes était d’établir un état des lieux qui rende compte des avancées déjà mises en place en la matière. C’est dans ce but que l’IFRA et l’IOFI (International Organization of the Flavor Industry), historiquement liées, ont joint leurs efforts et travaillé pendant quatre ans avec des membres et experts externes. Le premier IFRA-IOFI Sustainability Report, publié en 2021, permettra de suivre les progrès accomplis par le secteur en termes de durabilité au cours des années à venir. L’IFRA-IOFI Sustainability Charter, signée par 127 entreprises, permet de structurer l’engagement collectif des industries du parfum et des arômes autour de cinq domaines clés : l’approvisionnement responsable, la réduction de notre empreinte environnementale, le bien-être des employés, la sécurité des produits, et la transparence.

Naissance de l’IDEA (International Dialogue for the Evaluation of Allergens)

Poursuivant son but fondateur d’établir des normes communes pour l’industrie concernant l’utilisation des matières premières, l’IFRA met en place l’International Dialogue for the Evaluation of Allergens en 2008. Son but ? Échanger plus facilement avec les différentes parties prenantes  afin de promouvoir une évaluation cohérente des allergènes. Le projet réunit scientifiques, dermatologues, experts politiques, représentants de la filière, afin de perfectionner les méthodes d’évaluation de la sécurité des produits. Il a notamment abouti à la mise en place de l’approche de l’évaluation quantitative des risques 2 (QRA2), pour prendre en compte les données les plus récentes, en intégrant par exemple les études sur les habitudes d’utilisation des consommateurs, ou encore en utilisant des modèles plus sophistiqués pour établir les seuils de sécurité des ingrédients. L’IDEA travaille également à développer un nouvel outil pour l’évaluation des tests cutanés qui permette de mesurer la pertinence des évaluations basées sur New Approach Methodologies (NAMs), qui se passent des tests sur animaux.

Les dates à retenir

1969 : Fondation de l’Organisation Internationale de l’Industrie des Arômes (IOFI)
1973 : Fondation de l’IFRA par Guy Waldvogel 
1974 : Publication du premier standard (36 ingrédients, contre plus de 200 aujourd’hui)
1996 : L’IFRA ouvre un bureau à Bruxelles 
2001 : Tripartition entre membres réguliers, associations nationales et membres soutien 2006 : Lancement de la première version du Quantitative Risk Assessment (QRA), méthode d’évaluation des risques pour la santé humaine associés à l’utilisation de parfums et d’arômes 
2012 : Création du Dialogue International pour l’Evaluation des Allergènes (IDEA)
2016 : Lancement du programme IFRA Fragrance Sustainability Initiative, qui vise à encourager l’utilisation de matières premières d’origine durable dans les parfums et les arômes
2019 : Publication du rapport The Value of Fragrance
2022 : Dernière version de la Liste de Transparence IFRA

Texte initialement paru dans le livre publié par Nez, en partenariat avec l’IFRA : We Love Fragrances (livre en anglais uniquement)

We Love Fragrances, Nez, 160 pages, 2023

The world of fragrance, in all its infinite variety, is an essential part of our lives. Its many perspectives – cultural, economic, social and emotional, as well as agricultural, industrial and technological – are explored in this book, showing just how much fragrance is an element that links us together.
To perpetuate this field, the International Fragrance Association (IFRA) plays a role in the safety and sustainability of fragranced products.We Love Fragrances brings together numerous testimonials and gives voice to all players in the value chain, from growers, suppliers of natural and synthetic raw materials, creators and producers to researchers, engineers and chemists… A book to discover and rediscover fragrance in all its different facets and understand its present and future challenges.

Smell Talks : Marlène Staiger et Jean-Charles Sommerard – Boire les parfums

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Quand le parfum s’invite dans l’univers des boissons, il suscite des initiatives originales, qui marient joyeusement les univers olfactifs et gustatifs. Co-fondatrice de la marque de liqueurs H.Theoria, Marlène Staiger collabore avec des maisons de parfum ou encore des artistes. Parfumeur créateur, Jean-Charles Sommerard accompagne de grands fabricants de boissons, distillant une approche tournée vers le bien-être et les émotions. Ils évoquent ensemble leur travail de création à la croisée des chemins.

Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2024 et animée par Sarah Bouasse.

Photos : DR.

La Paris Perfume Week revient pour sa deuxième édition, du 20 au 23 mars 2025 !

Après une première édition réunissant près de 3000 passionnés et professionnels du monde entier, la Paris Perfume Week revient du 20 au 23 mars 2025 au Bastille Design Center. Dans son sillage, se dessine une programmation inspirée et foisonnante.

Smell Talks : Raphaël Guillou – Nez du vin, jeu d’arômes

Également disponible sur : SpotifyDeezerApple PodcastsAmazon Music

Caviste et formateur installé à Sancerre, Raphaël Guillou dirige une vinothèque écoresponsable, où chaque cuvée est sélectionnée tous les sens en éveil. Dans cet exposé didactique, il définit avec pédagogie, bienveillance et humour les étapes du nez du vin permettant d’approfondir et d’apprécier une dégustation.  

Une conférence enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2024 et animée par Guillaume Tesson.

Photo : Pierre Mérat.

À lire et à sentir : la liste de Noël de Nez

Noël approche, le compte à rebours est enclenché pour dénicher des idées de cadeaux – beaux et intelligents, si possible – à glisser sous le sapin… mais que choisir ? Nez vous aide à remplir votre hotte de livres et autres présents bien inspirés…

Pour commencer, la base de toute éducation de l’odorat qui se respecte débute forcément par un abonnement à Nez, la revue olfactive ! Une attention particulière et bien sentie pour permettre à la personne aimée une ouverture illimitée sur la richesse des odeurs et des parfums, et une compréhension du rôle essentiel que joue l’odorat dans notre vie.

 

Quand on aime, on ne compte pas ? Si vous avez déjà offert les dernières parutions, ou que souhaitez convertir toute la famille, procurez-vous pour 100 € les dix premiers numéros de Nez, et des heures de lectures inspirées. Attention, il risque de ne plus y avoir beaucoup de place sous le sapin !

 

Lire le parfum c’est bien, le sentir aussi. L’abonnement à notre Box Auparfum permet de recevoir tous les deux mois quatre échantillons de nouveautés que nous avons sélectionnées. Un présent original et parfumé, qui permet d’essayer chez soi nos derniers coups de cœur. Et parce qu’une surprise n’arrive jamais seule, nous offrons aux abonnés une remise dégressive sur les Box passées, et des réductions sur la vente des parfums.

Avant de sentir, il faut d’abord comprendre comment fonctionne notre nez. C’est ce que nous propose Hirac Gurden, directeur de recherche en neurosciences au CNRS et rédacteur pour Nez, à travers un ouvrage accessible et généreux sur l’odorat et ses mécanismes. Ici on parle du fonctionnement de notre nez, de notre cerveau, de ce qui définit une odeur, mais aussi de nos effluves corporels et de ce que l’on met dans nos assiettes. Un fabuleux voyage dans le monde des odeurs et de l’odorat.

Sentir – Comment les odeurs agissent sur notre cerveau – Hirac Gurden, 19,95 €

Pour les adeptes des plantes, des épices, de leur histoire et de leur parfum, la collection « Nez + LMR – Les Cahiers des naturels » est faite pour eux. Dans ces ouvrages, vous trouverez une présentation détaillée des matières naturelles, de leur usage en parfumerie jusque dans votre cuisine, en passant par leur mode de culture et leur place dans l’histoire de l’art. Pour Noël, rien de tel que le mimosa d’hiver au parfum ensoleillé et la cannelle des biscuits épicés. À moins que ce ne soit l’orange ? La tradition d’en offrir à cette période de l’année voulait que cela porte chance, et c’est tout ce que nous vous souhaitons ! 

« Nez + LMR – Les Cahiers des naturels », de 14,50 € à 16 €

Peut-on se raconter parce que l’on sent plutôt que par ce que l’on voit ? Sarah Bouasse, qui est également rédactrice pour Nez, tente l’expérience et nous guide dans un dédale d’odeurs – dont on se rend bien vite compte qu’il est aussi le nôtre. Odeurs de maisons de vacances, parfums de l’adolescence, remugles urbains : l’autrice rappelle que nous sentons chaque fois que nous respirons, soit plus de 20 000 fois par jour.

Par le bout du nez – Une histoire intime des odeurs, Sarah Bouasse, 18,50 €

Vous passez le réveillon avec un mordu de parfums rares et autres flacons d’auteurs ? Nous avons le cadeau idéal. Plus qu’un livre, Éditions de parfums Frédéric Malle. Les 20 premières années est un objet de collection. Ce volume éclectique entraîne le lecteur à la découverte d’une maison qui a su réinventer les codes de la parfumerie de luxe, entre savoir-faire et liberté créatrice. Il y a vingt ans déjà, Frédéric Malle décidait d’éditer les œuvres de parfumeurs comme d’autres publient des livres. Esthète atypique et inclassable, le créateur dévoile sa vision haute couture de la parfumerie contemporaine. Un bel ouvrage riche en archives, anecdotes et illustrations, et surtout… moins cher qu’un flacon de la marque !

Éditions de parfums Frédéric Malle. Les 20 premières années, Marion Vignal et Benjamin Bachelier, 50 €

Noël ne serait pas Noël sans belles histoires à lire et à (se) raconter. À travers le récit des grandes maisons et de leurs fondateurs, des parfumeurs et des directeurs artistiques, ce beau livre signé Yohan Cervi retrace la genèse des succès de parfumerie à la lumière des grands événements de chaque décennie. Depuis la Belle Époque jusqu’à la fin des années 2010,  les onze chapitres du livre relatent l’épopée de cette industrie prolifique, façonnée par le monde qui l’entoure.

Une histoire de parfums (1880-2020) – Yohan Cervi, 30 €

Pour un lecteur qui préfère les histoires en images, ce somptueux roman graphique est la toute première biographie illustrée consacrée à Germaine Cellier, célèbre parfumeuse. Un livre qui lève en partie le voile sur le métier méconnu de créateur de parfum au siècle dernier.

Germaine Cellier – L’Audace d’une parfumeuse, Béatrice Égémar et Sandrine Revel, 27 €

Si vous ne savez pas quoi offrir comme parfum, commencez déjà par offrir ce livre : loin d’être une simple liste, cet ouvrage de référence propose une véritable histoire des parfums, à travers 130 ans de créations. Jeanne Doré, Yohan Cervi, Alexis Toublanc et le collectif Nez ont voulu mettre en lumière les 111 parfums qui comptent, qu’ils soient chefs de file, célébrés ou méconnus, best-sellers ou disparus.

Les cent onze parfums qu’il faut sentir avant de mourir – Yohan Cervi, Jeanne Doré, Alexis Toublanc, 17€

Un apprentissage est toujours plus heureux à travers le jeu. Master Parfums vous invite à découvrir, tout en vous amusant, les différentes cultures et coutumes parfumées du monde. Pourquoi les hommes-fleurs de Siberut portent-ils ce nom ? Qu’est-ce que la salive de dragon pour les Chinois ? D’où vient la vanille ? A quoi sert le qumqum au Moyen-Orient ?… 120 questions et réponses réparties sur 5 continents, et divisées en 4 catégories : Histoire et art, La palette olfactive, Les coulisses du parfum, Marques, parfums et astuces.

Master Parfums, Pocket Quiz, 15 €  et Livre-Jeu Olfactif, 65 €

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Les usages de l’encens en gastronomie

On peut brûler l’encens, mais aussi le boire, le manger et même le chiquer… À Oman, la résine aromatique décline ses larmes ambrées sur tous les tons, de l’air à la matière. vert ou blanc peut ainsi être mâché comme un chewing-gum, ou délicatement infusé dans une bouteille d’eau afin d’être bu tout au long de la journée. Au Al Baleed Resort de Salalah, l’oliban s’agrémente volontiers de gin et d’eau de rose. 

Il ne laisse pas non plus les gourmands indifférents. Au café Ba Ban de Mascate, une crème glacée à la résine d’encens d’Oman accompagne les profiteroles aux bananes caramélisées et sauce chocolat. Un peu plus loin, sur la corniche qui longe la capitale, le restaurant Bait al-Luban, fervent soutien de l’agriculture et de la pêche locales, propose de déguster un dîner entier à l’encens, assis à même le sol sur un siège traditionnel omanais.

Dans le village de Bahla, à quelques kilomètres de Nizwa, l’ancienne capitale du sultanat d’Oman, Saïd Al Adawi n’a pas encore 10 ans lorsqu’il a réalisé sa première pièce, un brûle-encens qui a tellement plu à son père que cela lui donne envie de continuer. La manufacture des frères Adawi produit plus de 2000 porte-encens par an, parmi les plus fameux du pays. Rencontre.

Credits: Nez
Director: Eléonore de Bonneval
Videographer: Ateeb Ali
Creative Director: Mathieu Chévara
Video Editor: Jean-Philippe Derail
Sound design: Perfecting Sound Forever
Title design: Vianney Bureau, Mikaël Charbonnier
Amouage: Renaud Salmon, Andras Komar, Dominique Roques, Matthew Wright, Rayyan Alabdullatif
Special thanks to Arielle Lauze.

AU SOMMAIRE DE NOTRE GRAND DOSSIER « WADI DAWKAH »

Julien Rasquinet : « Au-delà de sa beauté olfactive, Aromatics Elixir porte une leçon de création » 

Il y a des parfums qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Et puis il y a les parfums qui comptent, ceux qui marquent à jamais la vie et la carrière d’un parfumeur. Semaine après semaine, ils sont désormais nombreux à nous avoir conté leur rapport à une création, et l’influence parfois inconsciente de celle-ci sur leur manière de composer.
Parfumeur principal chez CPL Aromas, Julien Rasquinet s’est confié à nous pour évoquer ses souvenirs d’enfance, à travers un parfum emblématique : Aromatics Elixir.

S’il est bien une création qui me renvoie vers mes souvenirs d’enfance, c’est Aromatics Elixir de Clinique. J’ai l’impression de l’avoir toujours connue, comme si j’avais pu la percevoir depuis le ventre de ma mère, avant même d’être né : c’est son parfum signature. Elle lui a presque toujours été fidèle. Quand je le sens, il m’emplit d’un sentiment de réconfort, de sécurité. Je me souviens également du cocktail détonnant qui régnait à la maison : à l’opulence charismatique maternelle, mon père, puis moi, ajoutions le sillage d’Habit rouge !

Je ne l’ai évidemment pas senti que sur elle : cette création a su conquérir le monde, elle a imposé une ligne directrice dans les chypres. Tous ses successeurs semblent ainsi en porter l’empreinte, et nombre de parfumeurs l’ont dans un coin de la tête lorsqu’ils composent. Mais Aromatics Elixir a aussi été un succès auprès du grand public, en opérant cette prouesse de remettre au goût du jour ces chypres qui, dans les années 1970 aux États-Unis, étaient perçus comme vieillots. Pourtant, Aromatics Elixir est radical, sans compromis. 

Il a eu bien des ancêtres, mais semble avoir complètement renouvelé le genre. Il incarne par ailleurs un paradoxe qui m’amuse : il contredit les règles d’écriture dont à peu près tous les parfumeurs se vantent aujourd’hui ! Nous parlons en effet constamment de formules simples et d’épure, et pourtant l’une des plus grandes compositions de l’histoire va exactement à l’opposé d’une telle démarche. À mon sens, cette fragrance porte ainsi, au-delà de sa beauté olfactive, une leçon de création : elle nous invite à être plus attentifs à nos impressions, à notre corps et à nos sensations lorsque nous travaillons, en mettant en partie de côté la raison et la théorie, même si elles restent essentielles.

Aromatics Elixir m’a personnellement beaucoup influencé dans mon écriture, définissant probablement mon goût personnel pour des fragrances raffinées mais ultra puissantes. Même si je n’ai jamais vraiment composé dans sa filiation directe, je crois que j’y pense à chaque fois que je travaille des effets chyprés dans une création : que ce soit dans The Moon des Éditions de parfum Frédéric Malle, dans Tabac Rose de BDK, dans Orchid Leather de Van Cleef & Arpels, ou encore dans Notte d’Oro de Valentino – que j’ai cocréé avec Paul Guerlain.  

Encore aujourd’hui, je pense que ce parfum a beaucoup à nous apprendre et il constitue à mon sens ce qui a été fait de plus élégant, tant pour les femmes que pour les hommes. Il n’a pas pris une ride ! Il est certes moins porté, mais sait frayer son chemin dans le cœur de celles et ceux qui souhaitent se démarquer : signé, différenciant, intemporel, mêlant puissance et élégance, il me semble parfaitement dans l’air du temps !

Julien Rasquinet, octobre 2024

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DOSSIER « CONFIDENCES PARFUMEES »

Smell Talks : Dorothée Duret et Claire Martin – La couleur des odeurs

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Est-il possible d’utiliser d’autres sens que notre odorat pour exprimer une émotion olfactive ? Peut-on décrire une fragrance comme une couleur, voire un paysage ? Comment expliquer physiologiquement la synesthésie ? Le jeudi 21 novembre 2024, la librairie du Centre Pompidou accueillait le lancement du dix-huitième numéro de Nez, la revue olfactive

En écho à la thématique de son grand dossier, une table ronde a réuni deux expertes pour évoquer les liens entre parfums et neurosciences : Dorothée Duret, fondatrice de la parfumerie indépendante Le Nez insurgé à Bordeaux et de la ligne de parfums Couleurs, qui questionne la perception de la couleur à travers l’olfaction et Claire Martin, docteur en neurosciences, spécialiste de l’olfaction et directrice de recherches au CNRS.

Un échange modéré par Sarah Bouasse.

Visuel : Guillaume Tesson.

L’esprit Bonheur : une exposition, un livre et un parfum

A l’occasion de l’exposition Rosa Bonheur et les Fauves au Château de By et de la publication du livre Le Lion de Rosa (Bonheur) par Laurence Bertrand Dorléac aux éditions Gallimard, nous vous proposons la lecture de notre reportage publié dans Nez #17. Une immersion olfactive dans l’univers chatoyant de l’artiste, avec la collaboration de Véronique Nyberg, parfumeuse chez Mane.

Les saisons passent sur le château de By, et chacune apporte ses odeurs particulières. Si l’été nous pousse vers le parc entretenu qui entoure la bâtisse, l’hiver invite davantage à profiter des intérieurs, en particulier du majestueux atelier de Rosa Bonheur, conservé intact. Quand, après avoir monté un sombre escalier en colimaçon, on entre dans cette pièce bordée d’une vaste baie vitrée, on est accueilli par un portrait en pied de l’artiste, posé sur un chevalet. Ici, entre ses œuvres et esquisses, sont exposés les objets de son quotidien : pinceaux, gibecière, photographies, lettres et flacons de parfum. Surtout, de nombreux animaux empaillés décorent la pièce. Tous sont morts de leur belle mort, il ne pouvait en être autrement pour l’amoureuse des bêtes qu’était la peintre.

Cabinet de curiosités

Entre bazar et cabinet de curiosités, cet atelier est une prouesse : architecturale, d’abord, car en son temps il fut construit par Jules Saulnier, à la demande de l’artiste, comme une extension de l’édifice ; mais aussi de conservation, à l’image du titanesque projet de restauration qu’a mené Katherine Brault, nouvelle propriétaire des lieux. Grâce à elle et à ses filles qui partagent l’aventure commencée en 2017, la belle endormie poussiéreuse et secrète qu’était la bâtisse a été entièrement rénovée et réouverte au public en 2018. Entouré de son parc remarquable, le château abrite aujourd’hui un musée, un salon de thé et des chambres d’hôtes.

Artiste star

Lors d’une visite qui les a menés des appartements particuliers jusqu’aux greniers restaurés, Véronique Nyberg, parfumeuse de la maison Mane, et Arthur Mercier, photographe, ont été captivés par l’imposant atelier où flotte encore l’esprit unique de Rosa Bonheur. Fumant et autorisée à porter le pantalon, artiste star la plus cotée de la seconde moitié du XIXe siècle, en Europe comme aux États-Unis, décorée de la Légion d’honneur des mains de l’impératrice Eugénie, cette femme indépendante a marqué l’histoire de l’art par l’ambition de ses formats – gigantesques – et ses sujets, les animaux pour lesquels elle arpentait les foires aux bestiaux, ou qu’elle recueillait chez elle. Il est dit que plus de deux cents spécimens, sauvages, lions, singes, perroquets – ou domestiques, ont été hébergés à By, sans compter une ruche juchée sur le toit même de l’atelier.

À contre-courant

Ici règne une grande liberté d’esprit. En pensant hors cadre, un monde de tous les possibles advient. Cela tient à la vision de Rosa Bonheur qui œuvrait à bas bruit et à contre-courant pour les causes féminine et animale, par son exemple, ses convictions et son mode de vie. En miroir, Katherine Brault, par son parcours hors du commun et sa ténacité, a réussi à mobiliser de nombreux acteurs privés et publics autour de son projet de réhabilitation des lieux, pour en faire le Giverny d’Île-de-France. Originaire de Fontainebleau, cette entrepreneuse aux expériences multiples dans la gastronomie, le luxe et la communication ne se doutait pas, quand elle visita enfant la demeure délabrée en sortie scolaire, qu’elle y serait un jour chez elle, et par là recevrait les cinq kilos de clés qui ouvrent chacune des portes de la maison.

Intérieur et extérieur

En matière de force d’âme, Véronique Nyberg n’est pas en reste. « L’œuvre de Rosa Bonheur et la mise en abîme des parcours de femmes exceptionnelles qui se sont succédé ici me parlent beaucoup. » Les différentes ambiances olfactives du château ont été source d’inspiration. D’abord dans ce dialogue entre intérieur et extérieur, l’architecture et la nature, l’art et l’animal, des contrastes qui se répliquent à travers les tableaux eux-mêmes. Elle a composé, pour illustrer son expérience du lieu, cinq pistes olfactives. Deux autour de la nature environnante : le parc et son pavillon des Muses à l’ombre d’arbres centenaires, mais également la forêt dont le domaine est en lisière. Et trois autres, comme un zoom avant, allant de l’atmosphère générale du château, puis l’atelier, jusqu’à un détail de la pièce. Sur son parquet, au sol, il y a la fourrure de la lionne Fatma, apprivoisée par Rosa Bonheur, qui apporte une touche blonde et chaude dans un écrin de bois sombre. C’est cette proposition qui a été retenue pour la carte olfactive, figurant dans chaque exemplaire de la revue Nez #17.

Création du parfum Fatma par Véronique Nyberg

L’approche artistique de Véronique Nyberg est un équilibre de maîtrise scientifique et de liberté créatrice. Docteur en chimie, la parfumeuse connaît le dialogue des molécules et des belles matières issues de la nature, qu’elle respecte depuis son enfance. C’est dans les Hautes-Alpes, au jardin de sa grand-mère, herboriste en son temps, qu’elle a découvert le rythme des plantes. Depuis, elle ne cesse d’étudier l’harmonie végétale. Pratiquant la peinture et la sculpture pour se ressourcer, adorant le contact de la terre et le geste de la main, c’est avec beaucoup d’émerveillement qu’elle est entrée dans l’atelier de Rosa Bonheur.

« Dans cette immense salle boisée, j’ai voulu éclairer le côté fourrure de la lionne Fatma. Sa présence m’a touchée, l’affection que Rosa Bonheur lui portait était digne d’une grande amitié. Pour l’incarner, j’ai utilisé des muscs et des notes boisées chaudes proches de la peau comme l’Orcanox, ainsi que l’Ambramone, un captif Mane. J’ai amplifié l’effet daim à travers le résinoïde de styrax et l’absolue de tonka. Pour accentuer la dimension animale, j’ai utilisé une infusion d’ambre gris. Enfin, en contrepoint frais et coloré, j’ai apporté une touche de cardamome Jungle essence. L’atmosphère créée est enveloppante, réconfortante comme une famille choisie, composée d’animaux et d’amis. »

Article complet et carte parfumée avec Fatma à retrouver dans Nez #17

Exposition Rosa Bonheur et les fauves, jusqu’au 31 janvier 2025
Plein tarif – 18€, tarif réduit* – 10€

Château de Rosa Bonheur
12 rue Rosa Bonheur
77810 By-Thomery
+33 (0)1 89 40 50 90

Crédit photo : @Arthur Mercier

Les senteurs emblématiques d’Oman

L’hospitalité des omanais se fait sentir dès l’arrivée à l’aéroport de Mascate où est diffusée une subtile odeur d’oliban connu pour apporter une ambiance sereine. En fumigation, cet encens naturel, aux senteurs de bois et d’agrumes, apaise et favorise ainsi l’endormissement. Les bains de fumée sont aussi utilisés pour purifier la maison et lui ôter ses mauvaises odeurs. 

Chaque maison possède ainsi un encensoir, qui est un accessoire d’importance au quotidien. Pour clore le dîner lors d’une réception, un brûle-parfum circule entre les invités qui parfument tour à tour leurs vêtements de la précieuse fumée.

Après avoir allumé quelques morceaux de charbon placés dans un encensoir, on place un morceau d’oliban dessus. On peut aussi utiliser un diffuseur à bougie chauffe-plat, en posant dans la coupelle quelques morceaux d’oliban dans un peu d’eau. Pour les nez sensibles, comme ceux des tout-petits par exemple, il suffit de placer un sachet de larmes de résines dans un pot pourri afin de diffuser l’odeur de l’encens de manière plus subtile.

Le bakhoor est un élément clé de la culture orientale : il désigne le principe de fumigation qui consiste à imprégner de parfum chaque jour les tissus d’ameublement de sa maison et surtout les vêtements, des femmes comme des hommes. Un bain de fumée qui ne prend que quelques secondes pour parfumer l’abaya, la robe traditionnelle des femmes omanaises et entre cinq et dix minutes si l’on veut l’expérience complète, afin d’obtenir un parfum puissant et durable. 

Parmi les ingrédients de ces mélanges top secrets, on trouve le musc, le santal, ou une mystérieuse coquille broyée provenant de la mer d’Arabie. L’oud (ou bois d’Agar), destiné aux grandes occasions, peut se présenter sous la forme de poudre ou de morceau de bois qui macérera pendant une dizaine de jours dans des parfums légers, puis encore dix autres jours dans un parfum plus puissant.

Crédit photo : Khor Rori ©Mulook Albalushi

Smell Talks : Céline Ellena – L’illusion de l’olfaction

Également disponible sur : SpotifyDeezerApple PodcastsAmazon Music

L’odeur pénètre sans façon, ni manière. Notre nez est notre sens le plus sincère, le plus fiable car sans filtre. Mais qu’en faisons-nous au quotidien ? Et le parfumeur ? Pour Céline Ellena, compositrice de parfums indépendante et rédactrice pour Nez, ce dernier est un illusionniste, un créateur de masques ou de parures. En quête à toute heure d’odeurs.

Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2024 et animée par Sarah Bouasse.

Visuel :podcast Ishootagency.

ScentXplore (New York) : « Un esprit de camaraderie »

Alors que Nez fait chaque année son tour du monde des événements dédiés au parfum, notre prochaine étape sera new yorkaise, à l’occasion de l’édition 2024 de ScentXplore (5-7 décembre), salon auquel nous particperons pour la 3e année consécutive. Rencontre avec Max Forti, son fondateur.

Quelle est la spécificité de ScentXplore par rapport aux autres événements parfum ?

ScentXplore est un événement pour les vrais amoureux du parfum, qui adorent les subtilités de cet univers. Cependant, tout le monde est invité  à découvrir notre plateforme.  Notre philosophie consiste à  « explorer, découvrir, partager, connecter ». Le public est central, et nous essayons de lui créer un événement sur-mesure. À travers nos ateliers et nos présentations, nous proposons de créer une relation entre les passionnés et les parfumeurs, ou experts de cette industrie.

De 600 visiteurs et 28 marques en 2019, à 4500 et 75 cette année :  comment expliquez-vous cette croissance impressionnante ? 

Ce succès est dû principalement au bouche-à-oreille lancé par ceux qui ont déjà fréquenté l’événement, et qui partagent leur ressenti sur l’expérience. Ceci étant dit, nous observons une croissance spectaculaire en dehors de la communauté parfum. De plus en plus de personnes découvrent les parfums de niche, et des profils de différents horizons apparaissent – venus de la mode ou du maquillage -, ce qui est fascinant et encourageant !

Passionné de longue date – vous avez commencé sur Youtube il y a plus de 10 ans – comment décririez-vous l’évolution du marché américain ? 

Le marché a incroyablement évolué en matière de connaissances. Le consommateur devient plus “calé” sur les ingrédients par exemple, donc plus exigeant sur la qualité, la performance et la singularité. C’est là que les marques de niche ont une opportunité de grandir, par rapport aux marques “mainstream” qui proposent un peu toujours la même chose. De par mon expérience, je peux témoigner que les marques qui ont le plus de succès sont celles qui font un réel effort de connexion envers le consommateur. Certaines ont des moyens limités mais elles parviennent à construire une relation, à se montrer à l’écoute de ce que le marché attend plutôt que de simplement pousser de nouvelles sorties.

À présent que ScentXplore est bien établi, quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?

Nous espérons continuer à proposer une valeur ajoutée et de l’innovation à nos visiteurs et aux marques, en cherchant à créer un lien le plus authentique qui soit, et en délivrant du contenu pédagogique, divertissant et enrichissant.  Il y a un esprit de camaraderie qui entoure l’événement, où tout le monde se sent accepté et inclus – nous tâcherons de garder ce sentiment intact.

Cet entretien est paru dans Niche by Nez #02 (printemps 2024)

Plus sur l’événement

Smell Talks : Nez en herbe, pour un éveil olfactif

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Créée il y a sept ans par un groupe de six passionnés de l’odorat et des parfums, l’association Nez en herbe affiche la volonté de faire découvrir l’odorat aux plus petits, dès la crèche, puis de les accompagner à la maternelle pour exercer leur nez et leur goût. Son fondateur Roland Salesse, ingénieur agronome et docteur des sciences, Carole Calvez, parfumeuse-créatrice de Iris et Morphée et Didier Trotier, docteur ès sciences, évoquent l’intégration de l’éveil olfactif dans les programmes éducatifs. 

Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2024 et animée par Sarah Bouasse.

Visuel : DR.

Smell Talks : Martina Bianchini – Standards IFRA et parfumerie de niche

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Quel cadre offrir aux marques de niche pour qu’elles puissent composer avec la plus large palette d’ingrédients possible, en toute sécurité et dans le respect de l’environnement ? Dans cette intervention enregistrée en mars 2024 à Milan lors de la 14e édition d’Esxence, le rendez-vous des professionnels de la parfumerie confidentielle, la présidente de l’International Fragrance Association (IFRA) Martina Bianchini partage sa vision de l’industrie. Pour elle, « si la parfumerie est un art, la science et les standards doivent permettre aux créateurs de s’exprimer le plus librement possible ».

Ce podcast est disponible uniquement en anglais.

Visuel : DR.

Smell Talks : Masterclass Francis Kurkdjian

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Depuis 25 ans, Francis Kurkdjian sculpte les facettes visibles et invisibles de la matière olfactive pour traduire ses émotions en histoires sensorielles, pour la maison qui porte son nom et comme directeur de la création pour Dior parfums. Dans cette masterclass, le parfumeur met en lumière son travail de composition à travers trois accords issus de neuf matières premières : une eau de Cologne où la mandarine est mise en majesté, une fleur de jasmin magnifiée par un accord musqué et enfin un parfum chypré, grand archétype de la parfumerie contemporaine. Une masterclass présentée par Guillaume Tesson.

Entre salon et festival, la première édition de la Paris Perfume Week a réuni professionnels et amateurs passionnés au Bastille Design Center, du 21 au 24 mars 2024. Son objectif : rendre compte de l’effervescence de la culture olfactive, et mettre en avant les acteurs d’une industrie multiple – marques, maisons de composition et producteurs de matières premières. Sur la scène des Smell Talks se sont succédé des masterclass de grands parfumeurs… et des conférences et tables rondes sur les dernières avancées de la recherche, ou les relations que le parfum peut entretenir avec l’art, la musique, le cinéma ou la mode. Nez vous propose de redécouvrir certaines de ces interventions.

Visuel : © Clément Savel.

Smell Talks : Le café, une approche sensorielle, par Martin Suard (L’Arbre à café)

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Depuis 2009, L’Arbre à café propose à ses clients des crus créés dans « l’élévation des hommes et la préservation de la terre ». De la culture à la torréfaction, en passant par la fermentation, la cohérence avec les standards de qualité et la dégustation – qui met en valeur l’olfaction, Martin Suard, responsable de la production et du contrôle qualité, explore les similitudes avec l’univers du parfum, ses matières premières et ceux qui les cultivent. Une conférence présentée par Guillaume Tesson.

Entre salon et festival, la première édition de la Paris Perfume Week a réuni professionnels et amateurs passionnés au Bastille Design Center, du 21 au 24 mars 2024. Son objectif : rendre compte de l’effervescence de la culture olfactive, et mettre en avant les acteurs d’une industrie multiple – marques, maisons de composition et producteurs de matières premières. Sur la scène des Smell Talks se sont succédé des masterclass de grands parfumeurs… et des conférences et tables rondes sur les dernières avancées de la recherche, ou les relations que le parfum peut entretenir avec l’art, la musique, le cinéma ou la mode. NEZ vous propose de redécouvrir certaines de ces interventions.

Visuel : © D.R.

Smell Talks : Isabelle Ferrand et Isabelle Larignon – Se former à l’olfaction

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Comment passe-t-on d’une attraction pour l’univers des odeurs à l’acquisition de bases solides pour en faire un métier ? Isabelle Ferrand, directrice de la société de formation Cinquième sens, par laquelle sont passés de nombreux créateurs, et Isabelle Larignon, parfumeuse indépendante, posent les bases d’un apprentissage olfactif ludique mais structuré, à travers la découverte des odeurs du quotidien et l’évaluation de matières premières et des parfums emblématiques d’hier et d’aujourd’hui. Une table ronde animée par Guillaume Tesson.

Entre salon et festival, la première édition de la Paris Perfume Week a réuni professionnels et amateurs passionnés au Bastille Design Center, du 21 au 24 mars 2024. Son objectif : rendre compte de l’effervescence de la culture olfactive, et mettre en avant les acteurs d’une industrie multiple – marques, maisons de composition et producteurs de matières premières. Sur la scène des Smell Talks se sont succédé des masterclass de grands parfumeurs… et des conférences et tables rondes sur les dernières avancées de la recherche, ou les relations que le parfum peut entretenir avec l’art, la musique, le cinéma ou la mode. Nez vous propose de redécouvrir certaines de ces interventions.

Visuels : © D.R.

Smell Talks : Masterclass Mathilde Laurent

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Devenue créatrice de parfums de la maison Cartier en 2005 après des débuts remarqués chez Guerlain, Mathilde Laurent incarne une approche libre et artistique de son métier. De la collection des « Heures » à La Panthère, de Carat à L’Envol, elle donne corps à une vision sensible et personnelle. Engagée pour faire découvrir et partager son métier avec le plus grand nombre, elle a signé (avec Sarah Bouasse) Sentir le sens publié chez Nez littérature en 2022, dans lequel elle revient sur son parcours, ses explorations, et partage ses convictions. Une masterclass présentée par Sarah Bouasse.

Entre salon et festival, la première édition de la Paris Perfume Week a réuni professionnels et amateurs passionnés au Bastille Design Center, du 21 au 24 mars 2024. Son objectif : rendre compte de l’effervescence de la culture olfactive, et mettre en avant les acteurs d’une industrie multiple – marques, maisons de composition et producteurs de matières premières. Sur la scène des Smell Talks se sont succédés des masterclass de grands parfumeurs… et des conférences et tables rondes sur les dernières avancées de la recherche, ou les relations que le parfum peut entretenir avec l’art, la musique, le cinéma ou la mode. Nez vous propose de redécouvrir certaines de ces interventions.

Visuel principal : © Clément Savel.

Smell Talks : Une histoire de matières premières et naturelles

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Par leurs qualités olfactives exceptionnelles, leur histoire ou leurs origines hors du commun, certaines matières premières naturelles nourrissent l’inspiration du parfumeur et jouent un rôle déterminant dans ses créations. Marc-Antoine Corticchiato, créateur de Parfum d’empire, échange avec deux de ses fournisseurs, François Ducreuzet, président d’Essentiel Oud et Frédérique Rémy, co-dirigeante de Floral Concept. 

Une table ronde modérée par Sarah Bouasse.

Entre salon et festival, la première édition de la Paris Perfume Week a réuni professionnels et amateurs passionnés au Bastille Design Center, du 21 au 24 mars 2024. Son objectif : rendre compte de l’effervescence de la culture olfactive, et mettre en avant les acteurs d’une industrie multiple – marques, maisons de composition et producteurs de matières premières. Sur la scène des Smell Talks se sont succédés des masterclass de grands parfumeurs… et des conférences et tables rondes sur les dernières avancées de la recherche, ou les relations que le parfum peut entretenir avec l’art, la musique, le cinéma ou la mode. Nez vous propose de redécouvrir certaines de ces interventions.

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La Route de l’encens, par Sterenn Le Maguer-Gillon

En 2000, l’UNESCO a inscrit sur la liste du patrimoine mondial la « Terre de l’encens », située dans la région du Dhofar, dans le sultanat d’Oman. Il s’agit d’un ensemble de trois sites archéologiques (Shisr, Khor Rori et Al Baleed) et d’une réserve naturelle (Wadi Dawkah). Une reconnaissance qui témoigne de l’importance du patrimoine liée à l’encens en Oman et du rôle historique majeur joué par cette région dans le commerce de ce produit. 

La « Route de l’encens » est le nom traditionnellement donné à un réseau de routes reliant le sud de la péninsule Arabique au monde méditerranéen et à la Mésopotamie à partir du Xe siècle avant notre ère. Son essor est lié à une révolution majeure au Moyen-Orient : la domestication du dromadaire. Surtout active durant l’Antiquité, cette « route » se modifie au cours du temps et, terrestre à l’origine, devient progressivement un réseau maritime à longue distance. Qu’entend-on par « encens » ? Qui l’utilisait et de quelle façon ? Comment est né ce commerce ? De quelle manière a-t-il évolué ? C’est à ces questions que nous tenterons de répondre dans cet article.

Le mot encens désigne toute substance pouvant être brûlée afin de produire une fumée odorante. Il peut s’agir de résines végétales, de bois ou de matières animales. Mais lorsque l’on évoque l’encens, on pense plus particulièrement à la résine oliban, issue du Boswellia sacra, un petit arbre de la famille des Burséracées, qui exsude une résine odorante après excision de l’écorce. Cet arbre est réparti dans le sud de la péninsule Arabique, à cheval sur les territoires du Yémen et du sultanat d’Oman, ainsi qu’en Somalie.

On trouve également d’autres espèces (31 en tout) qui fournissent une résine recherchée, comme le Boswellia papyrifera qui croît en Éthiopie. L’autre résine emblématique de l’Arabie du Sud est la myrrhe, issue du Commiphora myrrha. Néanmoins, cette résine est généralement utilisée comme onguent et beaucoup plus rarement comme encens. Le commerce de l’encens comprend ainsi non seulement de l’encens-oliban, mais aussi d’autres substances odorantes et des épices importées depuis l’Inde. La liste des produits s’est allongée avec le temps, alors que le commerce s’élargissait à des régions de plus en plus éloignées. 

Durant l’Antiquité, l’encens est principalement employé au cours des rituels religieux et dans les rites funéraires. La fumée de l’encens matérialise l’offrande destinée aux dieux et porte vers le ciel les prières des hommes. Les fumigations accompagnent aussi les prières aux morts, et ces substances utilisées en onguent s’emploient lors des pratiques d’embaumement. Ce sont donc surtout les prêtres qui manipulent ces matières odorantes. Cependant, l’usage domestique est également attesté, et les archéologues ont retrouvé des brûle-parfums dans des habitats aussi bien dans des contextes antiques qu’islamiques. 

Dater avec certitude le début du commerce de l’encens-oliban est une gageure. Néanmoins, plusieurs indices archéologiques et textuels témoignent d’une circulation très ancienne de ce produit. La plus vieille trace d’utilisation de l’encens connue à ce jour est attestée sur le site de Ra’s al-Jinz (sultanat d’Oman), à travers un brûle-parfum de forme quadrangulaire et à quatre pieds retrouvé dans un bâtiment datant du IIIe millénaire avant notre ère. Malheureusement, aucune analyse de provenance n’a été réalisée sur la matière brûlée retrouvée au fond du réceptacle, et parler d’un « commerce » à proprement parler paraît hardi. 

En revanche, dès la seconde moitié du IIIe millénaire av. n. è., la demande en encens est forte dans l’Égypte ancienne. Les textes égyptiens mentionnent essentiellement deux produits, « sntr » et « ‘ntyw », qui sont parfois identifiés avec, respectivement, l’encens-oliban et la myrrhe. Ces substances, employées dans les rituels funéraires et comme offrande aux dieux, sont importées depuis le mythique « pays de Pount », dont la localisation précise fait encore débat, mais qui se situerait dans la Corne de l’Afrique ou bien sur la rive occidentale de l’actuel Yémen, le long de la mer Rouge. Des ressources si essentielles, et si onéreuses pour les Égyptiens, que la reine Hatchepsout (r. 1490-1468 av. n. è.) ordonne une expédition jusqu’à Pount pour s’approvisionner directement et rapporter les arbres eux-mêmes en Égypte. Les magnifiques fresques du temple de Deir El-Bahari narrent cette aventure qui se soldera par l’échec des transplantations des arbres, qui ne survivront pas au climat trop aride de l’Égypte. 

Le développement du commerce des aromates en péninsule Arabique est étroitement lié à la domestication du dromadaire, qui entraîne la mise en place du commerce caravanier, à la fin du IIe ou au début du Ier millénaire avant notre ère – les premières traces épigraphiques relatant les échanges commerciaux terrestres datent des IXe/VIIIe siècles av. n. è. Un dromadaire transporte jusqu’à 240 kg de marchandises et peut parcourir jusqu’à 48 km par jour. Son emploi représente ainsi une révolution économique : il est désormais possible d’acheminer par voie terrestre une grande quantité de marchandises. Au VIIIe siècle av. n. è., d’après l’étude des sources épigraphiques sudarabiques, le commerce caravanier est établi et organisé dans le sud de la péninsule Arabique. La période qui s’étend jusqu’au tournant de l’ère chrétienne est ainsi celle des « principautés caravanières ». Au Yémen, cinq royaumes jouent un rôle essentiel dans le commerce de l’encens : ceux de Saba, de Mai’în, de Qatabân, de ‘Awsân et du Hadramawt .

Le plein contrôle des routes caravanières par lesquelles circulent, notamment, l’encens et la myrrhe devient un objectif militaire et politique de premier ordre. Dans ce but, Karib’îl Watâr (première moitié du VIIe siècle av. n. è.), roi de Saba, mène huit campagnes militaires victorieuses. Ce même souverain aurait offert à Sennachérib, roi d’Assyrie de 705 à 681 av. n. è., des pierres précieuses et des aromates afin de lui rendre hommage.

Les Minéens jouent un rôle essentiel dans le transport et la vente des aromates, comme en atteste l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien (23-79) qui explique que l’encens fut d’abord commercialisé par ce peuple de Mai’în. 

Le royaume du Hadramawt s’est établi dans la vallée du même nom, le Wadi Hadramawt, mais son territoire déborde largement cette région pour s’étendre jusqu’au Mahra à l’est, et jusqu’à l’océan Indien au sud. Sa capitale, Shabwa, est située au carrefour des routes caravanières reliant Mai’în ou Najrân par le désert et des pistes passant par les hauts plateaux. Une route relie ensuite Shabwa à Marib, capitale du royaume de Saba. Enfin, les caravanes partent de Marib vers Najrân, puis vers Yathrib (actuelle Médine), jusqu’à Pétra et Gaza, d’où les marchandises sont redistribuées vers la Méditerranée, le Levant, la Mésopotamie. Les royaumes du nord de l’Arabie (Dadanites, Lihyanites, Taymamites) prospèrent en tant qu’intermédiaires dans ce commerce et se sédentarisent dans des oasis, comme al-‘Ulâ ou Tayma. Les Nabatéens, installés dès la fin du IVe siècle av. n. è. à Pétra (Jordanie), s’enrichissent grâce au négoce et se sédentarisent progressivement. Au Ier siècle av. n. è., le royaume nabatéen couvre ainsi un vaste territoire qui s’étend, du nord au sud, depuis Damas jusqu’au Hijâz et, d’est en ouest, du Néguev au désert syro-arabe.

Après le début de l’ère chrétienne, plus aucune source épigraphique sudarabique n’évoque le commerce caravanier. Néanmoins, celui-ci n’a pas complètement disparu. Avec l’essor de l’islam, La Mecque devient le centre religieux le plus important de la région, et reste une ville marchande. On sait par exemple que, afin d’assurer l’approvisionnement en encens et en parfums, une caravane spécifique appelée latîma fait le voyage d’hiver vers le sud de l’Arabie pour rapporter les précieux produits. Les routes de pèlerinage sont en quelque sorte les héritières de ces « routes de l’encens ». 

Parallèlement à ce commerce caravanier, un commerce maritime se met en place. Outre l’oliban et la myrrhe, les aromates brûlés en Arabie du Sud ou exportés depuis cette région provenaient de diverses contrées. Originaires d’Inde, les épices, comme la cannelle ou le poivre, sont transportées par bateau jusqu’aux côtes sudarabiques d’où elles sont redistribuées vers les régions septentrionales. Ce transport depuis l’Inde implique la maîtrise de la navigation et pose la question de l’évolution du commerce maritime dans l’océan Indien.

Dès le IVe siècle av. n. è., la circumnavigation de la péninsule Arabique est bien établie et se fait par cabotage. Vers la fin du IIe siècle av. n. è., les pilotes maîtrisent les vents de mousson. 

À partir du IIe ou IIIe siècle, de nouvelles voies commerciales maritimes sont ouvertes vers l’océan Indien. Après le temps des troubles qui ont marqué le VIe siècle, l’Empire musulman assure une stabilité politique qui favorise les échanges commerciaux. Les élites musulmanes implantées dans les grandes villes consomment des produits luxueux : céramiques, tissus, parfums, pierres précieuses. S’étendant des rives de l’Atlantique à l’Amou-Daria, l’Empire abbasside (750-1258) contrôle les axes maritimes en mer Méditerranée, dans l’océan Indien, ainsi que des routes terrestres, en particulier une importante portion de la Route de la soie. Le commerce à longue distance connaît un essor considérable, et les relations entre le monde arabe et la Chine se renforcent. Des marchands arabes et perses établissent un comptoir à Canton. Ainsi, de nombreux produits originaires d’Extrême-Orient, qui étaient jusque-là rarement employés, s’imposent sur les marchés aux parfums : musc, ambre gris, bois d’agalloche, bois de santal, camphre… Ces matières exotiques, considérées comme plus prestigieuses, remplacent les matières locales comme l’oliban. En revanche, ce dernier est très apprécié en Chine où il est employé en quantité dans le cadre des rites bouddhiques. 

Au sein de ce commerce, qu’il soit terrestre ou maritime, la région du Dhofar, dans le Sultanat d’Oman, joue un rôle majeur depuis l’Antiquité, comme en témoignent les trois sites archéologiques faisant partie de la « Terre de l’encens » : Khor Rori, Shisr et Al Baleed. 

Le site archéologique de Khor Rori, l’ancienne Sumhuram, est une ville fortifiée d’une superficie de 8 560 m2 installée sur un éperon rocheux dominant une anse (khor, en arabe), à 31 km à l’est de Salalah. Elle doit son nom au roi Sumhuram ‘lhan (r. IIIe ou IIe siècle av. n. è.), souverain du Hadramawt, qui a fondé la ville. L’encens récolté dans le Dhofar était entreposé dans la ville, protégée par des murs pouvant s’élever jusqu’à 8 m de haut. Il était ensuite acheminé vers Qâni’ (l’actuel Bî‘r ‘Alî, au Yémen), où il était stocké avant d’être expédié à Shabwa, d’où les caravanes le transportaient vers le nord, ainsi que nous l’avons décrit plus haut. La ville de Sumhuram est abandonnée progressivement au cours du Ve siècle à cause de l’ensablement de sa baie. 

Shisr, aussi appelé « Ubar », se situe à moins de 150 km au nord de Salalah. Le site a été visité par l’explorateur britannique Wilfried Thesiger dès 1946, puis redécouvert au début des années 1990 par Nicholas Clapp et Juris Zarins à la suite de reconnaissances aériennes. Les vestiges sont constitués d’un dôme calcaire écroulé qui recouvrait autrefois une source d’eau. Sur ce dôme, une grande enceinte fortifiée de forme trapézoïdale avait été édifiée, mesurant 57 m par 45 m de côté. La nappe aquifère située sous la forteresse a creusé le sous-sol, provoquant l’effondrement du dôme calcaire. L’occupation du site remonterait à 300 av. n. è., puis celui-ci est réoccupé durant la période islamique, jusqu’au XIVe siècle. Parmi les trouvailles, six pièces d’un jeu d’échecs en grès datant des XIe-XIIe siècles ont été mises au jour. C’est avant tout la présence en eau qui a fait la richesse de Shisr, ce qui explique l’enceinte fortifiée. Située non loin de la région où poussent les arbres à encens, elle pourrait bien avoir été un relais caravanier de l’une des nombreuses pistes reliant les zones de production aux zones de consommation de l’encens. D’autre part, la découverte de brûle-parfums lors des fouilles témoigne de l’usage de l’encens à cet endroit. 

La vivacité du commerce maritime de l’encens durant la période islamique est visible à travers la richesse du site archéologique d’Al Baleed, situé dans la partie orientale de la ville moderne de Salalah et où se trouvent les vestiges du port médiéval de Zafâr qui a donné son nom à la région, le Dhofar (Zufâr, en arabe). Les fouilles archéologiques ont révélé que ce port était actif du xe au XVIe siècle. Les sources textuelles médiévales chinoises, occidentales et arabes témoignent des activités commerciales de la ville liées, notamment, à la vente de l’encens. À la fin du XIIIe siècle, Marco Polo, le fameux marchand et voyageur vénitien, nous informe que « l’encens blanc y naît fort bon, et en abondance », puis il nous décrit comment l’encens était récolté après que l’arbre avait été entaillé et que la résine avait séché. Tout comme Sumhuram en son temps, le port de Zafâr était fortifié afin de protéger ses richesses. Malheureusement, ces fortifications ne résisteront pas à l’attaque des navires portugais au début du XVIe siècle. 

Enfin, la réserve naturelle de Boswellia sacra de Wadi Dawkah se situe à 42 km au nord de Salalah, à environ 680 m d’altitude. Elle s’étend le long du wadi, sur 6 à 7 km2 (600-700 ha). Dans cette réserve naturelle se trouvent les plus grands et les plus anciens spécimens de Boswellia sacra du Dhofar. Âgés d’une centaine d’années, ces individus atteignent 4,5 voire 6 m de hauteur. Dès 2001, un programme d’intervention est mis en place. Il se poursuit aujourd’hui sous les auspices d’Amouage pour protéger, mettre en valeur et exploiter de manière durable ce patrimoine naturel. 

L’Antiquité est souvent considérée comme l’âge d’or du commerce de l’encens. Cette vision est en fait biaisée par les nombreux textes antiques, en particulier ceux de Hérodote et Pline l’Ancien, qui chantaient les merveilles de cette « Arabie heureuse » productrices d’aromates. Or, les sources textuelles et données archéologiques témoignent de la vigueur de ce commerce durant la période islamique et médiévale. Au sein du monde méditerranéen christianisé, l’encens-oliban est employé dans la liturgie pour purifier l’église. À la faveur de ses échanges avec le monde musulman, l’Europe va également découvrir une grande diversité d’aromates. Une ville marchande comme Venise devient capitale des parfums grâce à ses réseaux d’échanges privilégiés avec le monde arabe. À l’est, c’est en Chine que l’on trouve la plus forte demande en encens-oliban : des registres commerciaux datant du XIe siècle rapportent que plusieurs dizaines de tonnes d’oliban étaient débarquées dans les grands ports chinois chaque année. Et la Route de l’encens n’appartient pas seulement au passé : c’est un patrimoine encore bien vivant qui ne demande qu’à être exploré. 

Visuel principal : Khor Rori ©Mulook Albalushi

AU SOMMAIRE DE NOTRE GRAND DOSSIER « WADI DAWKAH »

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