Il est l’un des plus jeunes managers à la tête d’une maison de composition. En 2024, Roland Altenburger a pris les rênes de Luzi, l’entreprise familiale suisse spécialisée dans la création de fragrances précédemment dirigée par son grand-père Eduard et son père Rolf. Nous l’avons rencontré à Zurich, au siège de la société.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Los Angeles, samedi 10 mai 2025. L’application météo affiche une température de 37° C, soit 12 °C au-dessus des normales saisonnières. Doit-on y voir une manifestation de l’ambiance volcanique promise par Cercle Odyssey, qui a posé pour une semaine son projet immersif dans la Cité des Anges ? La crème de la musique électronique s’y produit au sein d’un dispositif mêlant projections vidéos, installations numériques et diffusion d’odeurs, à une échelle monumentale et inédite. À cette occasion, Ugo Charron, ayant récemment reçu son titre officiel de parfumeur après cinq années passées au sein des équipes de Mane à New York, a rencontré Mathieu Chévara, co-fondateur et directeur de création de Nez de passage en Californie, pour un entretien passionnant sur la place des odeurs dans cette expérience synesthésique.
Il y a deux ans, tu créais une première fragrance alors diffusée lors des événements de Cercle.1Quelles ont été les premières observations que tu as faites de cette expérience assez inédite ? En 2023, tous les shows ont eu lieu en extérieur, dans des espaces vastes et variés. C’était donc particulièrement complexe de tout maîtriser. Trois villes ont reçu l’événement : Séville, Genève et Paris. À Séville, il faisait évidemment très chaud, l’espace était gigantesque, c’était loin d’être évident. Le dispositif était plus simple à mettre en œuvre à Genève, le lieu était plus réduit, et doté d’un plus grand nombre de diffuseurs. Quant à Paris en 2024, au musée de l‘Air et de l’Espace, nous avons été confrontés à un espace à nouveau très vaste, et nous avons donc préféré choisir des zones stratégiques pour la diffusion, sans qu’elles soient pour autant explicitement signalisées. Un maximum de spectateurs a pu se laisser surprendre et ainsi, sentir et ressentir les parfums. Avec le recul, il me paraît évident de disposer d’un plus grand nombre de points de diffusion pour assurer une plus grande homogénéité des parfums dans les zones accueillant les publics. Le premier constat que nous avons pu faire a été cependant très rassurant: nous avons récolté de nombreux commentaires, ce qui signifie que les parfums sont au moins arrivés à destination ! Ils concernaient principalement les aspects qualitatifs de Golden Hour, le parfum signature de Cercle. Ce premier essai a donc été plutôt satisfaisant et suffisamment convaincant pour que les équipes de Cercle décident d’aller plus loin.
Deux ans plus tard, comment le projet a évolué ? Pour franchir une nouvelle étape, il semblait donc prioritaire de multiplier les points de diffusion, afin de proposer une expérience olfactive encore plus manifeste par un flux homogénéisé. Concernant le parfum en tant que tel, et si l’expérimentation d’une odeur unique reflétant le Cercle dans sa globalité a facilité la mise à l’épreuve du dispositif, il nous a paru évident qu’il serait bien plus intéressant de tenter de suivre les spécificités de chaque concert et de chaque scénario visuel associé.
Derek Barbolla, créateur de Cercle, a souhaité intégrer pour cette nouvelle édition de son projet immersif une dimension plus scénarisée, plus narrative. Il s’est penché sur le thème de l’Odyssée d’Homère, et en a proposé une interprétation en quatre actes pour Cercle Odyssey. Cette évolution représentait une parfaite occasion pour nous de déployer l’expérience olfactive à l’aide de nouveaux parfums, en s’appuyant sur le succès de Golden Hour. J’ai donc proposé de créer trois nouvelles signatures olfactives, plus thématisées, s’ajoutant à la première. Les quatre parfums désormais disponibles ne sont cependant pas systématiquement tous utilisés. Ils font désormais partie, tout comme les bibliothèques d’images, d’animations visuelles et de vidéos dont disposent Cercle, des possibilités de personnalisation pour répondre aux spécificités artistiques de chaque performance musicale proposée par les artistes programmés. Pour moi, c’est une étape décisive dans l’implantation durable d’une expérience olfactive, mais aussi de sa contribution au projet immersif dans sa globalité.
Peux-tu nous éclairer davantage sur le processus de création et les propriétés de ces trois nouveaux parfums ? Certains visuels et extraits vidéos m’ont été envoyés en amont, tous captés par l’équipe de Neels Castillon, qui a récolté une matière très variée dans le monde entier. J’ai donc eu la chance de visualiser, de comprendre et de ressentir les ambiances comme les différents messages adressés au public. J’ai alors tenté d’accompagner et de prolonger ces diverses intentions d’un point de vue olfactif.
Le premier parfum, intitulé La Forêt, s’inscrit dans une expression végétale très tropicale. Les tournages, réalisés en Polynésie, présentent une jungle particulièrement dense. J’ai composé un parfum doté d’une facette très verte, très croquante, associée à des notes florales, humides, pour mettre en lumière les fleurs blanches que l’on trouve sous ces latitudes : l’incontournable Jasmin Absolu bien sûr, mais aussi le Champaka Rouge E-Pure Jungle Essence et le bois de Genevrier ID Jungle Essence . Issu d’un partenariat entre Mane et l’ONG Red List Project, il s’appuie sur un headspace et permet de recréer les propriétés olfactives de la fleur sans l’exploiter au sens littéral du terme.
Le deuxième parfum, intitulé L’Océan, s’appuie sur diverses sources visuelles captées en Islande, en Namibie et en Polynésie. Je voulais vraiment éviter de créer un parfum qui sente la plage, pour me concentrer spécifiquement et exclusivement sur la sensation de l’eau, dans son immensité océanique. On retrouve bien sûr des notes salées, iodées, notamment grâce à l’Algue Rouge Jungle Essence, mais aussi à travers l’utilisation de la Lavande Pure Jungle Essence qui donne un côté très bleu, dans sa fraîcheur légèrement camphrée. Un cocktail de Bergamote Sustainable et Citron Upcycled apportent enfin des facettes très rafraîchissantes qui amplifient l’intention olfactive.
Le troisième parfum, La Nuit étoilée, met en lumière les aurores boréales tournées en Islande. Elles m’ont amenées à travailler sur l’immensité fascinante des grands espaces célestes, lorsque l’on se retrouve dans la nature pour les observer. J’ai donc utilisé des notes fumées, avec du Cade et du Cèdre Atlas et Orcanox Upcycled, qui apportent ensemble une expression un peu mystérieuse, presque shamanique. La vanille absolue de Madagascar, quant à elle, se propose comme une enveloppe sombre mais réconfortante, à la manière d’un plaid dont on se couvre autour du feu, sous un ciel étoilé. Enfin, le jasmin, en toutes petites touches, tente d’enrober le parfum dans une nécessaire majesté.
En ce qui concerne le dispositif de diffusion, comment avez-vous procédé pour tenter de l’améliorer ? Pour cette nouvelle édition, le dispositif a été entièrement revu pour assurer la diffusion programmée des parfums. Des bonbonnes ont été installées sur de puissants ventilateurs répartis autour de la scène centrale, autant de dispositifs connectés à un système de déclenchement contrôlé à distance par la régie. Cela permet notamment de diffuser, à la seconde près, le parfum souhaité sur la base du script défini en amont. La société C17, déjà impliquée dans le projet pour la création des effets spéciaux, a imaginé et testé les conditions optimales de diffusion en collaboration avec les équipes de Mane.
Un autre paramètre a facilité le processus de diffusion : les shows ont tous eu lieu en intérieur, dans des espaces relativement homogènes, qu’il s’agisse de Mexico City, Los Angeles et Paris. Cela n’a bien entendu pas résolu toutes les problématiques, notamment le volume de ces très grandes salles et le niveau de fréquentation du public, qui influent indubitablement sur les flux olfactifs dans l’espace, sans oublier les questions de climatisation, les mouvements de foules, etc. Il ne faut pas non plus négliger les odeurs que de nombreux spectateurs portent sur eux, qui interviennent comme autant d’éléments parasitants pour accéder aux meilleures conditions olfactives de l’expérience.
Penser et travailler la circulation de l’air, c’est la mission des ingénieurs en thermodynamique, au même titre que l’on trouve des ingénieurs acousticiens qui viennent assurer la bonne diffusion du son, notamment lorsqu’un concert est organisé dans un lieu qui n’est pas dédié à cela. Ne serait-ce pas une ressource intéressante à convoquer pour assurer la meilleure expérience olfactive pour les publics ? Ce serait en effet un facteur d’amélioration déterminant pour les prochaines éditions, afin d’optimiser l’expérience selon tous les paramètres que l’on a pu lister jusque là. C’est une intervention qui devrait d’ailleurs être systématisée dans chaque situation de diffusion d’odeurs dans l’espace. Sans cela, on en est un peu réduit à tatonner, chaque nouveau show représentant l’unique moyen d’optimiser le dispositif, de manière très empirique. Le peu de précédents concernant la diffusion d’odeurs lors de grands concerts génère souvent des inquiétudes légitimes de la part des organisateurs. Ils souhaitent avancer pas à pas, avec prudence, quand de mon côté je suis évidemment très impatient de trouver le moyen d’exploiter pleinement l’intervention des parfums ! J’ai la sensation que nous ne sommes qu’au démarrage d’un processus dans lequel les odeurs trouveront encore une place plus centrale au sein de Cercle Odyssey. Mais encore une fois, cela reste très encourageant et extrêmement excitant pour moi, en tant que parfumeur et musicien.
Lors des premiers shows de Mexico et Los Angeles, as-tu pu recueillir les réactions du public aux odeurs proposées comme à leurs conditions de diffusion ? Pour le moment, nous n’avons pas encore d’informations consolidées, mais l’équipe de Cercle envoie systématiquement un questionnaire aux milliers de spectateurs qui ont vécu l’expérience, dans un but d’amélioration continue. On en saura sans doute davantage d’ici quelques semaines. Cependant, Mane a souhaité que je sois présent sur chaque show, afin d’assurer le meilleur résultat possible (et d’endosser le rôle de thermodynamicien !), mais aussi de mieux comprendre les possibilités d’amélioration de la diffusion des odeurs. Proposer les parfums diffusés sous la forme de bougies par exemple, permettrait aux publics sensibles à ce dispositif de prolonger l’expérience après le show. Lorsque tous nos sens sont convoqués au sein d’un événement très attendu, circonscrit dans l’espace et le temps, les ressentis sont souvent beaucoup plus puissants, et la mémoire qu’on en garde l’est alors tout autant. J’imagine sans difficulté que visionner le show chez soi, accompagné par la diffusion des odeurs, pourrait participer à ancrer la singularité de Cercle et prolonger cette expérience intrinsèquement éphémère. Mais ce serait aussi l’occasion pour tous ceux qui n’ont pas pu assister à Cercle Odyssey de proposer une version immersive accessible, afin de confirmer ou de développer leur intérêt pour ce projet très innovant.
Prolonger l’expérience est une belle idée, mais ne penses-tu pas que se familiariser avec les odeurs en amont pourrait être également bienvenue ? Lorsque le public se rend à un concert, il a pris le temps de découvrir la musique proposée, d’apprendre à l’aimer, à l’associer à des situations et des sentiments qui lui sont très personnels. L’analogie avec les comportements du public concernant la musique est très intéressante. Au-delà, certains spectateurs s’étant familiarisés en amont avec les parfums pourraient identifier plus immédiatement leur diffusion dans l’espace lors des shows, tout comme on attend impatiemment l’interprétation d’un morceau que l’on aime plus qu’un autre, et que l’on identifie plus en une fraction de seconde. C’est un débat que je suis très curieux d’avoir avec Derek Barbolla comme avec les artistes qu’il programme, et qui sait, cela pourrait aboutir à l’ouverture de nouvelles options lors de l’achat des tickets par les spectateurs.
En effet, on pourrait imaginer une collection d’échantillons, comme nous le faisons avec la Box by Nez, pour proposer aux spectateurs qui le souhaitent de découvrir en amont ces créations olfactives originales. À ce propos, quelles sont selon toi les opportunités que représente cette collaboration avec Cercle ? Elles sont nombreuses, et j’apprécie particulièrement qu’elles se révèlent à mesure que j’assiste aux différents shows, ou bien lorsque j’échange avec les experts réunis dans l’équipe de Cercle. Créer au sein de Cercle une entité dédiée au parfum comme une véritable marque olfactive serait la preuve irréfutable de la légitimité des odeurs dans un projet multi-sensoriel, qui est encore aujourd’hui très expérimental. Par ailleurs, quand j’ai la chance d’assister aux performances d’artistes comme Moby, Paul Kalkbrenner, The Blaze or Black Coffee dont j’admire le travail depuis des années, il est difficile de résister à l’envie de travailler aussi avec eux pour créer des parfums en lien avec leurs univers esthétiques. Cela représenterait pour moi un véritable aboutissement. Et qui sait pouvoir imaginer une collection qui pourrait être distribuée en tant que telle en parfumerie.
Perçois-tu des limites dans cette collaboration, compte-tenu notamment de la dimension très spectaculaire et grand public de l’événement ? Je pense que le facteur temps est l’élément le plus difficile à gérer dans ma position de parfumeur. En effet, chaque ajustement olfactif fait l’objet de nombreuses analyses, parfois d’inquiétudes, que le manque de précédents dans le domaine du spectacle vivant rend d’autant plus difficile à contrer. Il faut attendre les conditions du live pour avancer et améliorer le dispositif. La confiance des organisateurs est également un paramètre clé pour continuer à déployer et renforcer la dimension olfactive des shows. Ma présence soutenue auprès des équipes est sans doute le premier atout pour la développer. La prudence légitime des organisateurs quant à l’intensité des parfums au sein des shows est aussi un défi, que j’essaie de relever en les rassurant, progressivement. Cela demande du temps et de nombreux shows pour expérimenter.
Il me semble cependant qu’il est toujours plus facile de refroidir un bain trop chaud que de faire l’inverse. Cela te fait-il réagir au regard de ce que tu viens d’exprimer ? Dans le champ des odeurs, on ne se confronte pas à un facteur de risque très important. En effet, la quantité d’odeur diffusée ne peut pas réellement générer des situations critiques, d’un point de vue de la sécurité des spectateurs. Au pire, seuls l’inconfort que représenterait la présence trop forte d’un parfum ainsi que l’éternel “j’aime/j’aime pas” pourraient nous être reprochés. Mais il est certain que nous aboutirions plus rapidement à des résultats encore plus poussés si nous densifions avec générosité la quantité de parfum diffusé, et que nous l’ajustions en fonction des réactions du public. Cette prise de risque incombe bien entendu aux créateurs de Cercle, je suis déjà pour ma part enchanté et honoré de pouvoir apporter une dimension olfactive à ce projet qui a déjà conquis des dizaines de milliers de personnes dans le monde.
Plus généralement, j’imagine que c’est pour Mane et pour toi une opportunité de mieux appréhender les problématiques de diffusion des odeurs dans des situations assez extrêmes. Chaque solution que vous parvenez à trouver ouvrent des possibilités de déploiement et d’exploitation de ces nouvelles formes d’accès aux parfums, qui peuvent toucher de nombreux domaines : l’architecture, les musées, les concerts, le spectacle vivant, le cinéma, pourquoi pas les parcs d’attraction et plus généralement, les événements dans leur grande diversité. En effet, malgré quelques sociétés spécialisées dans la diffusion des odeurs, cela reste encore un champ très vaste à explorer. On peut imaginer que cela pourrait faire émerger des besoins et des opportunités qui, avec le temps, deviendraient de nouveaux standards dans tous ces domaines, et ainsi de nouveaux marchés à développer.
En parallèle de ton métier de parfumeur chez Mane, tu as une activité artistique au sein de Cosmic Gardens, une formation musicale multisensorielle que tu as créée avec Clément Mercet, et dans laquelle tu expérimentes également la diffusion de parfums. En quoi cela alimente-t-il ton intervention auprès des équipes de Cercle et plus généralement, ton approche de la création de parfums ? Cosmic Gardens propose des expériences associant musique électronique en live, projection de vidéos et diffusion d’odeurs. En cela, c’est très proche de ce que produit Cercle Odyssey, à une échelle évidemment beaucoup plus modeste ! Cependant, même si nous ne disposons pas des mêmes moyens, j’ai à cet endroit une très grande liberté pour expérimenter tout autant dans le champ de la création de parfums que dans leurs modalités de diffusion. Ces expériences m’ont permis d’aller à la rencontre de Cercle avec un bagage et une connaissance de leurs problématiques qui nous ont sans doute fait gagner du temps. Plus généralement, en tant que parfumeur, il me paraît indispensable de continuer à être curieux de tous les autres champs d’expression liés à nos sens. Tout le monde peut noter les nombreux passages qu’il existe dans le vocabulaire utilisé au sein de champs disciplinaires convoquant des sens très différents. On parle par exemple de coloriage en musique, de notes en parfumerie, de rythme en peinture. La dimension immatérielle et invisible du parfum rend son approche par le public beaucoup plus abstraite, et il convient encore de le présenter en s’appuyant sur d’autres expériences sensorielles pour en faire comprendre les propriétés fondamentales. L’exploration de la musique, associée à l’image et aux odeurs, élargit inévitablement le périmètre de création de mes parfums, et mes capacités à les partager.
Pour conclure, pourrais-tu nous parler de ce qui représenterait un aboutissement ultime dans ta collaboration avec Cercle Odyssey ? Espères-tu l’émergence d’un statut de PJ (Perfume Jockey), qui sera un jour tout aussi évident et incontournable que celui de DJ ou VJ ? Il faudrait déposer l’appellation ! Comme pour les images qui sont diffusées lors des concerts, ou pour les arrangements des morceaux interprétés par les artistes sur scène, je rêverais effectivement de pouvoir augmenter le potentiel de personnalisation de l’expérience olfactive lors des shows : la création en live de parfums, sur la base d’une librairie de matières premières ou d’accords, la quantité de parfums diffusés, ou encore les zones de diffusion en lien avec les interactions lumineuses par exemple. En bref, pouvoir improviser comme pourrait le faire un musicien lorsqu’il a devant lui un nombre de mesures dédiées à son solo ! J’aimerais également pouvoir tenter de donner une matérialité aux odeurs, peut-être en associant le transport des molécules odorantes à de la vapeur, processus qu’avait utilisé l’Institute for Art and Olfaction à Amsterdam il y a quelques années. Cela permettrait d’identifier visuellement la présence du parfum dans l’espace et de pouvoir permettre aux spectateurs d’être davantage conscient de la situation de découverte olfactive qui leur est proposée. Ce serait également une manière très concrète de revenir aux sources étymologiques et matérielles du parfum, à savoir Perfumum, par la fumée. J’espère sincèrement pouvoir t’en dire davantage dans les mois et les années à venir !
Aujourd’hui, Stéphane Rey, ingénieur agronome responsable des ingrédients naturels pour le Laboratoire Monique Rémy, explique le quotidien de son métier de sourceur. Il expose les défis économiques, sociaux et environnementaux générés par le prélèvement de ces matières premières.
Une conférence enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et animée par Guillaume Tesson.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Aujourd’hui, Dominique Ropion, maître parfumeur chez IFF, propose une masterclass en compagnie de son apprentie Éléonore Oyane-Nang. Tous deux livrent leur vision de la transmission en définissant ses contours et ses enjeux.
Une masterclass enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et animée par Guillaume Tesson.
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Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Aujourd’hui, Christelle Porcherot, Corporate R&D Principal Scientist chez DSM-Firmenich, et Quentin Dubois, directeur Europe chez Initio Parfums, se penchent sur les interactions entre les odeurs et nos émotions, et expliquent comment l’industrie du parfum est désormais capable de mesurer les bienfaits émotionnels des fragrances.
Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et animée par Sarah Bouasse.
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Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Aujourd’hui, Yohan Cervi, conférencier, spécialiste de la parfumerie moderne, rédacteur pour Nez et Mathilde Laurent, créatrice de parfums de la maison Cartier, expliquent comment les marques de bijoux transposent leurs univers en odeurs et reviennent sur le succès des parfums de joailliers.
Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et animée par Sarah Bouasse.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Au menu de cette revue de presse, des nez électroniques pour lutter contre la drogue en prison, des réflexions sur l’intelligence artificielle en parfumerie, des œuvres olfactives inspirées par la diversité végétale du monde et des chercheurs curieux de mieux comprendre l’odorat des chats.
Outil d’enquête fortuit ou moyen de surveillance prémédité, l’olfactif est de plus en plus exploité par les forces de l’ordre, notamment dans le cadre de la prévention et de la répression de l’usage de stupéfiants. D’après le Hérault Tribune, il y a quelques semaines, des gendarmes de la brigade de Lagrasse, dans l’Aude, ont par exemple suivi une piste olfactive lors d’une patrouille à pied dans le village : probablement exacerbé par la chaleur estivale, le parfum caractéristique du cannabis les a ainsi mené jusqu’au balcon d’un particulier sur lequel s’épanouissaient neuf plants illicites. En Angleterre, une histoire quelque peu similaire a été rapportée par le Derbyshire Times : c’est encore une fois la forte odeur de cannabis émanant de la résidence d’un particulier qui mené la police du Derbyshire à intervenir. Comme quoi, il n’y a pas que les chiens policiers qui ont du flair !
Mais le futur de la lutte contre les stupéfiants pourrait ne pas se jouer seulement dans le nez humain, ni même animal. The Telegraphnous apprend en effet que les autorités du Royaume-Uni envisagent l’installation de nez électroniques dans les prisons, en particulier dans les cellules de personnes condamnées pour des infractions liées à la drogue. Le domicile d’individus en liberté conditionnelle pourrait également être équipé. Ces détecteurs, qui fonctionnent grâce à des cellules cérébrales synthétiques couplées à une intelligence artificielle, sont capables d’identifier des composés volatils caractéristiques de diverses drogues. Ils pourraient permettre de déterminer si un individu porte sur lui – ou a récemment consommé – un produit interdit. Un système similaire avait déjà été testé en 2014 par l’administration pénitentiaire israélienne pour lutter contre l’introduction clandestine de substances illicites dans les prisons grâce à des méthodes de fouille moins invasives.
Dans le champ de l’olfaction numérique, la start-up américaine Osmo vient d’ailleurs d’être nommée Pionnier Technologique 2025 lors du World Economic Forum. L’entreprise a notamment pour ambition de créer un appareil portatif capable de capter et d’analyser n’importe quelle odeur – en employant la technique de la chromatographie en phase gazeuse couplée à un spectromètre de masse (GC/MS) ainsi que l’intelligence artificielle – mais également de la reproduire et ainsi rendre possible la « téléportation d’odeurs ». Les applications pourraient être nombreuses, aussi bien dans le domaine de la parfumerie, déjà investi par l’entreprise, que dans celui du divertissement ou encore de la médecine : « Je veux introduire le parfum dans le monde du multimédia et dans celui de la santé » explique le CEO d’Osmo, Alex Wiltschko.
Dans un récent article pour le journal en ligne The Verge, la journaliste beauté Arabelle Sicardi explique justement « comment l’IA a infiltré le parfum », prenant notamment pour exemple la manière dont Osmo utilise l’intelligence artificielle pour proposer aux marques un service de formulation de parfums d’une rapidité inégalée. La journaliste rappelle cependant que cet usage n’est pas une nouveauté totale: « Les quatre conglomérats de parfums responsables de la majeure partie des senteurs du monde – DSM-Firmenich, Givaudan, IFF et Symrise – intègrent tous l’IA dans leurs processus de fabrication. » Plusieurs parfumeurs et parfumeuses témoignent dans l’article de leurs usages quotidiens de ces nouveaux outils pour « prendre en charge des aspects essentiels des processus de parfumerie » mais également des inquiétudes qu’ils suscitent. Quelles conséquences des projets comme celui Osmo peuvent-elles avoir sur la créativité en parfumerie ? Quid de leur impact en termes de surconsommation (notamment énergétique) et de surproduction dans une industrie dont l’empreinte environnementale est déjà loin d’être négligeable ?
De son côté, le monde de l’art continue également de miser sur l’olfactif. Le Monaco Tribuneannonce ainsi l’exposition « Couleurs ! », organisée au Grimaldi Forum Monaco. Du 8 juillet au 31 août, y seront présentées une centaine d’œuvres du XXe siècle issues des collections du Centre Pompidou – dont le bâtiment est fermé pour cinq ans pour cause de rénovation. Sept espaces monochromatiques seront animés par des créations sonores du compositeur Roque Rivas et des compositions olfactives développées par le parfumeur Alexis Dadier, avec le concours de la maison Fragonard. L’ambition ? Donner à « vivre la couleur non seulement visuellement, mais aussi à travers d’autres sens ». Une excuse pour se replonger dans le grand dossier du 18e numéro de Nez!
Dans le sud toujours, le site Côte d’Azur Francenous informe de la tenue de l’exposition de l’artiste Eve Pietruschi au Domaine du Rayol, « Un geste vers le bas », jusqu’au 21 septembre. Les dessins, gravures, broderies, parures végétales et propositions olfactives qui s’y déploient résultent d’un dialogue entre la pratique d’atelier de l’artiste et sa pratique de cueillette. Les formes, couleurs et senteurs du vivant végétal se manifestent ainsi dans l’espace d’exposition, réagencées avec délicatesse par l’artiste comme en écho au jardin du Domaine, ce Jardin des Méditerranées imaginé par le paysagiste Gilles Clément.
Ce sont également les plantes et leurs parfums qui inspirent l’artiste et designer français Alexis Foiny, lauréat de la troisième édition du prix Flair qui a annoncé la nouvelle sur sa page Instagram. Ce jeune diplômé de l’École Nationale des Arts décoratifs (EnsAD) de Paris avait déjà été distingué par le Prix Révélation Design de l’ADAGP pour son œuvre Tant que les fleurs existeront encore (2021) qui ravivait les effluves de l’Astria Rosea, plante endémique de l’île Maurice introuvable depuis 1860. L’artiste poursuivra donc dans cette voie avec son projet Résurgence, pensé pour devenir une sorte d’archive olfactive d’espèces botaniques en voie d’extinction : « La flore étudiée sera celle de l’archipel des Mascareignes dont plus de 41% de la biodiversité est menacée d’extinction, selon une étude menée par l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN). »
Aux États-Unis, la diversité odorante du monde végétal est aussi au cœur d’une exposition au Stephen and Peter Sachs Museum, situé au sein du Missouri Botanical Garden, à Saint Louis : « Smelling the Bouquet : Plants & Scents in the Garden ». En place jusqu’au 31 mars 2026, l’exposition « explore l’histoire botanique, culturelle et olfactive du spectre des odeurs créées par les plantes » rapporte Art Daily. L’occasion de plonger dans le monde de la botanique et de l’écologie chimique mais également de la parfumerie. Une vingtaine de stations olfactives permettent de découvrir plusieurs matières premières végétales et quelques fragrances inspirées par les plantes de serres et du jardin créées spécialement par les parfumeurs locaux Shawn Maher et Weston Adam. Les visiteurs peuvent également découvrir une réédition de l’œuvre majeure de l’artiste américaine Gayil Nalls, World Sensorium, « une sculpture olfactive incarnant le patrimoine aromatique de la planète. » L’exposition s’accompagne d’un guide en scratch and sniff pour découvrir autrement l’emblématique fresque botanique ornant le plafond du musée et d’une riche programmation de conférences, performances et projections.
L’artiste brésilienne Karola Braga s’est quant à elle vue décerner le prix Sadakichi pour l’art olfactif lors des Art and Olfaction Awards organisés à Los Angeles par l’Institute for Art and Olfaction. Présentée l’an dernier lors de Désert X AlUla en Arabie Saoudite, son installation Sfumato (2024) – un hommage à l’ancienne Route de l’encens – aurait, d’après le site d’informations en ligne Portal Tela,« impressionné le jury par sa force conceptuelle » ainsi que par sa manière de « transformer le parfum en langage et en monument. » L’artiste a en effet façonné à la main plus de 10 000 cônes d’encens principalement composés d’oliban et de myrrhe, deux des résines précieuses qui ont longtemps transité dans la région, afin de les brûler depuis un tertre de sable érigé comme un immense brûle-parfum à l’échelle du paysage. Le site PIPA Prize, qui promeut l’art brésilien à travers le monde, parle ainsi d’un « rituel sensoriel brouillant la géographie, la mémoire et le temps. »
Loin des expositions et des prix d’art contemporain, un groupe de chercheurs japonais se sont récemment intéressés à l’odorat des chats. Vous pensiez que votre compagnon à moustache vous reconnaissait à votre voix ou à votre allure ? Ce serait en réalité (au moins en partie) votre odeur qui lui permet de vous identifier. D’après Le Point,rapportant les résultats de l’étude publiée au mois de mai dans la revue scientifique PLOS One, les félins domestiques sont capables de différencier l’odeur corporelle de leur humain familier de celle d’inconnus. Les chats de l’étude ont en effet passé un temps significativement plus long à renifler les échantillons provenant de nouvelles personnes. L’étude a en outre mis en évidence que « les chats utilisent préférentiellement leur narine droite pour analyser les odeurs inconnues, puis basculent vers la gauche une fois l’information traitée. Ce changement suggère une spécialisation des hémisphères cérébraux : le droit pour les nouveautés, le gauche pour les informations déjà assimilées. » Ce comportement et cette bascule, également constatés dans les relations intra-espèces (les chats reniflent les fèces des félins inconnus plus longtemps que celles des congénères appartenant à leur groupe social),« pourrait indiquer que nous faisons également partie de ce groupe social » note l’article.
Interprétant également les résultats de cette étude, Futura Sciencessuggère que si « votre chat semble parfois vous ignorer délibérément » cela pourrait être une marque de confiance. Ceci va de pair avec le fait que les odorants familiers peuvent s’avérer particulièrement réconfortants pour les chats, réduisant le stress et l’anxiété et créant un sentiment de sécurité dans leur environnement. Un constat mis en avant par le HuffPost, qui recommande aux propriétaires de félins de laisser quelques vêtements préalablement portés à disposition des animaux de compagnie lors d’un départ en vacances. D’après les vétérinaires et comportementalistes cités dans l’article, « l’odeur familière peut être apaisante et aider votre animal à se sentir en sécurité. » Une façon de maintenir le lien, par effluves interposés.
Historienne de l’art, critique d'art et commissaire d’exposition indépendante , Clara Muller mène des recherches sur les enjeux de la respiration comme modalité de perception dans l'art contemporain ainsi que sur les diverses pratiques artistiques employant les odeurs comme médium ou sujet. Outre un certain nombre de publications des éditions Nez, elle contribue à des catalogues d’exposition, monographies d’artistes et ouvrages universitaires sur le sujet de l’art olfactif, tels que Les Dispositifs olfactifs au musée (Nez éditions, 2018) ou Olfactory Art and the Political in an Age of Resistance (Routledge, 2021). www.claramuller.fr
Isabelle Doyen, parfumeuse indépendante et co-fondatrice de la marque Voyages Imaginaires avec Camille Goutal, nous propose un véritable cours d’olfaction en guise de masterclass.
Une masterclass enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et présentée par Sarah Bouasse.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Depuis 2000, la « Terre de l’encens » est un bien culturel inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Derrière cette appellation, on trouve un ensemble de quatre sites d’exception situés dans la région du Dhofar, au sud d’Oman : les vestiges de l’oasis caravanière de Shisr, les ports associés de Khor Rori et d’Al Baleed, modèles d’habitations médiévales fortifiées, et le Wadi Dawkah, 1 400 hectares de terre rocailleuse qui accueillent les plus anciens arbres à encens du monde.
« Les quatre sites qui composent cette proposition d’inscription offrent une image complète de l’une des plus importantes activités commerciales du monde antique et médiéval », résumait le dossier de candidature du sultanat auprès de l’Unesco. Ce « paysage culturel » qu’est la « Terre de l’encens », un terme choisi en 1992 pour désigner les interactions majeures qui se nouent entre les hommes et le milieu naturel, illustre à merveille le commerce de l’oliban qui prospéra dans la péninsule arabique pendant plusieurs siècles, dès la fin du IIIe millénaire avant notre ère, avec la Mésopotamie et avec l’Égypte.
Le Wadi Dawkah, forêt singulière
Le site est l’emblème de la récolte traditionnelle de l’encens à Oman dans un cadre naturel demeuré intact depuis des millénaires. Sur ces quelques kilomètres carrés de terre rocailleuse, au cœur de la région du Dhofar, la résine extraite des arbres sauvages serait d’autant meilleure que le climat est aride. La particularité du site est d’être situé sur un plateau, à l’orée du désert et à l’abri de la mousson ; le wadi bénéficie ainsi de conditions climatiques idéales pour le développement de l’arbre à encens, capable d’affronter les conditions climatiques les plus extrêmes.
Crédit photo : Mulook Albalushi
Shisr, l’Atlantide des sables
Un dôme en calcaire effondré qui recouvrait autrefois une source d’eau. Autour, une enceinte fortifiée dont il ne reste que des ruines, longtemps oubliées aux portes du désert de Rub al-Khali. Le site caravanier de Shisr, à quelque 180 km au nord de Salalah, joua un rôle majeur dès l’âge du fer. À l’époque, l’oasis agricole fournit de l’eau aux marchands avant qu’ils n’entrent dans le désert. Le centre de traitement et d’expédition de l’encens – la résine est exploitée dans les montagnes voisines du Dhofar – se situait à un carrefour stratégique sur la route qui amenait l’encens jusqu’au port de Sumhuram (autre nom de Khor Rori).
Crédit photo : Éléonore de Bonneval
Inscrit depuis 1995 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, surnommé “l’Atlantide des sables”, Shisr se fait aussi appeler Ubar, du nom de la légendaire cité perdue ensevelie sous le sable, même si la question fait officiellement débat chez les archéologues. Mentionnée dans les Mille et Une Nuits, Ubar y est décrite comme une ville opulente avec des jardins de dattes et des forts dorés.
Shisr devient célèbre en 1992, lorsque le Los Angeles Time consacre un article à sa découverte par un explorateur britannique.
Khor Rori, baie enchantée
En 1988, Khor Rori a été ajouté à la liste de l’Unesco du patrimoine mondial. Ce site archéologique, situé au sommet d’une colline, à 40 kilomètres à l’est de Salalah, abrite les vestiges de Sumhuram, qui fut l’un des ports de commerce les plus importants de la route de l’encens. La cité fortifiée fut fondée il y a plus de deux millénaires pour contrôler le commerce de l’encens du Dhofar, depuis une baie abritée de l’océan Indien, à l’embouchure du Wadi Darbat. La précieuse gomme résineuse se trouvait embarquée ici à destination de la mer Rouge, de la Méditerranée et des Indes. En échange, accostaient des navires chargés de produits en provenance d’Asie.
Crédit photo : Mulook Albalushi
Al Baleed, port royal
Le long de la côte, tout près d’un khor (cours d’eau) fournissant de l’eau douce venue des montagnes, le site inscrit à l’Unesco englobe les vestiges de l’ancienne cité de Zafar (XIe siècle), dont le port assurait l’expédition de l’encens jusqu’en Inde, en échange d’épices, en Afrique du Nord et en Europe. Son rôle fut majeur dans le commerce maritime jusqu’à la fin de la période islamique.
Aujourd’hui, on trouve sur le site le musée de la Terre d’encens qui remonte jusqu’aux origines de l’implantation, en 2000 av. J.-C., et donne à voir les objets mis au jour lors des fouilles. Y est retracée, d’une part, l’histoire de l’encens au sultanat et, d’autre part, toute l’histoire maritime du pays, jusqu’au nouvel essor actuel.
Crédit photo : Mulook Albalushi
AU SOMMAIRE DE NOTRE GRAND DOSSIER « WADI DAWKAH »
Journaliste au Monde, Béatrice Boisserie a lancé les ateliers de YOS (yoga olfacto-sonore) pour se mettre à l'écoute de l'effluve, du souffle et de la voyelle. En 2012, elle a créé le blog Paroles d'odeurs pour reccueillir les souvenirs olfactifs de personnalités ou d'inconnus. Après des études de philosophie et d'ethnologie, elle se forme au parfum chez Cinquième sens et au yoga du son à l'Institut des arts de la voix. Elle est l'auteur de 100 questions sur le parfum (La Boétie, 2014).
A journalist at Le Monde, Béatrice Boisserie is a member of the Nez Collective. She has notably published 100 questions about perfume (ed. La Boétie, 2014).
Retrouvons Philippe Brenot, directeur des enseignements en sexologie à l’université Paris-Cité, Olivier David, maître de conférence et chimiste et Camille Ferdenzi-Lemaître, chargée de recherche au CNRS, expliquent le rôle déterminant des odeurs corporelles dans l’attractivité entre partenaires sexuels.
Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et animée par Guillaume Tesson.
Photo : DR.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Aujourd’hui, l’importateur François Duquesne, fondateur de Maison Duquesne, Tracy Tsefalas, fondatrice et gérante de la boutique Fumerie à Portland et Nir Guy, fondateur de Perfumology à Philadelphie, nous invitent à comprendre les enjeux et les tendances du marché du parfum aux États-Unis.
Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et animée par Guillaume Tesson.
Ce podcast est disponible uniquement en anglais.
Photo : DR.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Mort hier à 93 ans, le parfumeur aura marqué l’histoire de la profession comme étant l’un des premiers à chercher à préserver et valoriser le patrimoine mondial de la parfumerie avec la création de l’Osmothèque en 1990.
Né dans une famille d’agriculteurs bretons en 1932, Jean Kerléo entre en 1955, par l’entremise d’un cousin parfumeur, comme préparateur chez Helena Rubinstein. Formé en interne au métier de parfumeur-créateur, il est notamment chargé de parfumer les cosmétiques de la marque. En 1965, il reçoit le Prix des parfumeurs de France, avant d’être recruté deux ans plus tard chez Jean Patou pour créer les parfums à la suite d’Henri Alméras et Henri Giboulet.
Jean Kerléo (crédit @Per Fumum)
Après une eau de toilette Lacoste (alors dans le giron de la maison) en 1967, le président de Patou Raymond Barbas lui demande un parfum « somptueux, exubérant, déraisonnable ». Pendant trois ans, Jean Kerléo cisèle rose et jasmin de Grasse, osmanthus (jusque là très peu utilisé), santal et fond chypré pour composer 1000en 1972. Il signe ensuite l’Eau de Patou en 1976, Patou pour homme en 1980, Ma Liberté en 1987, Sublime en 1992, Voyageur en 1995. Dans les années 1980, il réorchestre aussi à la demande d’anciennes clientes douze créations disparues de Patou, parmi lesquelles les célèbres VacancesetChaldée.
Cette tâche de reconstitution et d’adaptation, menée à partir des formules d’origine, le conduit à fonder en 1990 avec quelques autres pionniers l’Osmothèque, véritable conservatoire international du parfum, afin de préserver le patrimoine de la profession. Il préside cette institution unique au monde jusqu’en 2008, avant de laisser sa place à Patricia de Nicolaï, puis à Thomas Fontaine depuis 2020.
Aujourd’hui, si les parfums Patou ont disparu corps et bien avec le rachat de la maison par LVMH en 2018, l’héritage de Jean Kerléo perdure à travers le développement de l’Osmothèque. Celle-ci bénéficiera à la rentrée de locaux plus vastes situés dans le centre-ville de Versailles. Une bonne occasion de (re)découvrir quelques unes des 6000 créations qui y sont conservées dans leur formulation originale, et que les professionnels de la parfumerie comme le grand public peuvent sentir à l’occasion de conférences – et une manière de rendre hommage à cette figure incontournable de l’industrie .
Illustration : Amélie Fontaine
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Anne-Sophie Hojlo
Devenue journaliste après des études d'histoire, elle a exercé sa plume pendant dix ans au Nouvel Observateur, où elle a humé successivement l'ambiance des prétoires puis les fumets des tables parisiennes. Elle rejoint l'équipe d'Auparfum, puis de Nez, en 2018 et écrit depuis pour les différentes publications du collectif, notamment dans la collection « Les Cahiers des naturels », ou encore Parfums pour homme (Nez éditions, 2020).
Lorsque l’on parle d’innovation en parfumerie, on pense souvent aux ingrédients de synthèse découverts depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, qui ont contribué à la création de grands succès en permettant des formes olfactives nouvelles.
Depuis, les maisons de composition se sont engagées de façon continue dans une course à la nouveauté : un iceberg dont la partie émergée est constituée des nouvelles matières premières, qu’elles soient naturelles ou synthétiques.
En réalité, l’innovation comprend d’autres domaines, souvent moins évidents ou moins connus du grand public, et qui constituent cependant le quotidien de nombreux scientifiques, chimistes, parfumeurs, évaluateurs ou chefs de projet au sein des sociétés.
La maison de composition espagnole Eurofragance, qui nous a déjà raconté comment elle développait des composés captifs, nous ouvre une nouvelle fois ses portes pour nous faire découvrir son service consacré à la recherche appliquée, baptisé « Innovation To Market ».
Cet article a été écrit en partenariat avec Eurofragance
Pour contextualiser la création de ce département, Olivier Anthony, directeur de la recherche et de l’innovation, explique que jusqu’il y a quelques années, en parfumerie, le parfumeur était entièrement responsable de sa formule « du profil olfactif jusqu’à la recherche de solutions aux problèmes techniques ». Actuellement, les maisons de composition ont créé des cellules de recherche appliquée, au sein desquelles des scientifiques mènent des recherches sur la performance et les interactions des matières premières, la formulation de bases ou l’intégration de technologies, permettant aujourd’hui au parfumeur de « dépasser certaines limites de la formulation ».
En effet, il arrive que la maestria des parfumeurs ne soit pas suffisante pour dompter complètement les caprices d’un ingrédient ou moduler son impact ou sa rémanence. Bien que certains soient des techniciens hors pair, ils ne sont pour autant pas des magiciens. « L’idée, poursuit Olivier Anthony, a été pour de nombreuses sociétés d’aider à résoudre certaines difficultés autrement que par la formule. » Il a donc fallu réfléchir à d’autres moyens de maîtriser les propriétés physico-chimiques des ingrédients, et c’est vers la science et la technologie que l’on s’est tourné. Le parfumeur reste bien-sûr seul maître à bord de la forme olfactive elle-même (les notes, l’harmonie, les contrastes…) mais il peut désormais aussi compter sur la contribution des équipes techniques « et, dès lors, on introduit une nouvelle façon de créer le parfum, d’optimiser sa rémanence ou de lutter contre les mauvaises odeurs… » conclut-il.
Dès le milieu des années 1970, des départements d’innovation se sont créés pour apporter une réponse scientifique et précise aux besoins des parfumeurs. Cependant, il s’est avéré qu’en proposant des solutions rationnelles à la formule, l’aspect hédonique du parfum pouvait en pâtir. « Les visions purement scientifiques et esthétiques étaient si éloignées qu’il a fallu imaginer une réconciliation : une équipe dont la fonction serait d’harmoniser les solutions technologiques à la créativité parfumistique. » C’est ainsi que sont apparues de nouvelles équipes versatiles et flexibles, complémentaires à celles de la recherche fondamentale, et dont le service Innovation to Market (ITM) est l’incarnation chez Eurofragance.
Ce département a pour vocation d’inclure à la fois la science, la parfumerie et le marché. Un groupe d’entremetteurs qui manient le langage de chaque pôle – un peu à la manière des évaluateurs qui font le lien entre les parfumeurs et les demandes commerciales. « Nous faisons de la recherche appliquée et avons pour objectif essentiel d’amener les équipes créatives à comprendre les opportunités apportées par la technologie. »
Anticiper les besoins
Bien qu’ayant 35 ans d’existence, Eurofragance accorde une grande importance aux apports de la recherche appliquée. Ses clients se montrent en effet très curieux des atouts que peuvent procurer les avancées technologiques. Le département ITM propose de nombreuses options : encapsulation de parfum, formulation sans alcool, intégration des captifs maison, etc. Il est donc nécessaire d’effectuer une veille du marché constante, de comprendre, voire d’anticiper les besoins des consommateurs, d’établir une collaboration avec le marketing pour explorer et délimiter les revendications des produits, et, enfin, traduire tout cela en des termes techniques sur lesquels les scientifiques de la R&D pourront s’appuyer pour trouver de nouvelles solutions.
Myriam Terés, chargée des applications parfumées et du support technique chez Eurofragance depuis 19 ans, résume sa mission : « il s’agit de maximiser la magie du parfum à travers notre savoir-faire de formulation.» Concrètement, les tâches du département ITM se scindent en plusieurs volets : d’une part un support technique quotidien aux clients internes et externes (stabilité, formulation, résolution de problèmes techniques), d’autre part le déploiement des technologies issues de notre recherche propre, mais également le développement de connaissances concernant la performance des matières premières et des parfums. « Les interactions possibles entre les matières premières et les supports ou bases d’application sont si diverses que j’en apprends tous les jours » témoigne Myriam Terés devant l’ampleur de la tâche.
Les premières tentatives d’innovation en parfumerie fine, comme les parfums en base aqueuse, ont souvent été comparées aux formules conventionnelles, notamment sur des critères tels que l’intensité et la sensorialité. Ces nouvelles approches ont ainsi été jugées sans que l’on cherche réellement à valoriser les bénéfices qu’elles offrent, comme une fraîcheur durable, par exemple. Mais les percées réalisées en science de la formulation, en s’appuyant quelquefois sur des connaissances issues d’autres catégories ont quasiment éliminé ces difficultés, facilitant ainsi la création et l’adoption de nouveaux gestes de parfumage.
Et si la parfumerie sans alcool, pour ne citer qu’elle, se cantonnait jadis à un rôle minoritaire à l’export (par exemple pour répondre aux besoins de pays musulmans), elle bénéficie aujourd’hui d’une conjonction entre le progrès technologique et l’évolution du marché.
Libérer la créativité
Car oui, le marché a évolué. Là où l’on se méfiait autrefois des formats s’éloignant du modèle traditionnel « parfum-alcoolique-parfaitement-incolore », nous assistons depuis ces dernières années à de nouveaux comportements de la part des consommateurs, libérant la créativité des maisons de composition. « Ils sont plus éduqués et plus exigeants, donc plus ouverts à la nouveauté si celle-ci apporte une valeur ajoutée » explique Myriam Terés.
Angéline Leporini, parfumeuse senior au sein d’Eurofragance et travaillant avec la cellule Innovation To Market, se retrouve fréquemment confrontée aux défis posés par la demande de performances toujours plus fortes, avec des produits finis aux multiples propriétés. « Les consommateurs les plus jeunes attendent beaucoup de bénéfices de la part de leurs produits de soin, c’est pourquoi il nous arrive de devoir intégrer nos parfums à des formules possédant plusieurs propriétés. » Un parfum peut ainsi être soumis à des contraintes techniques. « Un exemple concret, révèle Myriam Terés, est celui des parfums que nos clients veulent sans alcool, incolores, voire transparents, le tout à haute concentration.
Pour rendre plus soluble le concentré de parfum dans l’eau – les solubilisants habituels n’étant efficaces qu’à faible concentration – nos équipes utilisent une technologie de micro-émulsion [mélange d’eau et d’huile constitué de gouttelettes de taille microscopique] qui permet de faciliter la combinaison du concentré parfumé et de l’eau, quelle que soit la concentration et la formule olfactive du produit en question. » Une des nombreuses découvertes déjà à l’œuvre en soin du corps et du cheveu, et qui est à présent en forte hausse en parfumerie fine.
Repousser les limites
« C’est la première année chez Eurofragance où nous nous concentrons particulièrement sur la parfumerie fine », annonce Myriam Terés. « C’est par le biais de cette stratégie que nous souhaitons nous démarquer, et nous mettons les bouchées doubles pour faire découvrir à nos clients de nouveaux formats et de nouvelles textures. » D’autres exemples ?Des parfums solides (à base de cire), ou sous forme de poudre qui se transforme en crème au contact de la peau… Angéline Leporini ajoute : « il faut constamment chercher à repousser les limites existantes pour faire sortir le parfum d’un champ uniquement esthétique, afin de l’intégrer dans celui du bien-être » analyse-t-elle.
Dans un marché devenu tellement compétitif, la multiplication exponentielle des lancements laisse le consommateur en perpétuelle quête de nouveauté – Eurofragance est bien placée pour répondre mot pour mot à la définition académique de l’innovation : une « recherche constante de l’amélioration ».
Séverine Dallet, directrice de la cellule olfactive du groupe Coty, explique en quoi la chimie de synthèse a révolutionné la palette des parfumeurs en donnant le coup d’envoi d’une ère «moderne» au XIXe siècle.
Une conférence enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et animée par Sarah Bouasse.
Photo : DR.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Actrice et réalisatrice, Aïssa Maiga est une femme engagée. Elle l’a prouvé, notamment, en réalisant le documentaire Marcher sur l’eau (2021), où elle traite de la question de la rareté de l’eau au Sahel. Dora Baghriche, parfumeuse chez DSM-Firmenich depuis 2006, a signé des parfums comme Mon Paris pour Yves Saint Laurent ou Fame pour Paco Rabanne. Entre juillet 2024 et mars 2025, elles ont composé à quatre mains Ansongo, une fragrance qui exprime l’alliance entre la terre et l’eau et la nostalgie d’une enfance passée au sein des communautés maliennes. Cet épisode explore les coulisses de cette création.
Ce podcast a été réalisé par Guillaume Tesson.
1+1 : une expérience de création
Nez propose une série de rencontres entre des parfumeurs et des personnalités d’autres univers. Chacune donne naissance à une création olfactive disponible en édition limitée avec chaque nouveau numéro de la revue.
Ces créations sont disponibles sur le Shop by Nez.
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Et si un territoire pouvait se raconter autrement que par ses paysages ? Et s’il suffisait de fermer les yeux… et de le respirer ? C’est l’ambition du projet « Faire sentir les terres du Velay », porté par le Conservatoire de l’Agglomération du Puy-en-Velay et ses partenaires. Rencontre avec Claire Monteillard, responsable de l’action culturelle et de la communication au Conservatoire, qui nous présente les temps forts de la programmation.
Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet « Faire sentir les terres du Velay » ? A l’origine, un des professeurs du conservatoire d’enseignement artistique proposait un travail avec Michel Godard, grand musicien, tubiste et serpentiste via notamment l’accueil d’un concert atypique qui s’intitule « Le concert des parfums ». En effet, la musique et le parfum s’expriment à travers un vocabulaire commun. Ils parlent d’accords, de notes, d’harmonie, de composition… Tout comme un parfum se construit sur une pyramide olfactive avec des notes de tête, de cœur et de fond, la musique s’organise autour des aigus, médiums et graves, créant ainsi une correspondance naturelle entre ces formes d’expression. Au vu de l’accueil de ce concert et de sa thématique extrêmement passionnante, il a semblé intéressant de construire un projet plus large autour de l’art et de l’odeur dans le cadre d’une convention territoriale d’éducation artistique et culturelle. On a voulu créer une expérience olfactive et sensorielle mêlant les médiums artistiques (musique, littérature, art-design…) avec des regards d’artistes sur le sujet. Ainsi, le projet est une expérience artistique multidisciplinaire et sensorielle qui explore le lien profond entre art et odeur sur le territoire de la Communauté d’agglomération du Puy-en-Velay, ce qui explique notre choix du titre de l’évènement « Faire sentir les terres du Velay ». Pour ce faire, un artiste-designer a eu pour charge de réaliser une cartographie olfactive du territoire. En parallèle, on a voulu développer des événements associés afin de permettre de créer des résonances. Pour finir, ce projet s’inscrit dans la convention de territoire d’éducation artistique et culturelle et est financé par la Direction Régionale des Affaires Culturelles Auvergne Rhône-Alpes, La Région Auvergne Rhône-Alpes, le Département de la Haute-Loire et la Communauté d’agglomération du Puy-en-Velay. Cette dernière est porteuse du projet via ses services que sont le Conservatoire de musique, de danse, de théâtre et d’arts-plastiques, le Musée Crozatier et notre Pays d’art et d’histoire ainsi que la bibliothèque municipale du Puy-en-Velay.
Côté programmation, que pourront découvrir les visiteurs ? Ce projet se décline en plusieurs événements. D’abord, il y aura plusieurs représentations du « Concert des parfums ». Pour ce dialogue inédit entre sons et fragrances, la parfumeuse Ursula S. Yeo a créé des accords inspirés de pièces originales du compositeur Michel Godard. Ses parfums sont diffusés pendant le concert au moyen de tissus imprégnés d’essences odorantes pour créer des notes à chaque morceaux musicaux et qui deviendront une composition à la fin du concert. Les musiciens répondent aux senteurs, les compositions faisant large place à l’improvisation musicale. Ensuite, il faut citer l’immense travail de cartographie olfactive mené par l’artiste designer-chercheur Jean Sébastien Poncet auprès de scolaires et de leur famille, des élèves du département arts plastiques du conservatoire, des personnes en précarité et plus largement du grand public. En fait, tous les territoires ont des odeurs. Celles et ceux qui les habitent les expriment par leur activité. Leurs gestes et les matières qu’ils manipulent font sentir la terre sur laquelle ils vivent. Jean-Sébastien propose de se mettre à leur écoute – par le nez – pour cartographier les fragrances qu’ils produisent. Enfin, l’exposition Farelaria (faire sentir) réunit tout le travail qui a pu être fait, à savoir les rencontres avec captation audio de métiers et la réalisation des Olfacterres (terrariums odorants).
Pourquoi avoir choisi de mettre l’odorat au centre de ce projet ? L’odorat occupe une place centrale dans le projet « Faire sentir les terres du Velay » car il est l’un des sens les plus puissants pour éveiller la mémoire et les émotions. Contrairement à la vue ou à l’ouïe, qui passent par une analyse rationnelle, l’odorat agit de manière immédiate et instinctive. Une simple senteur peut nous transporter dans un territoire de nature, ravivant des souvenirs lointains ou des sensations profondément ancrées. Et cela tombe bien : les odeurs sont omniprésentes dans notre environnement : l’herbe coupée, l’écorce des arbres, la terre après la pluie… Elles nous ancrent dans un territoire sensoriel où chaque fragrance raconte une histoire, évoque un lieu, une saison, une émotion. Ainsi donc, il s’agit de chercher à recréer une connexion entre l’humain et son environnement. Associer l’odorat aux autres disciplines artistiques permet de créer des passerelles entre les sensations. D’ailleurs, cette association des sens est un phénomène neurologique qui s’appelle la synesthésie par lequel deux ou plusieurs sens sont associés (ex. graphèmes et couleurs).
S’il fallait citer quelques parfums emblématiques du Velay, lesquels vous viendraient à l’esprit ? Il y en a beaucoup, mais je citerais principalement la verveine, le pin sylvestre, le narcisse, les genêts, la pouzzolane, l’argile, et les sous-bois.
Quel public espérez-vous toucher, et surtout, qu’aimeriez-vous qu’il retienne de cette expérience ? Avec l’idée de « Faire sentir », nous apportons une attention toute particulière aux questions de transmission. Comme nous le disions précédemment, il s’agit d’un projet d’éducation artistique et culturel de territoire. Il engage des élèves des écoles primaires et maternelles, des personnes en précarité ou des publics adultes et jeunes du conservatoire dans des pratiques collectives de création. Leur présentation lors d’évènements, dans des lieux culturels référencés permettent leur diffusion à un plus large public. Au fil des événements proposés, nous aimerions que le public considère d’autres manières de percevoir et de ressentir un territoire. Nous souhaitons éveiller la curiosité et la sensibilité de chacun en montrant que les odeurs, bien qu’invisibles, sont essentielles à notre mémoire, à nos émotions. Elles nous ancrent dans le monde. Pour conclure, le projet « Faire sentir les terres du Velay » n’est pas seulement une expérience, mais un véritable outil de transmission sensorielle et émotionnelle, que chacun pourra emporter avec lui et prolonger dans son quotidien.
Au menu de cette revue de presse, un microbiote nasal qui fait le lien entre déclin olfactif et cognitif, un gène responsable de l’hyposmie chez les patients atteints de mucoviscidose, et diverses méthodes de test, de développement et d’entretien de notre précieuse capacité à sentir.
Depuis quelques semaines, la presse scientifique et médicale fait la part belle à l’actualité de la recherche en matière de santé et d’odorat. Le 3 mai, le magazine santé 36,9° de la RTS diffusait par exemple un reportage de 45 minutes intitulé Odorat : la santé passe aussi par le nezrevenant sur le rôle essentiel de l’odorat chez Homo sapiens et sur les enjeux liés à la perte de ce sens qui demeure « le moins investi par la science bio-médicale ». Le reportage, signé Quentin Bohlen et Jochen Bechler, repose sur des témoignages d’experts pour évoquer le fonctionnement du système olfactif mais surtout en rappeler l’importance tout au long de l’existence, depuis la vie in utero jusqu’à la vieillesse. Le magazine s’interroge : comment notre odorat peut-il être cultivé et que peut-il cultiver en nous ? Nous découvrons ainsi tour à tour à l’écran des ateliers d’éveil olfactifs destinés aux jeunes enfants, les méthodes d’entraînement à la mémorisation des odeurs en école d’œnologie, un protocole de rééducation olfactive pour les personnes souffrant d’anosmie ou de parosmie, ainsi que des ateliers d’olfactothérapie à destination de personnes âgées atteintes de troubles cognitifs.
Le potentiel de l’odorat dans le diagnostic et l’accompagnement de pathologies neuro-dégénératives a d’ailleurs été largement relayé dans la presse ce mois-ci. D’après Science Daily, un jeu-vidéo en réalité virtuelle olfactive a notamment été développé par une équipe de l’institut des sciences de Tokyo pour contrer le déclin cognitif. Les participants sont invités à mémoriser un odorant semblant émaner d’une statue virtuelle puis à suivre des indices olfactifs disséminés dans le paysage jusqu’à en localiser la source. Une fois arrivés à destination, les joueurs doivent comparer plusieurs odeurs afin d’identifier celle mémorisée à l’origine. « En combinant des tâches ciblées avec un retour d’information en temps réel, notre approche d’entraînement olfactif basée sur la réalité virtuelle peut accroître l’engagement cognitif et maximiser son impact thérapeutique », explique le professeur Takamichi Nakamoto, à l’origine de l’étude publiée dans Scientific Reports. Des améliorations ont d’ailleurs été notées chez 30 personnes âgées de 63 à 90 ans testées au moyen de différentes tâches cognitives avant et après 20 minutes de jeu.
Nous avons récemment relayé les recherches qui ambitionnent de mettre à profit le flair canin pour le dépistage de certaines maladies, mais d’autres méthodes semblent également efficaces. Futura Sciences nous apprend qu’une nouvelle série de tests olfactifs non-invasifs réunis sous le nom AROMHA Bain Health Test(ABHT)a été développée par une équipe de recherche nord-américaine afin d’évaluer la santé cérébrale des personnes vieillissantes. En effet, le dysfonctionnement du système olfactif, notamment la baisse des capacités d’identification, de discrimination et de mémorisation des odorants, est un symptôme particulièrement précoce de plusieurs pathologies comme Alzheimer ou Parkinson. Jusqu’à présent, deux tests sont couramment utilisés pour évaluer les fonctions olfactives : l’un développé par l’Université de Pennsylvanie (UPSIT), l’autre consistant en une batterie de trois tests nommée Sniffin’ Sticks (SST). Si de nouveaux types de tests sont actuellement expérimentés par plusieurs équipes de recherche, AROMHA semble particulièrement prometteur car il peut être auto-administré à domicile. Le protocole repose en effet sur un questionnaire en ligne et une vingtaine d’étiquettes olfactives – faciles à envoyer par la poste – et permettrait donc d’identifier plus facilement les personnes à risque de développer une démence. Peut-être pourrait-on, dès lors, les soumettre à l’entraînement olfactif en réalité virtuelle développé par l’équipe du Pr. Nakamoto !
De manière générale, au-delà des troubles neurodégénératifs, la diminution de la fonction olfactive semble associée à un risque de mortalité accrue chez les personnes âgées. Le Quotidien du médecinrappelle ainsi les liens entre les déficits olfactifs et plusieurs maladies chroniques (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires…). L’article cite notamment une étude suédoise menée grâce à un autre test olfactif appliqué en gériatrie et associé à un suivi du taux de mortalité (toutes causes confondues) des personnes testées après 6 puis 12 ans ainsi qu’à une analyse des causes de ces décès. Or, comme le résume Pourquoi docteur ?, « les participants classés comme anosmiques présentaient un risque relatif de mortalité près de 70% plus élevé que les volontaires classés comme normosmiques. » Si les résultats de cette étude soulignent donc l’importance de la fonction olfactive comme marqueur de risque de mortalité chez les personnes âgées, des recherches supplémentaires seront nécessaires pour évaluer l’utilité clinique des évaluations olfactives dans l’identification des personnes susceptibles de fragilités cognitives et/ou physiologiques.
Une étude chinoise parue dans Translation Psychiatryet relayée par Santé Magazinesemble par ailleurs montrer que le déclin conjoint des capacités cognitives et olfactives « pourrait découler de particularités au niveau du microbiote du nez. » L’analyse des communautés microbiennes présentes dans les cavités nasales de 510 personnes âgées dont l’état de santé cognitive avait été préalablement évalué a permis à l’équipe de déterminer que les dysfonctionnements olfactifs de type hyposmie étaient associés à une plus grande richesse bactérienne. En outre, « les participants dont le biotype nasal était dominé par les bacilles Corynebacterium présentaient une prévalence plus faible de troubles cognitifs légers que ceux dominés par les bactéries Dolosigranulum ou Moraxella. » L’analyse du microbiote nasal pourrait donc également contribuer à l’identification des personnes à risque et peut-être mener un jour « à la mise en place de traitements basés sur la modification du microbiote nasal pour réduire le risque de démence. »
Des études antérieures suggéraient déjà que la flore pathogène du nez pouvait pénétrer dans le cerveau par la voie olfactive, endommageant potentiellement les neurones et contribuant aux maladies neurodégénératives. Récemment, Futura Sciencesse faisait d’ailleurs le relai d’une étude de 2022 qui montrait que les lésions de la muqueuse olfactive facilitent l’entrée dans le cerveau de Chlamydia pneumoniae, une bactérie qui s’attaque au système nerveux central. Cette étude avait alors été utilisée par certains pour suggérer que les personnes ayant l’habitude de se mettre les doigts dans le nez pourraient s’exposer à des risques accrus de développer la maladie d’Alzheimer. L’article rassure cependant : « la maladie d’Alzheimer résulte d’une combinaison complexe de facteurs génétiques et environnementaux » et « il n’y a aucune preuve formelle que se curer le nez puisse entraîner la maladie d’Alzheimer. »Mais de conclure : « Cependant, il est recommandé de pratiquer ce geste avec douceur afin de ne pas endommager la muqueuse nasale. »
Une autre maladie a également intéressé la presse ce mois-ci, la fibrose kystique (mucoviscidose), dont l’un des symptômes est également l’altération de l’odorat. La raison de cette déficience, expliqueMedscape, semble être d’ordre génétique et non une conséquence de l’inflammation des sinus, comme cela était précédemment supposé. Une étude pilotée par l’INRAE portant sur 10 patients dont 80% présentaient un dysfonctionnement olfactif a permis de constater une distribution anormale des récepteurs olfactifs ainsi qu’une « faible abondance de cellules basales globuleuses, essentielles à la régénération des tissus olfactifs ».Une seconde batterie de tests, menée cette fois sur des cochons atteints de mucoviscidose, semble suggérer que les mutations du gène CFTR, responsables de la maladie, affectent aussi directement le système olfactif. Bien que ces recherches n’offrent pas encore de solutions thérapeutiques, elles ouvrent du moins la voie à une prise en charge plus complète de la maladie, en incluant les symptômes sensoriels.
Suite à cette revue de presse scientifique, Nez vous invite à contribuer à l’étude en ligne sur l’olfaction chez l’adulte menée par le Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon en cliquant ici.
Historienne de l’art, critique d'art et commissaire d’exposition indépendante , Clara Muller mène des recherches sur les enjeux de la respiration comme modalité de perception dans l'art contemporain ainsi que sur les diverses pratiques artistiques employant les odeurs comme médium ou sujet. Outre un certain nombre de publications des éditions Nez, elle contribue à des catalogues d’exposition, monographies d’artistes et ouvrages universitaires sur le sujet de l’art olfactif, tels que Les Dispositifs olfactifs au musée (Nez éditions, 2018) ou Olfactory Art and the Political in an Age of Resistance (Routledge, 2021). www.claramuller.fr
Aujourd’hui, Luc Gabriel, fondateur de The Different Company et Isabelle Masson-Mandonnaud, fondatrice de Sabé Masson, échangent leurs points de vue sur l’art de créer, d’innover et de durer lorsqu’on est à la tête d’une marque de parfum indépendante.
Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2025 et animée par Guillaume Tesson.
Photo : DR.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Depuis Ispahan d’Yves Rocher en 1977, il a signé plus de 150 parfums. Chimiste de formation, créateur autodidacte, il commence à composer pour Dragoco en 1996, avant la fusion avec Symrise. En 2000, Maurice Roucel compose Musc ravageur pour les Éditions de parfums Frédéric Malle. Dans cet épisode, il revient sur la création de cette fragrance, devenue une icône.
Un podcast by Nez, en partenariat avec Symrise.
Photo : DR.
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Guillaume Tesson
Journaliste spécialisé en gastronomie et spiritueux, membre du collectif Nez, Guillaume est l’auteur du Petit Larousse des cigares. À l’écoute des goûts et des odeurs, il est responsable de la chaine Podcasts by Nez.
Le Simppar (Salon international des matières premières de la parfumerie) organisé par la Société française des parfumeurs s’est tenu les 4 et 5 juin à Paris. Fréquentation accrue, organisation fluide, la relève est assurée avec Alexandra Duclos qui succède à son père à la direction de l’événement.
Malgré sa présence désormais annuelle, le salon trentenaire ne montre aucun signe d’essoufflement : « Nous avons enregistré un peu plus de 4000 entrées sur les deux jours, dont près de 350 parfumeurs de tous pays, sans compter tous ceux qui n’ont pas indiqué leur fonction sur leur badge » précise Thierry Duclos. Avec 128 exposants de 24 pays et des visiteurs en grande majorité étrangers, la vocation de plus en plus internationale de cet événement est confirmée : on y entend toutes les langues !
La foule se pressant à l’entrée, je commence par un petit tour d’ensemble pour évaluer les nouveautés : une aile supplémentaire, des stands qui montent en gamme. Comme tout le monde, je commence par les grands fournisseurs pour m’aventurer vers les plus confidentiels le second jour. Il faut donc jouer des coudes pour accéder aux touches ; un créateur de marque de niche, un brin débordé s’étonne : « Je n’imaginais pas une telle effervescence » !
Des stands « ambiance »
Chez Mane, décor balnéraire sous le thème « Sun Club ». Le traditionnel pantonier des matières met en avant la Sublimolide, une alternative vegan à l’Ambrettolide ; l’Antillone, captif obtenu par biotechnologie, inspiré de l’ananas du Costa Rica, avec des accents de poire verte. Un délicieux Rhum blanc Pure Jungle Essence habillerait parfaitement l’Antillone, et ça tombe bien car c’est ce que nous propose Mathilde Le Marechal en version mocktail ! Le champaca rouge en E Pure Jungle Essence (E comme Enfleurage sur huile de jojoba, suivi d’une extraction CO2) nous embarque en Inde. Le Darkoa, un co-extrait de patchouli Gayo et de poudre de cacao constitue une vraie nouveauté, tout comme le Spicyrup, spécialité gourmande autour de la Présentone H, entre le carrot cake et la betterave caramélisée, étonnante !
Mathilde Le Maréchal, Mane
Ambiance de jardin d’hiver chez Payan Bertrand pour sentir trois ingrédients Process e, (recette secrète Payan Bertrand qui intègre le fractionnement de l’ingrédient) : un divin baume du Pérou (en vrai du Salvador), une angélique très poivrée et une ambrette aux accents de noix sèche. Cap sur l’Asie du Sud-Est avec le santal album indonésien, fumé-crémeux, et surtout le remarquable cuir de Sumatra, équilibre subtil entre patchouli et osmanthus, effet seconde peau à croquer. Clin d’œil à Frédéric Badie dont l’absence est remarquée. Bon rétablissement !
Jean Baptiste Boisseau et Sylvie Gallo, Payan Bertrand
Fraîcheur citrus
Une belle découverte avec les deux frères Cabestrero de Prodaress, une histoire de famille qui démarre en Argentine pour s’étendre à toute l’Amérique du Sud. Orange, pamplemousse, mandarine de toutes les couleurs, un vrai bain de fraîcheur bienvenue. Je repars avec un joli calendrier des récoltes !
Les frères Cabestrero, Prodaress
Chez Capua, on ne présente plus les agrumes, déjà célèbres ; je viens pour la noisette dont tout le monde parle et pour leur procédé Natinfuse (une infusion sur éthanol sous pression) : ainsi, le café robusta évoque la mouture fraîche, le jasmin se fait abricot, l’iris pallida propose une iris abordable aux accents plus boisés vétiver-noisette. Et justement cette fameuse noisette Natinfuse sur Triéthylcitrate, (solvant) ? un vrai gâteau beurré aux fruits secs, sans la note pyrazine qui souvent m’écœure… Réputation méritée !
Luca Bocca Ozino et Laurent Bert, Capua
Un autre ingrédient se susurre dans les allées « as-tu senti aussi le champignon de Biolandes ? » La société propose un extrait de champignon blanc de Paris, oui, le plus vendu au monde ! Un vrai velouté qui pousse les notes crémeuses, « idéal pour une fleur d’oranger ou un santal », confie Cédric Alfenore. À propos de santal, voici une version upcyclé des drèches d’une origine Nouvelle Calédonie : le santal By Absolute, qui est vraiment proche d’un santal classique ; enfin le surprenant absolu mélilot à l’effet mousse de chêne, herbacé et balsamique.
Cédric Alfenore, Biolandes
Du jeu et des mallettes
Ici, ça sent, ça glousse, que se passe-t-il ? Alexandre Illan anime avec brio un quiz à l’aveugle des produits Symrise, le bollet jaune de l’an passé, le Corps Racine (petit air de l’Eau de gentiane blanche d’Hermès), l’objectif étant de tester son nez après avoir découvert le radical Ambrostar, petit cousin de l’AmberXtreme. Une pause s’impose…
Alexandre Illan (à gauche) et ses groupies, Symrise
Je vais jouer cette fois avec Antoine Destoumieux qui a repris la direction opérationnelle de la société depuis février, et renforce le partenariat d’Astier Demarest avec Robertet. Petit jeu sur les réseaux pour gagner une mallette d’ingrédients (en partenariat avec Nez bien sûr). Perdu ! dommage, elle me faisait bien envie…
Antoine Destoumieux, Astier Demarest
Une autre mallette me fait de l’œil, celle de PCW : ce kit idéal de parfumeur indépendant, déjà annoncé à Grasse, est fièrement présenté par Patrice Blaizot. J’en profite pour sentir quelques isolats naturels qui répondent à la norme ISO 9235 ; je prends un petit cours sur la tubéreuse, dont il existe quatre types selon son nombre de pétales : simple (ou traditionnelle, avec une rangée de corolle), semi-double, double (ou hybride) et panaché. Et je termine par les deux spécialités qui ont caracolé en tête des demandes de leur e-shop : pistache et champagne ! Combo parfait pour influenceurs !
Patrice Blaizot, PCW
De la pédagogie
On poursuit dans le sud avec la SCA3P, et le plaisir de sentir l’ingrédient sur lequel j’ai eu la joie d’écrire souvent : la sauge ! Connaissez-vous la différence entre la qualité « vert broyé » (la sauge est directement hachée par l’ensileuse), et la méthode « préfanée » (la récolte est mise en andain et déshydratée durant 2-3 jours avant la distillation), deux qualités olfactives bien distinctes.
Chez Floral Concept, passage obligatoire pour sentir le « linalol cœur de bois de rose », encore plus précieux (et coûteux) que leur bois de rose actuel, déjà célèbre. L’occasion de rappeler que le bois de rose, le vrai, vient du bois. Et non des feuilles. Ah ? Qui ferait cela ?
Intriguée, je file chez Khush Ingredients où effectivement on peut sentir ce fameux bois de rose issu des branches et feuilles, « pour éviter de couper les arbres », je laisse le public faire son avis. On trouve chez eux de tout : Rose Bulgarie UEBT, des extraits CO2 de vanille et de cardamome ; un absolu de fleur de lotus, coûteux mais original avec son effet poudré mimosa ; une lavande du Cachemire que je trouve très belle, et du baume de Copaiba, vanillé et crémeux à souhait.
L’équipe de Khush Ingredients
Dans la même allée, un nouvel exposant : ABD Majid Oud. Le RDV est pris pour suivre une leçon d’oud. Dire qu’il n’y avait jusque-là pas de stand consacré à cet ingrédient pourtant omniprésent… François Ducreuzet d’Essentiel Oud et Magali Quenet, organisatrice de voyages olfactifs, sont également à table, l’évaluation des différentes origines peut commencer : Inde, Bengladesh, Thailand, Laos, Vietnam, Cambodge, Malaisie, Indonésie… Khalid Iqbal, le directeur commercial pointe les différences de chacun. Je note tout !
L’équipe d’ABD Majid Oud
Synthèse et technologie
Chez Givaudan, le Scent Piano attire les curieux. Le robot à touches délivre les ingrédients mythiques : le Boisiris, boisé et poudré, la Paradisamide (pamplemousse, cassis, rhubarbe), le Rosyrene Super, une rose métallique, L’Ultrazur qui sent l’homme musclé après un bain de mer, la méthyl laitone, coco crémeuse, ainsi qu’une sélection de naturels. Ambrofix et Nymphéal s’illustrent dans des démonstrations olfactives. Totebag N°7 en bandoulière, je poursuis.
Le Scentpiano de Givaudan
ACS International présente deux nouveautés : le Onestolide, un « musc de peau » issu de la biotechnologie et dérivéé de l’ambrettolide HC, et la Florajasmone HC, une tétrahydrojasmone plus herbale et florale. Serge Oldenbourg se lance dans une brillante explication des isomères « trans » et « cis »… L’inclusivité moléculaire a de beaux jours devant elle !
Serge Oldenbourg, ACS International
Chez Synarome, après le pomelo, la clémentine rejoint la collection des agrumes récoltés par un partenaire producteur de Corse. Retour à la synthèse avec un geranyl acétate issu de monarde, aux effets poire et aldéhydés. Mais qu’est-ce que la monarde ? Une plante originaire du Canada, celle-ci vient de Normandie et contient 90% de géraniol. Heureusement, ils ont apporté un plant pour montrer à quoi cela ressemble ! Le tétrahydro ionol, aux notes irisées, violette, cuirée ; la thuyone issue de la récupération des tailles de haies de thuya français. On termine par le Cuir de Russie avec une démo qui montre que ce grand classique peut tout moderniser, « même une note coca » assure Isabelle Fritsch !
Ange Dole et Isabelle Fritsch, Synarome, et Daniel Boubat, Fragrance Project International
Filières et sourcing : Madagascar & Chine
Robertet fête ses 175 ans, et illustre ses ambitions à Madagascar : au menu, une artémise CleanRscent, résidu upcyclé de la pharmacopée qui évoque le tabac miellé, coumariné, sans problème de législation ; un combava zest assez épicé ; du gingembre frais fractionné bio. Retour en France avec une algue aux effluves salés de mousse, vraie bouffée de Bretagne ; un extrait CO2 eau de vie (puisqu’on n’a pas le droit de l’appeler Cognac…) façon ambrette, et on termine avec une première chez Robertet, un captif étonnant : le thé noir fumé CleanRscent qui sent vraiment le cigare !
Lautier explore aussi l’île rouge : gingembre frais, une cannelle naturellement basse en safrol, du palmarosa, et surtout la bay Saint Thomas, ingrédient ressuscité à Madagascar après deux cyclones sur l’île de la Dominique. La gamme Artisan nous emmène d’Indonésie (noix de muscade) à Haïti (vétiverol), en passant par le Laos (benjoin), le Sri Lanka (feuille de cannelle), et la Somalie (myrrhe), les ingrédients cultivés sur place sont ensuite fractionnés à Saint-Cézaire.
Solène Homo, Lautier 1795
Coup de projecteur sur la filière chinoise avec LMR, pour une vraie plongée dans la médecine traditionnelle. On y découvre ainsi l’absolue osmanthus (un « Cahier des naturels Nez + LMR » consacré à la fleur est d’ailleurs attendu à l’automne…), l’essence de fleur de magnolia, car n’oublions pas que c’est Monique Rémy qui s’est aventurée la première sur le magnolia dans les années 1990 ; un géranium plus menthé que d’ordinaire ; le poivre Sichuan, idéal pour pousser les notes fruitées ou les accords masculins. En provenance d’autres pays : la feuille de curcuma Inde, le pamplemousse cœur, le néroli frais Egypte For Life. Je dois relever le travail très original de Gwendoline Le Roy (IFF), la parfumeuse qui les a intégrés dans des compositions en démonstration.
Toujours côté IFF, deux molécules : Tropicalia, aux notes banane, melon, fruits exotiques, à sentir avec l’accent brésilien du jeune parfumeur qui le présente, et l’Oceanol, à l’effet mousse salée.
Léa Peyrolle et Gwendoline Le Roy, IFF LMR
Des cocktails et récoltes
Il est 17h, et DSM-Firmenich attire déjà la foule au champagne. Je me concentre et passe rapidement sur la présentation de l’exposition « House of Muscs », l’oliban SFE, le Firsantol, le Clearwood Prisma que je connais déjà, pour me concentrer sur les nouveautés : le Firgood Café arabica du Pérou, un café gourmand torréfié mais non brûlé, une base Cyclamen qui vient remplacer l’aldéhyde cyclamen. Dernière bouffée de Rhum Jamaïque SFE, un peu plus boisé que celui de chez Mane juste en face, et je file chez Bontoux !
Trois nouveautés chez ces derniers : un encens résinoïde DM liquide, car cette année les clients réclament des matières « pratiques à peser en laboratoire par les robots », une sauge sclarée Pure Cœur sur TEC naturel qui enlève les effets soufrés de la plante, et une essence de ciste cuirée et aromatique. On repart avec un délicieux cocktail à base de kombucha agrémenté de lavande, bergamote et genièvre, signé Marlène Staiger, et un point récolte avec Marine Magnier, notamment la crise qui touche la fève Tonka, récurrente lorsque les arbres donnent moins, tous les trois ans.
L’équipe Bontoux
Une source fiable me chuchote que les variations du prix du patchouli sont toujours difficiles à anticiper, ce que Van Aroma me confirme : les maisons de compositions ont du mal à s’engager dans la durée… un an maxi, puis tout est remis en cause ! Avis aux concernés… Je découvre le « healing wood » (tiens tiens, ce nom me dit quelque chose…), composé de cristaux de patchoulol à 99,5%.
19h : tout le monde se rassemble autour de la scène installée pour les (nombreux) discours qui vont suivre : SFP, maire de Grasse, remise du Prix du parfumeur décerné à Clémentine Beun, pour une « lavande argentée » qui rend hommage aux paysages de Provence. Francis Kurkdjian prend ensuite la parole malgré le brouhaha qui s’installe, pour présenter le Prix de l’International Society of Perfumer-Creators (ISPC) remis à Patricia de Nicolaï, Thierry Audibert, Alberto Morillas et Robert Sinigaglia.
20h30 : les invités se jettent sur le cocktail comme des fauves assoiffés !
Alberto Morillas, Patricia de Nicolaï, Thierry Audibert, Francis Kurkdjian
De l’exotisme
Jour 2, je quitte les grands groupes européens pour m’aventurer en Australie, transition en douceur. Sur le stand de Dutjahn, un nom familier : Maxence Piquart représente la société australienne pendant que le papa, Stéphane – surnommé l’ « Indiana Jones du sourcing » –, vadrouille. Avec la disparition de Santanol et Quintis, Dutjahn devient une référence en santal australien (Spicatum et Album), travaillé avec les communautés aborigènes. Coup de cœur pour Desert Dry : bois mort de Spicatum aux notes cuirées et épicées.
Maxence Piquart, Dujahn
Ultra International fait le pont entre l’Inde et l’Australie : cette société familiale fondée à Delhi en 1929 (d’où la déco années folles de leur stand) s’est diversifiée en ingrédients de toutes origines, notamment par des acquisitions de sociétés comme Golden Grove. A retenir : le bois de Bouddha, souvent utilisé pour réaliser des statues, entre le santal et le gaïac ; un champaca rouge ; joli absolu foin aux notes osmanthus-tabac, et enfin l’extrait CO2 de bois de chêne, effet baril de whisky.
Cette aile plus calme du salon permet de découvrir de nouveaux arrivants. Par exemple, la société Seidoko : difficile de manquer leur mascotte agrume vivante (voir photo). On est bien au Japon ! On y respire yuzu, sudachi, et hinoki, de grands classiques locaux.
L’équipe Seidoko
Verger surprend aussi avec un extrait de fruit du jacquier (banane fermentée vanille, café), et un absolu de son de riz confortable, aux accents poudrés, céréale. Deux ingrédients pour « tester le marché ».
Retour en Inde, avec Synthite (joli jasmin grandiflorum très frais, tubéreuse) et Plant Lipids, avec de beaux extraits CO2 aux prix compétitifs : un café arabica très authentique, et une cardamome upcyclée.
De l’éthique
Jacarandas valorise les plantes malgaches tout en reversant 5% de leur chiffre d’affaires aux agriculteurs : la psiadia, une note entre basilic et baies roses ; un poivre vert inédit, étonnamment frais et fumé à la fois, des ingrédients destinés à l’aromathérapie : l’hélichryse bractée, l’hélichryse gymno et bien sûr l’ylang ylang, le niaouli…
Nelixia présente entre autres le styrax résinoïde, soluble dans l’alcool – les robots vont aimer peser ça aussi ! – et sa fabuleuse tubéreuse du Guatemala qui semble envoûter le client.
Elisa Arago, Nelixia, et Laurent Mercier, Eurofragance
17 h : l’édition 2025 ferme ses portes. Je repars les narines pleines de merveilles : ambrette, champaca, café, citrus, noisette, champignons, rhum, eau de vie, tabac… J’ai pu voyager de l’Asie à l’Inde en passant par Madagascar. Et dans ce brouhaha multilingue, j’entends encore de l’animation chez Synarome. Attention traquenard : trois cocktails conçus par Le Gainsbarre (café et piano-bar installé rue de Verneuil) mêlent clémentine, monarde et thuyone.
Parfums sans alcool, le futur ? Pas encore au salon des ingrédients !
Rendez-vous les 26 et 27 mai 2026 pour une prochaine édition, grassoise cette fois !
Merci à Anne-Laure Hennequin (Master Parfums) d’avoir senti au pas de course avec moi !
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Aurélie Dematons
Fondatrice de l'agence Le Musc & la Plume, spécialisée en création de parfums et identités olfactives, elle accompagne les marques du concept au développement. Après avoir débuté chez Coty, puis Cinquième sens, Aurélie explore les territoires d'innovation : diffusion du parfum dans l'air ou création pour d'autres secteurs (hôtellerie, automobile, train). En 2017, elle part faire le tour du monde des plantes à parfums. Elle contribue régulièrement à Nez et à Expression cosmétique.
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