David Siaussat : « Chez les insectes, le système olfactif est extrêmement performant »

On ne le dira jamais assez : les insectes sont essentiels à la vie, indispensables pour la pollinisation. Mais ils sont aujourd’hui mis à mal par nos activités humaines. David Siaussat, professeur à Sorbonne Université et membre de l’Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris, étudie les effets des polluants anthropiques sur les insectes, et notamment sur leur système olfactif. Nous avions discuté avec lui pour l’article « Le nez au vert », dans Nez#18 – La Couleur des odeurs. Mais cet échange passionnant méritait bien un article à lui seul : voici donc l’ensemble de l’entretien.

Comment définissez-vous la notion de « pollution » ?
Au sens strict, la pollution peut être définie comme un changement de concentration d’un facteur environnemental, par rapport à un état initial. Elle peut donc être chimique comme sonore, visuelle… Au laboratoire, nous sommes globalement centrés sur le versant chimique, avec l’idée que la pollution anthropique, c’est-à-dire générée par l’activité humaine, affecte aussi les insectes. Lorsqu’on choisit les polluants étudiés, on réfléchit à quoi ceux-ci peuvent être exposés : les pesticides, ce qui semble évident, mais aussi des métaux lourds, perturbateurs endocriniens, micro ou nano plastiques qui contaminent les écosystèmes et peuvent affecter les organismes vivant dans les champs.

Comment choisissez-vous les polluants et les insectes que vous étudiez ?  
Nous reproduisons les situations au laboratoire – nous n’avons pas encore la possibilité de faire des tests in natura. Nous cherchons à reproduire des conditions réalistes, au niveau des concentrations, des interactions entre les différents éléments. Nous testons ce que nous repérons sur le terrain : par exemple, nous avons mesuré la deltaméthrine, après avoir vu passer plusieurs rapports pouvant indiquer des effets inattendus suite à une exposition à des doses sublétales de ce pesticide. Nous ne testons pas ce qui est créé par les industriels avant que ce soit mis sur le marché ; nous testons des pesticides en usage et ceux qui ont été interdits, car ils peuvent être très persistants – comme le chlorpyriphos ou le méthomyl..
Quant aux insectes, nous en étudions deux principaux : le Spodoptera litoralis, un ravageur de cultures et notamment de coton ; et la drosophile comme boîte à outil génétique. En parallèle, nous avons des programmes spécifiques : on va alors chercher les insectes sur le terrain. Nous sommes cependant limités pragmatiquement car ces recherches prennent du temps. Mais on sait qu’il faudrait faire ces études sur beaucoup plus d’insectes, car on a pu observer que les réponses ne sont pas du tout les mêmes selon les insectes évalués pour un même polluant, et même en fonction des lieux, car les trajectoires de vie (exposition ou non à certains pesticides) font que les réponses sont différentes. On connaît encore trop mal les effets de tous les polluants.

Comment mesurez-vous les effets des polluants sur les insectes ?
Nous avons deux types d’analyse : celles sur le développement et celles sur le comportement. Il s’agit de processus assez longs. Pour évaluer le développement, nous travaillons sur l’exposition des individus selon le mode supposé de contamination des polluants, soit par contact, soit par ingestion. Nous analysons alors les effets sur les différents stades du développement (larvaire, chrysalide, adulte) : la mortalité, la durée des stades, les altérations de prise de poids, l’équilibre entre proportions de mâles et femelles – ou sexe ratio –… Quand nous observons des effets, nous cherchons au niveau moléculaire (analyse transcriptomique), en étudiant les taux d’hormones pour mesurer la perturbation endocrinienne, en mesurant les gênes pour voir par exemple s’il y a des gènes de stress ou de détoxification qui sont activés.
Quant à l’analyse du comportement, plutôt chez l’adulte, on regarde la qualité de la reproduction : y a-t-il accouplement ? Production d’œufs ? Ces œufs donnent-ils des larves vivantes ou non ? On peut aussi analyser la qualité de l’accouplement, en mesurant par exemple le temps d’accouplement. On peut aller jusqu’à l’analyse de paramètres comportementaux : vibration à l’air, redressement des antennes, mouvements de l’abdomen… dont l’altération est la preuve que le polluant altère le comportement de l’insecte. Pour aller plus loin, on fait de l’électrophysiologie au niveau des antennes des insectes, de certains neurones olfactifs.

Quelles conséquences avez-vous pu observer ?
Ils sont divers. On sait que les polluants sont responsables d’un taux de mortalité élevé chez certaines populations d’insectes, mais l’exposition sublétale peut avoir des conséquences tout aussi dramatiques.
Une de nos spécialités est d’étudier les perturbations endocrines, qui auront des conséquences sur l’accouplement et la reproduction. Mais les effets neurotoxiques peuvent provoquer des problèmes de détections, de perturbation de l’intégration du signal visuel ou olfactif. Or, chez les insectes, le système olfactif est extrêmement important, plus encore que la vision : c’est un système hautement performant, qui permet en grande partie l’orientation. Cela aura des conséquences importantes sur leur survie, mais aussi sur leur reproduction par exemple, puisque le brouillage peut empêcher de trouver un partenaire. On sait aussi que, contrairement au principe de Paraclèse, ce n’est pas la dose qui fait le poison avec les perturbateurs endocriniens. Ce qui ne tue pas l’insecte peut avoir de forts effets hormétiques négatifs ou positifs. Cela peut parfois aussi toucher plusieurs générations et avoir des effets très négatifs sur la physiologie et le développement des générations (N+1). Les effets peuvent être faibles voire inexistants sur la population directement exposée, mais très forts pour les générations suivantes. Nous avons en projet de tester les effets sur 25 générations : au laboratoire, dans des conditions optimales, cela nous prendra un an.

Avez-vous observé des modifications de l’odorat des insectes ?
Nous avons notamment noté une évolution dans la détection des phéromones lors de l’exposition à la deltaméthrine, à travers une capacité accrue, une surexcitation des mâles, qu’on pourrait qualifier d’« effet viagra ». Ils s’accouplent alors beaucoup plus rapidement avec la femelle : c’est ce qui pourrait expliquer qu’il y ait une explosion de ravageurs sur un champ alors même qu’un traitement phytosanitaire a été appliqué. Une femelle pondant entre 400 et 600 œufs, l’effet multiplicateur est conséquent.

Les produits les plus persistants sont-ils nécessairement les plus dangereux ?
De nombreux produits persistants, développés dans l’après-guerre, ont provoqué de grands scandales dans les années 1970 parce qu’ils provoquaient une forte mortalité des insectes mais également parce qu’ils ont eu des effets délétères sur les écosystèmes et la santé humaine. Les nouveaux pesticides de synthèse, comme les pyréthrinoïdes, ont des demi-vies plus courtes en se dégradant plus rapidement. Mais leur dégradation dans le temps ou dilution dans l’espace lors de l’application en champs peut aussi à créer des conditions de faibles ou doses sublétales. : ces conditions peuvent avoir des effets hormétiques importants, parfois moins évidents à observer car moins immédiats ou marqués.
A l’Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement, nous analysons actuellement les perturbateurs endocriniens par l’intermédiaire de la plante : on l’arrose avec du bisphénol A ou des phtalates, on regarde l’effet sur la plante, on la donne à manger aux insectes, puis on étudie leur comportement. Si les résultats sont en cours, on peut déjà observer des effets très clairs de perturbation, preuve que la pollution peut passer par le réseau trophique et l’alimentation.

Vos travaux sont-ils pris en compte par les réglementations ?
Je n’ai pas observé de changement pratique. J’ai vu une prise en considération par les agences de réglementation de nos résultats, en tant que données qui se cumulent dans les preuves de la dangerosité des produits ; mais pas de loi qui impose d’étudier les effets des faibles doses  avant la mise sur le marché d’un produit, ou qui teste les effets hormétiques potentiels…

Illustration : Maxime Sudol

Savon : une plongée dans le grand bain

Plongez dans l’histoire de ce qui est aujourd’hui le premier cosmétique consommé au monde, tous formats confondus. L’occasion parfaite pour renouer avec ces formats solides, dont nous avons testé quelques références parfumées !

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Des parfums qui ont du goût : la vision du futur par DSM-Firmenich

Depuis une vingtaine d’années, la société DSM-Firmenich dévoile à ses clients sa vision des tendances en parfumerie. Le programme Mind Nose + Matter 1 explore ainsi les grands phénomènes de société, et donne carte blanche aux parfumeurs de Paris et de New York. Un « avant-goût » du futur…

Article rédigé en partenariat avec DSM-Firmenich

Cette année, la thématique du plaisir s’est placée au cœur de l’exercice. Oscillant entre « attraction » et « évitement », le sujet analyse la relation que nous entretenons avec la notion de bien-être. « Comme l’explique la psychiatre américaine Anna Lembke dans son ouvrage « Un monde sous dopamine », le plaisir et la douleur sont souvent proches l’un de l’autre », rappelle Justin Welch, directeur marketing global parfumerie. « Lorsque l’on mange épicé, jouissance et brûlure vont de pair, de même lors d’une course à pied, le sentiment de bien-être est proportionnel à l’effort fourni. La société actuelle a tendance à éviter ce qui nous met mal à l’aise ou ce qui nous gêne. Or si le corps génère trop de dopamine 2, nous devenons nerveux, et ne savons plus quoi faire de toute cette énergie. »

Fort de ce constat, DSM-Firmenich a conçu une présentation immersive intitulée Momentum, qui se conjugue autour de quatre moments de vie : « Push, Lift, Release, Rest » [Pousse, Soulève, Relâche, Repose], à l’instar des quatre mouvements de la respiration abdominale destinée à détendre. Cette présentation est également l’occasion de mettre en lumière les ingrédients de la collection Smell-The-Taste (STT), une palette innovante visant à traduire les expériences gustatives multisensorielles en parfums. « Les ingrédients STT transposent les arômes en parfumerie. Ils offrent une retranscription réaliste des odeurs mais aussi de leurs textures et sensations : salé, velouté, croustillant… » explique Albane Furet, compositrice de parfums et d’arômes, en charge des créations STT chez DSM-Firmenich.

La quête du réalisme

« Nous avons commencé à reproduire les odeurs de la nature avec le procédé NaturePrint. Ce procédé agit comme « une photographie olfactive » en capturant les composants volatils odorants d’une matière organique (biomasse, objet ou même atmosphère ambiante). De retour au laboratoire, le parfumeur analyse ces composants par GC-MS (Chromatographie gazeuse-spectrographie de masse) et va reconstituer précisément cette photographie olfactive  à l’aide d’un assemblage de matières premières. ». L’équipe a ainsi d’abord travaillé sur des notes de fleurs, de bois. Mais très vite, les parfumeurs ont souhaité avoir davantage de fruits dans leur palette. « Capter l’odeur d’un fruit peut se révéler très complexe : certains ont davantage de goût que d’odeur » précise Fabrice Pellegrin, parfumeur principal et directeur de l’innovation des produits naturels. Historiquement, les fruits étaient simplement évoqués grâce à des molécules, comme la gamma-undecalactone pour la pêche ou des bases butyriques qui pouvaient évoquer le kiwi, « mais ne cela ne donnait pas l’impression de croquer dedans », précise le parfumeur.

Le programme Smell-the-Taste, qui a ainsi vu le jour à la fin des années 2000, résulte d’un rapprochement entre parfumeurs et aromaticiens. Si ces derniers bénéficient de supports salés ou sucrés qui sont de véritables exhausteurs de goût, « les parfumeurs, eux, travaillent sur un support neutre : l’alcool » explique Fabrice Pellegrin.

En 2019, la société passe un nouveau cap et recrute Albane Furet, une aromaticienne qui apporte son expertise du goût au service des parfumeurs. Après avoir passé neuf ans en Belgique sur des formulations d’arômes pour boissons, Albane Furet note les différences majeures entre les deux approches : « je me suis rendu compte que les parfumeurs qui me précédaient utilisaient certains ingrédients en grandes quantités comme les muscs, tandis qu’en arômes, ces derniers sont plus rares, exceptés l’Exaltolide, ou l’Ambrettolide. Leur palette contient par ailleurs davantage de naturels, et la gamme de prix est également plus élevée ». Autre constat, le manque de notes dites « salées » : « j’avais l’impression qu’il y avait un déficit par rapport à la diversité qu’offre le monde culinaire ». Grâce aux STT, la maison de composition DSM-Firmenich a pu satisfaire un besoin  des parfumeurs avec des notes salées comme la sauce soja STT, l’olive noire STT, ou encore le caviar STT.

La genèse

Lorsqu’un projet est identifié, tout commence par une dégustation : il s’agit de capter la sensation en bouche et de la traduire en odeurs. Albane Furet analyse méticuleusement tous les sens impliqués lors de l’expérience de dégustativeon :

La vue : la forme, les couleurs, l’esthétique et la beauté à déguster.
Le toucher : la texture du produit, sa prise en main jusqu’à l’entrée en bouche, la température.
L’odorat : les premiers effluves qui nous poussent à croquer à pleine dents ou à savourer délicatement.
L’ouïe : le son qu’il produit en bouche, comme le croquant ou le pétillant.

Enfin, le goût : toute la complexité gustative, y compris les sensations de base détectées par les papilles gustatives sur notre langue – le sucré, le salé, l’amer, l’acide et l’umami (savoureux). Les sensations somesthésiques telles que le froid de la menthe, la chaleur de l’alcool ou d’un piment, le piquant du wasabi ou de la moutarde. La longueur en bouche et sa persistance marqueront la fin de l’expérience gustative.

L’aromaticienne revêt alors son habit de parfumeur pour composer un accord qui sera dans un premier temps évalué par Fabrice Pellegrin. Puis, tous deux comparent cette nouvelle création au produit dégusté : est-elle assez figurative ? Contient-elle une facette dérangeante ? Sera-t-elle facile à employer ? Possède-t-elle une signature propre ? « Un accord trop lisse ne présenterait pas d’intérêt. Par exemple, la sauce soja, qui est très figurative, peut surprendre, mais c’est son aspérité salée qui fait sa particularité, tout comme la facette animale fait la naturalité du jasmin » confie Fabrice Pellegrin. « Au parfumeur d’exacerber ou de camoufler cette singularité ».La durée de développement d’un STT varie selon les projets, certains sont validés en une semaine, d’autres prennent plusieurs années. « il est parfois très complexe de trouver un consensus, c’est le cas de l’accord matcha ! » explique Albane Furet.

« Chaque parfumeur a une vision différente de ce thé : chocolat en poudre, vert, poudre, algue… Nous avons réalisé une dégustation avec une experte en thés et les parfumeurs ont ainsi pris conscience de la complexité de la tâche : l’ingrédient varie selon son origine, s’il est senti en poudre ou en boisson. » confie Albane Furet.

Pour confirmer l’évaluation olfactive, il arrive que l’équipe utilise la technique AFFIRM, une technologie qui analyse les composés volatils dégagés lors de la mastication. « Une sonde installée dans les narines permet d’analyser les molécules perçues par la voie rétro nasale. Nous l’avons notamment utilisé pour étudier l’arôme de la grenade, un fruit assez demandé par les parfumeurs pour son esthétique mais dont le goût est peu affirmé. L’analyse  nous a permis de trouver des marqueurs dans ses grains qui apportent un effet astringent et vert »

Lorsque les critères olfactifs sont validés, le STT est appliqué à Grasse dans des accords classiques tels qu’une cologne, une fougère, un floral, afin d’en évaluer l’impact olfactif. Puis une équipe de scientifiques va tester le STT, cette fois à Paris, afin de vérifier ses attributs, c’est-à-dire quelles sont les impressions induites par cette note : plaisir, onctuosité, surprise… Une fois sa formule approuvée, le STT est mis à la disposition des parfumeurs qui peuvent l’utiliser tel quel, comme une matière première, ou bien choisir de le modifier, l’enrichir ou en atténuer certaines facettes, la formule ouverte est modulable.

Des goûts et des couleurs…

La majorité des demandes sur les Smell-the-Taste provient des États-Unis, grands consommateurs de notes gourmandes et de nouveautés. « Il s’agit d’un marché très dynamique où les projets s’enchaînent rapidement. Il faut sans cesse proposer des accords inédits” précise Albane Furet. Certaines modes sont très éphémères comme l’accord Negroni présenté durant lors de l’événement Mind Mose Matter. « Le cocktail présenté sous forme de gelée a créé le buzz à New York en 2024, il faut savoir capter ces tendances et les mettre en parfum avant qu’elles ne passent de mode » explique Justin Welch. « Les STT apportent une écriture plus ludique et accessible à la création olfactive » complète Alexandra Monet, créatrice de parfums à New York. « Cette palette d’ingrédients confère aux parfums des tonalités gustatives plus alimentaires, une Fraise STT se rapproche ainsi davantage de la fraise que l’on retrouve dans un yaourt ou dans une glace. Aux États-Unis, des marques comme Bath & Body Works ou Victoria’s Secret explorent cet univers gourmand avec des formats tels le body mist qui satisfait une envie de notes souriantes, de plaisir immédiat. Son dosage plus léger qu’une eau de toilette classique, nécessite des ingrédients puissants à faible concentration. Les STT jouent ainsi un rôle clé sur le marché américain, notamment pour l’intensité et la singularité des notes fruitées qu’elles permettent d’obtenir. « Pink Guava STT, Maracuja STT, ou encore Jus de Tomate STT, le registre des fruits exotiques et colorés est infini !…

L’Asie représente également un terrain d’exploration stimulant, inspirant des accords comme les STT Wasabi ou White Rabbit, « cet iconique bonbon chinois, à la fois lacté et caramélisé. L’accord a connu un vif succès auprès des marques de niche chinoises », rappelle Albane Furet. Autre note lactée, le Lait infantile STT, a été développé spécialement pour Mind Nose Matter et rappelle le lait maternel, légèrement vanillé. « Nous cherchions une sensation nourrissante, sans le goût crémeux et gras du classique Lait STT qui évoque le lait chaud » note l’aromaticienne.

Un menu varié

A ce jour, le catalogue des Smell-the-Taste contient une soixantaine de références, dont 50 % de fruits, 40 % de notes gourmandes (biscuits, lacté, caramel…), et 10 % de notes singulières et variées: boissons, alcools, légumes, notes salées ou marines. « Nos best-sellers ? la Pomme rouge, pour son impact et sa puissance ; la Crème chantilly, une nouvelle vanille fluide et aérienne, comme un nuage ». Certains accords STT sont déjà présents sur le marché : la note Sobacha aux accents de sarrasin toasté s’est glissée dans Ikebana Sakura de Kenzo, signé par Alexandra Monet et Alberto Morillas, pour faire le lien avec la culture japonaise ; le Caviar STT est au cœur du parfum Caviar Addiction de Mauboussin, créé par Florian Gallo.

Pour l’avenir, l’équipe mise sur des gourmands moins collants, des sucres plus subtils ou des sucrés-salés à l’instar d’un parfum intitulé « Brûler » autour de l’accord crémeux-craquant banane-caramel, audacieusement réhaussé de la Sauce Soja STT proposée par la créatrice de parfums Amandine Clerc-Marie. Et pourquoi ne pas relever le défi de retranscrire la saveur umami, cet exhausteur bien connu en Asie, mais si difficile à capturer en parfum ?

Soja Sauce STT
  1. plateforme exclusive proposée aux clients à New York, Paris, Dubai, Shanghai, Genève et Sao Paulo en fin d’année 2024.
    ↩︎
  2. hormone liée au plaisir ↩︎

Aliénation olfactive : quand la politique nous mène par le bout du nez

Si l’odorat fait figure de grand oublié dans la société contemporaine, il n’en est pas moins essentiel à la socialisation, à la découverte du monde ou encore au travail de la mémoire. L’environnement olfactif dans lequel nous évoluons est le fruit d’un héritage colonial, fait de violences sociales et de discriminations. Afin de lutter contre cette « aliénation olfactive », il convient de revaloriser l’éducation, en portant une attention accrue au vivant et en limitant la pollution olfactive.

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Alex Wu, fondateur de Notes Shanghai : « Notes est le tout premier événement professionnel dédié au parfum en Chine »

Le marché chinois fait rêver – depuis des années ! Et il est vrai que certaines marques, généralement portées par de grands groupes, ont déjà su s’y faire une place. Mais un tournant a eu lieu en 2024, qui offre enfin un espace d’expression à toutes celles désireuses de s’y implanter ainsi qu’aux maisons de composition qui veulent rayonner auprès de clients locaux : la création du salon « Notes Shanghai.» Si l’affirmation d’un marché domestique est souvent confirmée par la naissance d’événements professionnels et/ou grand public, alors « Notes » est sans aucun doute l’indicateur que tous attendaient d’une appétence confirmée du public chinois pour le parfum.
Nez est allé pour vous à la rencontre de son créateur, éclectique et passionné, Alex Wu.

En quelques mots, qu’est-ce que Notes Shanghai, et quel est son objectif ?
C’est le tout premier événement professionnel dédié au parfum en Chine. Ce salon est organisé deux fois par an, au printemps (27 au 30 mars 2025) et en octobre, et chaque édition regroupe plus de 160 exposants et marques, pour attirer une vaste communauté d’environ 15 000 visiteurs !

Quel est le profil type des exposants ?
Il y a de tout, des marques locales et internationales allant de la parfumerie fine à la parfumerie fonctionnelle. Si la moitié d’entre elles sont chinoises, 50 % des marques participantes changent à chaque édition, ce qui permet de rendre Notes Shanghai toujours plus attractif. 

Vous organisez également de nombreuses conférences. Quel est leur objectif ?
J’ai toujours considéré que le fond était plus important que la forme. Toutes ces conférences, avec les échanges de savoirs qui en découlent, sont nécessaires pour stimuler l’industrie du parfum et permettre l’essor d’une culture olfactive chinoise. 

À tel point qu’un magazine gratuit, Nez in China, créé en partenariat avec Nez, sera distribué à vos 15 000 visiteurs. Comment est née cette initiative ?
Cette collaboration éditoriale avec Nez est à l’image de notre vision globale et à long terme : éduquer avant de vendre. Bien que le marché du parfum en Chine présente un potentiel fort, il est en réalité encore balbutiant, et à ce stade nous pensons que la priorité est d’aider les consommateurs à acquérir des connaissances solides et variées sur le parfum. 

Selon vous, quelle sera l’évolution à court terme de ce marché ?
Il s’est développé rapidement ces dernières années. On observe que de plus en plus de jeunes consommateurs chinois se parfument, et il est heureux de constater que leurs choix deviennent plus indépendants et personnels. Au-delà des grandes marques plus commerciales, ils sont également très réceptifs à la niche.

Vous êtes également coorganisateur des Gold Osmanthus Awards. Que représente ce prix ?
Les GOA visent à récompenser l’immense créativité dont font preuve les professionnels de l’industrie chinoise du parfum. A travers la communication de cet évènement, nous espérons que les consommateurs s’intéressent davantage au parfum, et l’apprécient. Pour résumer, ce prix non rémunéré vise avant tout à encourager la liberté de création. 

Qui remet ce prix, et sous quelles conditions ?
Les GOA sont organisés par l’Association Chinoise des Produits Chimiques de Consommation et gérés par le Conseil des GOA. Ce Conseil est composé de membres issus de maisons de composition, d’entreprises de la chaîne d’approvisionnement ou d’entreprises de distribution, mais d’aucune marque. Le processus de sélection des GOA est strict : tout se joue à l’aveugle, garantissant la confidentialité jusqu’à l’annonce des résultats. Nous nous concentrons uniquement sur le parfum lui-même, sans attente ou quelconque considération commerciale.

La création de parfums est cependant encore largement dominée par les maisons de composition avec des équipes européennes et américaines. Pensez-vous que les parfumeurs chinois s’impliquent davantage à l’avenir ?
Absolument ! De nombreux parfumeurs chinois travaillent déjà dans des entreprises internationales, et de plus en plus de jeunes se rendent en France pour étudier la parfumerie. Le parfum est une question de mémoire et d’expression. Les parfumeurs chinois apportent ainsi des perspectives uniques dans l’utilisation et l’expression des matières premières. 

Revenons au salon. Quelles sont vos ambitions pour les années à venir ?
Nous aimerions être davantage impliqués à l’international et interagir avec des marques de différentes régions et cultures. Toujours dans cette optique de démocratiser, en Chine, la richesse d’une culture olfactive en pleine expansion.

La billetterie de la Paris Perfume Week est ouverte !

Roulement de tambour et notes de fête : la billetterie de la Paris Perfume Week est officiellement ouverte ! 

Pour cette deuxième édition plus étoffée que jamais, notre formule fait peau neuve, notamment pour permettre de contourner les inconvénients d’une jauge limitée au sein du Bastille Design Center et garantir ainsi une pérégrination plus fluide des visiteurs parmi les nombreuses marques, conférences, expositions et autres surprises olfactives de l’évènement.

Vous pourrez donc vous imprégner de cette une culture olfactive bouillonnante le temps d’une demi-journée (ou bien sûr plus si affinités).

Notre pass pour une durée de 4 heures sera vendu au prix de 19 euros (12 euros pour les étudiants et -18 ans) et offrira à l’ensemble des participants des conditions d’accueil optimales. Deux créneaux horaires pourront ainsi être réservés selon vos préférences, de 10h à 14h ou de 15h à 19h. Et pour les plus mordus d’entre vous qui ne voudraient surtout rien rater de l’évènement, une offre (limitée) de pass quatre jours est également proposée à la vente à 99 euros.

Et puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, notre programme est désormais disponible sur le site de la Paris Perfume Week. On vous promet une programmation au bouquet varié, il y en aura pour toutes les narines ! 

Du 20 au 23 mars, embarquez pour des voyages parfumés au Brésil, en Espagne ou au cœur de la vallée de l’encens, levez le voile sur la chimie de l’attirance et sur l’histoire des matières premières, retenez les petits secrets des grands parfumeurs, rencontrez les nouveaux acteurs de la niche comme les plus installés, goûtez, humez, et rejoignez une aventure sensorielle hors du commun. 

Le compte à rebours est lancé, rendez-vous dans deux mois au Bastille Design Center !

Pour obtenir votre pass, rendez-vous ici.

Smell Talks : Masterclass Chantal Roos

Également disponible sur : SpotifyDeezerApple PodcastsAmazon Music

Légende vivante de l’industrie, Chantal Roos est une marketeuse visionnaire à qui la parfumerie des années 1970 à 1990 doit quelques-uns de ses plus grands succès, notamment Opium, Paris et Kouros d’Yves Saint Laurent, L’Eau d’Issey ou Le Mâle de Jean-Paul Gaultier. Femme de tête dans un monde d’hommes, Chantal Roos a finalement créé la marque Roos & Roos avec sa fille Alexandra en 2014. Lors de cette discussion, elle revient sur son parcours hors normes et partage ses réflexions sur la parfumerie d’hier et d’aujourd’hui.

Une masterclass enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2024 et animée par Sarah Bouasse.

Photo : DR.

La mousse de chêne : cas exemplaire du rôle de l’IFRA

Parmi les matières premières regrettées, on cite souvent la mousse de chêne, soumise aux standards de l’International Fragrance Association, mieux connue sous son acronyme IFRA. Petit historique de l’affaire, avec Matthias Vey, vice-président de l’IFRA chargé des affaires scientifiques.

La mousse de chêne est un lichen qui se développe sur l’écorce de certains arbres et que l’on cultive notamment dans les Balkans. Son absolue, qui apporte chaleur et profondeur aux parfums, est l’un des éléments clés des accords chyprés et fougères. Son usage est cependant aujourd’hui fortement limité, et elle est généralement remplacée par des matières premières synthétiques telles que le méthyl 2,4-dihydroxy-3,6-diméthylbenzoate (aussi connu sous le nom commercial Evernyl).

La mousse de chêne fait partie des allergènes qui, depuis 2003, doivent obligatoirement être indiqués sur la liste des ingrédients d’un produit mis sur le marché de l’Union européenne. Quand a-t-elle été considérée comme problématique ?
L’absolue de mousse de chêne, qui est la forme employée en parfumerie, a été assez tôt identifiée par la communauté des dermatologues comme une source potentielle de sensibilisation cutanée, à partir d’un certain niveau de concentration dans les produits finis. Elle entre dans le « fragrance mix 1 », créé à la fin des années 1970 à partir des travaux de Walter G. Larsen, un mélange d’ingrédients de parfumerie utilisé comme test cutané par les dermatologues afin de détecter des allergies aux composés de parfumerie. La première réglementation de l’industrie a été publiée en 1988 sous la forme d’une norme IFRA.

Des amendements ont ensuite été publiés. Pourquoi les recommandations de l’IFRA ont-elles évolué ?
Les standards IFRA sont constamment adaptés pour refléter l’état des dernières connaissances scientifiques. La mousse de chêne a été identifiée comme un sensibilisant cutané puissant, mais comme pour tous les éléments appartenant à cette catégorie, il est possible de déterminer des dosages maximum. Cela permet à la majorité de la population d’utiliser des produits contenant de la mousse de chêne en toute sécurité, sans risque de développer une sensibilité. Avec le temps, on a pu mieux identifier les différents constituants de l’absolue, ce qui a permis  de déterminer les principaux responsables de la sensibilisation cutanée. Cela a permis de fixer des critères de pureté limitant la présence d’acide déhydroabiétique (DHA) et, plus récemment, de deux constituants appelés atranol et chloratranol (43e amendement, 2008). Ces derniers ont été restreints de manière à ce que, en combinaison avec les niveaux d’utilisation maximale stricts établis par l’IFRA, l’exposition potentielle des consommateurs soit considérée comme négligeable. Les restrictions les plus récentes concernant l’extrait de mousse de chêne, émises dans le cadre du 49e amendement en 2019, sont le fruit d’une méthodologie d’évaluation perfectionnée, nommée QRA2 (évaluation quantitative des risques 2).

Les instances gouvernementales ont-elles reconnu ces restrictions ?
D’un point de vue réglementaire, la mousse de chêne est l’une des matières allergènes (aujourd’hui au nombre de 80) qui doit être déclarée sur l’emballage des produits cosmétiques en Europe. Le rôle de cette liste est d’informer le consommateur de la présence de ces substances, lui permettant d’éviter les produits qui les contiennent s’il y est allergique. En 2012, l’organe consultatif scientifique de l’Union européenne, inquiété par les taux élevés de réactions à la mousse de chêne, a émis un rapport proposant une interdiction complète de l’atranol et du choratranol. L’IFRA a présenté ses recherches [à l’origine de l’amendement de 2008] démontrant que le potentiel allergène de la mousse de chêne est principalement dû à l’atranol et au chloroatranol, et que l’emploi de mousse de chêne rectifiée, où ces deux molécules sont présentes à l’état de traces, réduit considérablement le risque de réactions cutanées. Des études complémentaires, menées en collaboration avec des dermatologues, ont démontré que les nouvelles qualités présentaient également beaucoup moins de problèmes pour les personnes à l’allergie déclarée. Ces preuves scientifiques ont aidé les régulateurs de l’UE à élaborer une réglementation interdisant l’utilisation de l’atranol et du chloroatranol en tant qu’ingrédients cosmétiques (au-delà de traces) sur le marché européen, mais qui autorise cependant l’utilisation d’extraits de mousse de chêne conformes, c’est-à-dire traités pour ne pas contenir ces molécules. Comme c’est souvent le cas, d’autres zones, attentives aux décisions de l’UE, ont réglementé de la sorte, ou sont en train de le faire. 

Texte initialement paru dans le livre publié par Nez, en partenariat avec l’IFRA : We Love Fragrances

We Love Fragrances, Nez, 160 pages, 2023

The world of fragrance, in all its infinite variety, is an essential part of our lives. Its many perspectives – cultural, economic, social and emotional, as well as agricultural, industrial and technological – are explored in this book, showing just how much fragrance is an element that links us together.
To perpetuate this field, the International Fragrance Association (IFRA) plays a role in the safety and sustainability of fragranced products.We Love Fragrances brings together numerous testimonials and gives voice to all players in the value chain, from growers, suppliers of natural and synthetic raw materials, creators and producers to researchers, engineers and chemists… A book to discover and rediscover fragrance in all its different facets and understand its present and future challenges.

Smell Talks : Exposer les odeurs, le parfum au musée

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Musées, institutions,  installations… Odeurs et parfums s’exposent et s’affirment comme des œuvres à part entière. Quelles émotions particulières le médium olfactif suscite-t-il chez les visiteurs ? Comment bien exposer l’odeur, et notamment concilier sa nature volatile avec le temps long de l’exposition ? Anne-Cécile Pouant, directrice de l’Osmothèque, Julie C. Fortier, artiste plasticienne spécialisée dans l’olfaction et Mazen Nasri, fondateur et directeur de création de Magique Studio échangent autour de leurs pratiques et de leurs expériences.

Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2024 et animée par Sarah Bouasse.

Photos : DR.

Eurofragance, actif dans les captifs

Dans une industrie où la différenciation olfactive est un Graal, les grandes maisons de composition développent depuis longtemps des molécules dites « captives », c'est- à-dire d’usage exclusif. Depuis quelques années, Eurofragance, maison de composition installée tout près de Barcelone, a décidé d’adopter cette stratégie afin, entre autres, de renforcer le caractère unique de ses créations. Plongée dans les arcanes de cette course à l’innovation olfactive.

Cet article a été écrit en partenariat avec Eurofragance.

« Nous découvrons et inventons de nouveaux ingrédients qui enrichissent la palette des parfumeurs et rendent possibles de nouvelles expériences sensorielles » constate Felipe San Juan Tejada, scientifique au siège d’Eurofragance. Ces captifs d’origine naturelle ou synthétique constituent désormais un enjeu de taille pour les maisons de composition qui les créent.
Selon Olivier Anthony, directeur de la R&D : « un captif peut être une matière première existante ou bien issue de notre recherche interne. Conçu pour un usage exclusif dans un premier temps, il est généralement protégé par la propriété industrielle ».
Le captif peut avoir comme objectif de constituer une odeur innovante ou originale, mais aussi de remplacer une molécule ou une matière réglementée. Pour la société qui le développe, c’est un gage d’exclusivité olfactive, et de contrôle de l’ensemble d’une chaîne d’approvisionnement – par opposition à un ingrédient qu’elle achète à un fournisseur, par exemple.
« La possession d’un captif est auréolée d’une forme de prestige, mais c’est avant tout une façon de se différencier de la concurrence en répondant à un besoin créatif ou technique », continue Olivier Anthony. Sans oublier la possibilité, si la maison de composition le souhaite, de vendre le captif à d’autres sociétés pendant la validité du brevet.


Nature et synthèse

Qu’il désigne une origine naturelle ou synthétique, le mot « captif », en parfumerie, sous-entend une notion d’appartenance. La compagnie qui le développe en est propriétaire. Eurofragance a expérimenté l’option naturelle et synthétique : « pour notre captif L’Âme du Bois 1Lire sur le site https://www.eurofragance.com/fr/notre-ingredient-captif/, nous avons travaillé à partir de déchets de sciure de bois du cèdre rouge de l’Ouest, très utilisé dans l’industrie de la construction au Canada. » En purifiant ce matériau selon un procédé breveté par Eurofragance, les équipes ont mis en valeur des facettes olfactives particulièrement riches que l’on ne retrouve pas lors d’une extraction ordinaire. L’Âme du Bois est ainsi un ingrédient « surcyclé » (issu de l’upcycling), relevant d’une démarche durable, en résonance avec les objectifs d’Eurofragance pour sa palette d’ingrédients. En parallèle, les scientifiques du département R&D explorent des segments spécifiques de la chimie, susceptibles de leur offrir des composants à fort impact olfactif. « Nous construisons nos projets de recherche sur notre connaissance des besoins de nos parfumeurs, la compréhension des liens entre la structure des molécules et leur odeur, ainsi que sur une exploration de nouvelles voies de synthèse ou de purification », poursuit Olivier Anthony.
C’est ainsi que le captif Euphorion 2Lire sur le site https://www.eurofragance.com/fr/euphorion/ a vu le jour chez Eurofragance, une molécule cette fois entièrement synthétique contrairement à L’Âme du Bois. « Euphorion est un bon exemple de ce qui peut quelquefois se produire dans un processus de recherche. Né d’une démarche délibérée entreprise lors de notre travail sur un autre profil olfactif, il combine à la fois une singularité et des performances olfactives remarquables, » conclut Felipe San Juan Tejada. Les deux captifs, qui ont désormais rejoint la palette d’ingrédients d’Eurofragance, permettent à la société de singulariser ses créations en les dotant de spécificités esthétiquement et techniquement uniques.


Un projet transversal

Mais développer un captif nécessite une synergie de compétences qui ne se limite pas aux parfumeurs et aux scientifiques de la R&D. Si ce dernier département est clé dans le projet, de nombreux autres services sont sollicités : les évaluateurs et les parfumeurs techniques sont chargés de faire le lien entre les scientifiques et les parfumeurs créateurs pour s’assurer que les propriétés et performances olfactives du captif soient concrètement pertinentes dans des compositions parfumées, quelque que soit le format de l’application : alcool, crème, huile… Le service des achats est quant à lui chargé d’assurer un approvisionnement stable et constant de la matière première : végétale lorsqu’il s’agit d’un captif d’origine naturelle, mais aussi les précurseurs chimiques nécessaires à un captif de synthèse. Les sourceurs d’Eurofragance épluchent toutes les possibilités qu’offre la transformation des ingrédients naturels : valorisation de déchets et de résidus, purification d’essences et autres extractions spécifiques. Les aspects financiers et logistiques sont abordés pour mesurer les projections industrielles et évaluer la production à grande échelle et ses retombées économiques. Enfin, le département de conformité technique joue également un rôle prépondérant dans le développement du captif en informant les équipes sur la viabilité de leur démarche, assurant ainsi la pérennité du futur ingrédient. Il évalue aussi l’impact environnemental, depuis l’approvisionnement jusqu’à son élimination : « En particulier, tout au long de cette chaîne, nous étudions et mesurons l’impact que le captif peut avoir sur les émissions de carbone, la consommation d’eau, et d’éventuelles questions éthiques connexes » résume Diana March Bladé, responsable du développement durable et de la conformité technique chez Eurofragance. Enfin, ce dernier fait réaliser des tests par des organismes extérieurs afin de s’assurer de l’innocuité du captif. « Un des tests les plus connus concerne le trio CMR poursuit Diana, qui permet d’identifier les éventuels effets cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, mais il y a aussi les tests de sensibilisation qui visent à confirmer les propriétés non allergisantes du captif. »
Une fois que la réglementation du produit a été établie, Eurofragance homologue le nouveau captif et commence sa commercialisation.
 
À l’approche de l’annonce de lancement du produit, la communication entre en jeu et joue sur différents leviers pour séduire clients et prospects : « Le nom et la définition du captif doivent être parlants, et puisque nous nous adressons à des marques de parfum de toutes tailles, nous devons rendre très claires ses qualités, ce qu’il apporte à une composition et comment il peut être un vecteur de différenciation dans le produit fini » affirme Gloria Rosique, responsable de la communication institutionnelle d’Eurofragance. La société compte également sur l’engouement du client final pour les ingrédients de parfumerie et sur certains captifs, dont la notoriété grandit de jour en jour. « Avec nos captifs, nous participons, à notre échelle, à l’élargissement et l’amélioration de la palette des parfumeurs, » conclut Gloria Rosique.

Remerciements à Felipe San Juan Tejada, Oliver Anthony, Diana March Bladé, Stéphanie Marze et Gloria Rosique.


Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site d’Eurofragance.

Photo : Felipe San Juan Tejada, R&D Scientist et Magdalena Rey, Technical Perfumer
Crédit : @ Eurofragance

La grande histoire de l’IFRA

En 1973 naissait l’IFRA, répondant au besoin d’harmoniser les pratiques de l’industrie du parfum pour mieux la réguler avec pour mot d’ordre la sécurité humaine et environnementale. Si cet organe, créé par les sociétés de composition elles-mêmes, est souvent blâmé pour les reformulations de formules qu’il entraîne, il permet pourtant de défendre la création des parfumeurs et d’assurer la sûreté des produits pour les consommateurs.

Le passage du XIXe au XXe siècle marque un tournant important pour la parfumerie, passant d’un artisanat de petite échelle à une industrie structurée, qui s’ouvre à de nouvelles classes sociales, notamment grâce à l’avènement de la chimie permettant de synthétiser de nouvelles molécules disponibles plus facilement, mais aussi à travers l’évolution des pratiques d’usage des fragrances. 

Poursuivant dans cette volonté de structurer et de rationaliser le secteur, certains acteurs avancent au début des années 1960 qu’elle doit s’autoréguler afin de protéger les hommes et l’environnement, tout en continuant à exister et à faire rêver le monde par le bout du nez. Si ses volumes de production restent faibles en comparaison avec ceux d’autres industries, son emploi et sa production croissants et l’exportation de ses produits à l’échelle mondiale rendent nécessaires des dispositions plus spécifiques et des mesures d’autorégulation. C’est pourquoi A.L. van Ameringen, alors président d’IFF, envoie en 1965 une lettre aux directeurs des principales maisons de composition concurrentes pour leur soumettre l’idée de créer un organisme indépendant qui contrôlera la sûreté des ingrédients de parfumerie. 

Certes, les sociétés effectuent déjà des recherches de leur côté ; mais celles-ci ne sont ni systématiques ni exhaustives. Pour parer à ce manque, le Research Institute for Fragrance Material (RIFM) est créé en 1966 : il produit les données scientifiques jusqu’alors manquantes. Mais il faut encore les transformer en indications concrètes pour que les parfumeurs puissent s’y référer, et réunir toutes les informations produites par les sociétés de composition par ailleurs. 
L’Organisation européenne pour le contrôle des parfums et des arômes (OECB), fondée en 1967, commence à établir des normes obligatoires pour l’usage des ingrédients de cette industrie.

L’IFRA, une autorité qui défend l’auto-régulation

Poursuivant un but similaire, Guy Waldvogel, alors CEO de Givaudan, s’en inspire pour fonder l’IFRA en 1973 : elle produit  des recommandations dont l’application est volontaire, et non pas légalement contraignante. 
Le principe est relativement simple : puisque l’instance répond à un besoin des acteurs de la parfumerie, ce sont eux qui la financeront. Plusieurs associations nationales se réunissent dans cette optique. Pour garantir son indépendance, l’International Fragrance Association prend la forme d’une association à but non lucratif, distincte du Research Institute for Fragrance Materials (RIFM) qui produit les dossiers scientifiques, et travaille toujours avec le plus de transparence possible : pour assurer la sûreté des matières, celles-ci font désormais l’objet d’une publication officielle lorsqu’un problème est identifié.

Les membres de l’IFRA signent un code de conduite dans lequel figure le respect des standards IFRA, règles explicitant les conditions d’utilisation des matières pour garantir la sécurité pour les consommateurs et l’environnement. Cependant, depuis les années 2000, les réglementations imposées par les gouvernements des différents pays sont de plus en plus importantes et drastiques. C’est pourquoi en 1996, l’IFRA s’est implantée à Bruxelles, siège des institutions européennes, prenant alors un rôle supplémentaire : celui de défendre l’industrie auprès des décideurs politiques afin de porter la voix du secteur dans le cadre des discussions européennes visant à l’édiction de nouvelles réglementations. Elle apporte notamment son expertise dans le domaine de la parfumerie (aspects réglementaires, scientifiques) afin de s’assurer que les futures règles qui seront adoptées soient adéquates pour le secteur.

L’une des actions de l’IFRA tient également dans la communication des informations entre les différents acteurs. Du Meeting annuel qui rassemble ses membres pour discuter des enjeux de l’industrie, au Global Fragrance Summit qui, depuis 2017, rassemble de nombreux acteurs autour des tendances et des défis du secteur, en passant par les conférences, les webinaires et les newsletters, elle diversifie les canaux et occasions.

Mais l’histoire de l’IFRA est également ponctuée de plusieurs partenariats et collaborations qui lui ont permis d’évoluer au cours du temps.
Ainsi, en 2007, elle signe un protocole d’accord avec l’Union for Ethical BioTrade (UEBT) pour collaborer à la promotion de pratiques commerciales éthiques et durables dans l’industrie, 
Pour promouvoir un engagement collectif de l’industrie vers des pratiques plus durables, l’une des premières étapes était d’établir un état des lieux qui rende compte des avancées déjà mises en place en la matière. C’est dans ce but que l’IFRA et l’IOFI (International Organization of the Flavor Industry), historiquement liées, ont joint leurs efforts et travaillé pendant quatre ans avec des membres et experts externes. Le premier IFRA-IOFI Sustainability Report, publié en 2021, permettra de suivre les progrès accomplis par le secteur en termes de durabilité au cours des années à venir. L’IFRA-IOFI Sustainability Charter, signée par 127 entreprises, permet de structurer l’engagement collectif des industries du parfum et des arômes autour de cinq domaines clés : l’approvisionnement responsable, la réduction de notre empreinte environnementale, le bien-être des employés, la sécurité des produits, et la transparence.

Naissance de l’IDEA (International Dialogue for the Evaluation of Allergens)

Poursuivant son but fondateur d’établir des normes communes pour l’industrie concernant l’utilisation des matières premières, l’IFRA met en place l’International Dialogue for the Evaluation of Allergens en 2008. Son but ? Échanger plus facilement avec les différentes parties prenantes  afin de promouvoir une évaluation cohérente des allergènes. Le projet réunit scientifiques, dermatologues, experts politiques, représentants de la filière, afin de perfectionner les méthodes d’évaluation de la sécurité des produits. Il a notamment abouti à la mise en place de l’approche de l’évaluation quantitative des risques 2 (QRA2), pour prendre en compte les données les plus récentes, en intégrant par exemple les études sur les habitudes d’utilisation des consommateurs, ou encore en utilisant des modèles plus sophistiqués pour établir les seuils de sécurité des ingrédients. L’IDEA travaille également à développer un nouvel outil pour l’évaluation des tests cutanés qui permette de mesurer la pertinence des évaluations basées sur New Approach Methodologies (NAMs), qui se passent des tests sur animaux.

Les dates à retenir

1969 : Fondation de l’Organisation Internationale de l’Industrie des Arômes (IOFI)
1973 : Fondation de l’IFRA par Guy Waldvogel 
1974 : Publication du premier standard (36 ingrédients, contre plus de 200 aujourd’hui)
1996 : L’IFRA ouvre un bureau à Bruxelles 
2001 : Tripartition entre membres réguliers, associations nationales et membres soutien 2006 : Lancement de la première version du Quantitative Risk Assessment (QRA), méthode d’évaluation des risques pour la santé humaine associés à l’utilisation de parfums et d’arômes 
2012 : Création du Dialogue International pour l’Evaluation des Allergènes (IDEA)
2016 : Lancement du programme IFRA Fragrance Sustainability Initiative, qui vise à encourager l’utilisation de matières premières d’origine durable dans les parfums et les arômes
2019 : Publication du rapport The Value of Fragrance
2022 : Dernière version de la Liste de Transparence IFRA

Texte initialement paru dans le livre publié par Nez, en partenariat avec l’IFRA : We Love Fragrances (livre en anglais uniquement)

We Love Fragrances, Nez, 160 pages, 2023

The world of fragrance, in all its infinite variety, is an essential part of our lives. Its many perspectives – cultural, economic, social and emotional, as well as agricultural, industrial and technological – are explored in this book, showing just how much fragrance is an element that links us together.
To perpetuate this field, the International Fragrance Association (IFRA) plays a role in the safety and sustainability of fragranced products.We Love Fragrances brings together numerous testimonials and gives voice to all players in the value chain, from growers, suppliers of natural and synthetic raw materials, creators and producers to researchers, engineers and chemists… A book to discover and rediscover fragrance in all its different facets and understand its present and future challenges.

Smell Talks : Marlène Staiger et Jean-Charles Sommerard – Boire les parfums

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Quand le parfum s’invite dans l’univers des boissons, il suscite des initiatives originales, qui marient joyeusement les univers olfactifs et gustatifs. Co-fondatrice de la marque de liqueurs H.Theoria, Marlène Staiger collabore avec des maisons de parfum ou encore des artistes. Parfumeur créateur, Jean-Charles Sommerard accompagne de grands fabricants de boissons, distillant une approche tournée vers le bien-être et les émotions. Ils évoquent ensemble leur travail de création à la croisée des chemins.

Une table ronde enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2024 et animée par Sarah Bouasse.

Photos : DR.

La Paris Perfume Week revient pour sa deuxième édition, du 20 au 23 mars 2025 !

Après une première édition réunissant près de 3000 passionnés et professionnels du monde entier, la Paris Perfume Week revient du 20 au 23 mars 2025 au Bastille Design Center. Dans son sillage, se dessine une programmation inspirée et foisonnante.

Smell Talks : Raphaël Guillou – Nez du vin, jeu d’arômes

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Caviste et formateur installé à Sancerre, Raphaël Guillou dirige une vinothèque écoresponsable, où chaque cuvée est sélectionnée tous les sens en éveil. Dans cet exposé didactique, il définit avec pédagogie, bienveillance et humour les étapes du nez du vin permettant d’approfondir et d’apprécier une dégustation.  

Une conférence enregistrée lors de la Paris Perfume Week 2024 et animée par Guillaume Tesson.

Photo : Pierre Mérat.

À lire et à sentir : la liste de Noël de Nez

Noël approche, le compte à rebours est enclenché pour dénicher des idées de cadeaux – beaux et intelligents, si possible – à glisser sous le sapin… mais que choisir ? Nez vous aide à remplir votre hotte de livres et autres présents bien inspirés…

Pour commencer, la base de toute éducation de l’odorat qui se respecte débute forcément par un abonnement à Nez, la revue olfactive ! Une attention particulière et bien sentie pour permettre à la personne aimée une ouverture illimitée sur la richesse des odeurs et des parfums, et une compréhension du rôle essentiel que joue l’odorat dans notre vie.

 

Quand on aime, on ne compte pas ? Si vous avez déjà offert les dernières parutions, ou que souhaitez convertir toute la famille, procurez-vous pour 100 € les dix premiers numéros de Nez, et des heures de lectures inspirées. Attention, il risque de ne plus y avoir beaucoup de place sous le sapin !

 

Lire le parfum c’est bien, le sentir aussi. L’abonnement à notre Box Auparfum permet de recevoir tous les deux mois quatre échantillons de nouveautés que nous avons sélectionnées. Un présent original et parfumé, qui permet d’essayer chez soi nos derniers coups de cœur. Et parce qu’une surprise n’arrive jamais seule, nous offrons aux abonnés une remise dégressive sur les Box passées, et des réductions sur la vente des parfums.

Avant de sentir, il faut d’abord comprendre comment fonctionne notre nez. C’est ce que nous propose Hirac Gurden, directeur de recherche en neurosciences au CNRS et rédacteur pour Nez, à travers un ouvrage accessible et généreux sur l’odorat et ses mécanismes. Ici on parle du fonctionnement de notre nez, de notre cerveau, de ce qui définit une odeur, mais aussi de nos effluves corporels et de ce que l’on met dans nos assiettes. Un fabuleux voyage dans le monde des odeurs et de l’odorat.

Sentir – Comment les odeurs agissent sur notre cerveau – Hirac Gurden, 19,95 €

Pour les adeptes des plantes, des épices, de leur histoire et de leur parfum, la collection « Nez + LMR – Les Cahiers des naturels » est faite pour eux. Dans ces ouvrages, vous trouverez une présentation détaillée des matières naturelles, de leur usage en parfumerie jusque dans votre cuisine, en passant par leur mode de culture et leur place dans l’histoire de l’art. Pour Noël, rien de tel que le mimosa d’hiver au parfum ensoleillé et la cannelle des biscuits épicés. À moins que ce ne soit l’orange ? La tradition d’en offrir à cette période de l’année voulait que cela porte chance, et c’est tout ce que nous vous souhaitons ! 

« Nez + LMR – Les Cahiers des naturels », de 14,50 € à 16 €

Peut-on se raconter parce que l’on sent plutôt que par ce que l’on voit ? Sarah Bouasse, qui est également rédactrice pour Nez, tente l’expérience et nous guide dans un dédale d’odeurs – dont on se rend bien vite compte qu’il est aussi le nôtre. Odeurs de maisons de vacances, parfums de l’adolescence, remugles urbains : l’autrice rappelle que nous sentons chaque fois que nous respirons, soit plus de 20 000 fois par jour.

Par le bout du nez – Une histoire intime des odeurs, Sarah Bouasse, 18,50 €

Vous passez le réveillon avec un mordu de parfums rares et autres flacons d’auteurs ? Nous avons le cadeau idéal. Plus qu’un livre, Éditions de parfums Frédéric Malle. Les 20 premières années est un objet de collection. Ce volume éclectique entraîne le lecteur à la découverte d’une maison qui a su réinventer les codes de la parfumerie de luxe, entre savoir-faire et liberté créatrice. Il y a vingt ans déjà, Frédéric Malle décidait d’éditer les œuvres de parfumeurs comme d’autres publient des livres. Esthète atypique et inclassable, le créateur dévoile sa vision haute couture de la parfumerie contemporaine. Un bel ouvrage riche en archives, anecdotes et illustrations, et surtout… moins cher qu’un flacon de la marque !

Éditions de parfums Frédéric Malle. Les 20 premières années, Marion Vignal et Benjamin Bachelier, 50 €

Noël ne serait pas Noël sans belles histoires à lire et à (se) raconter. À travers le récit des grandes maisons et de leurs fondateurs, des parfumeurs et des directeurs artistiques, ce beau livre signé Yohan Cervi retrace la genèse des succès de parfumerie à la lumière des grands événements de chaque décennie. Depuis la Belle Époque jusqu’à la fin des années 2010,  les onze chapitres du livre relatent l’épopée de cette industrie prolifique, façonnée par le monde qui l’entoure.

Une histoire de parfums (1880-2020) – Yohan Cervi, 30 €

Pour un lecteur qui préfère les histoires en images, ce somptueux roman graphique est la toute première biographie illustrée consacrée à Germaine Cellier, célèbre parfumeuse. Un livre qui lève en partie le voile sur le métier méconnu de créateur de parfum au siècle dernier.

Germaine Cellier – L’Audace d’une parfumeuse, Béatrice Égémar et Sandrine Revel, 27 €

Si vous ne savez pas quoi offrir comme parfum, commencez déjà par offrir ce livre : loin d’être une simple liste, cet ouvrage de référence propose une véritable histoire des parfums, à travers 130 ans de créations. Jeanne Doré, Yohan Cervi, Alexis Toublanc et le collectif Nez ont voulu mettre en lumière les 111 parfums qui comptent, qu’ils soient chefs de file, célébrés ou méconnus, best-sellers ou disparus.

Les cent onze parfums qu’il faut sentir avant de mourir – Yohan Cervi, Jeanne Doré, Alexis Toublanc, 17€

Un apprentissage est toujours plus heureux à travers le jeu. Master Parfums vous invite à découvrir, tout en vous amusant, les différentes cultures et coutumes parfumées du monde. Pourquoi les hommes-fleurs de Siberut portent-ils ce nom ? Qu’est-ce que la salive de dragon pour les Chinois ? D’où vient la vanille ? A quoi sert le qumqum au Moyen-Orient ?… 120 questions et réponses réparties sur 5 continents, et divisées en 4 catégories : Histoire et art, La palette olfactive, Les coulisses du parfum, Marques, parfums et astuces.

Master Parfums, Pocket Quiz, 15 €  et Livre-Jeu Olfactif, 65 €

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Les usages de l’encens en gastronomie

On peut brûler l’encens, mais aussi le boire, le manger et même le chiquer… À Oman, la résine aromatique décline ses larmes ambrées sur tous les tons, de l’air à la matière. vert ou blanc peut ainsi être mâché comme un chewing-gum, ou délicatement infusé dans une bouteille d’eau afin d’être bu tout au long de la journée. Au Al Baleed Resort de Salalah, l’oliban s’agrémente volontiers de gin et d’eau de rose. 

Il ne laisse pas non plus les gourmands indifférents. Au café Ba Ban de Mascate, une crème glacée à la résine d’encens d’Oman accompagne les profiteroles aux bananes caramélisées et sauce chocolat. Un peu plus loin, sur la corniche qui longe la capitale, le restaurant Bait al-Luban, fervent soutien de l’agriculture et de la pêche locales, propose de déguster un dîner entier à l’encens, assis à même le sol sur un siège traditionnel omanais.

Dans le village de Bahla, à quelques kilomètres de Nizwa, Saïd Al Adawi n’a pas encore 10 ans lorsqu’il a réalisé sa première pièce, un brûle-encens qui a tellement plu à son père que cela lui donne envie de continuer. La manufacture des frères Adawi produit plus de 2000 porte-encens par an, parmi les plus fameux du pays. Rencontre.

Credits: Nez
Director: Eléonore de Bonneval
Videographer: Ateeb Ali
Creative Director: Mathieu Chévara
Video Editor: Jean-Philippe Derail
Sound design: Perfecting Sound Forever
Title design: Vianney Bureau, Mikaël Charbonnier
Amouage: Renaud Salmon, Andras Komar, Dominique Roques, Matthew Wright, Rayyan Alabdullatif
Special thanks to Arielle Lauze.

AU SOMMAIRE DE NOTRE GRAND DOSSIER « WADI DAWKAH »

Julien Rasquinet : « Au-delà de sa beauté olfactive, Aromatics Elixir porte une leçon de création » 

Il y a des parfums qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Et puis il y a les parfums qui comptent, ceux qui marquent à jamais la vie et la carrière d’un parfumeur. Semaine après semaine, ils sont désormais nombreux à nous avoir conté leur rapport à une création, et l’influence parfois inconsciente de celle-ci sur leur manière de composer.
Parfumeur principal chez CPL Aromas, Julien Rasquinet s’est confié à nous pour évoquer ses souvenirs d’enfance, à travers un parfum emblématique : Aromatics Elixir.

S’il est bien une création qui me renvoie vers mes souvenirs d’enfance, c’est Aromatics Elixir de Clinique. J’ai l’impression de l’avoir toujours connue, comme si j’avais pu la percevoir depuis le ventre de ma mère, avant même d’être né : c’est son parfum signature. Elle lui a presque toujours été fidèle. Quand je le sens, il m’emplit d’un sentiment de réconfort, de sécurité. Je me souviens également du cocktail détonnant qui régnait à la maison : à l’opulence charismatique maternelle, mon père, puis moi, ajoutions le sillage d’Habit rouge !

Je ne l’ai évidemment pas senti que sur elle : cette création a su conquérir le monde, elle a imposé une ligne directrice dans les chypres. Tous ses successeurs semblent ainsi en porter l’empreinte, et nombre de parfumeurs l’ont dans un coin de la tête lorsqu’ils composent. Mais Aromatics Elixir a aussi été un succès auprès du grand public, en opérant cette prouesse de remettre au goût du jour ces chypres qui, dans les années 1970 aux États-Unis, étaient perçus comme vieillots. Pourtant, Aromatics Elixir est radical, sans compromis. 

Il a eu bien des ancêtres, mais semble avoir complètement renouvelé le genre. Il incarne par ailleurs un paradoxe qui m’amuse : il contredit les règles d’écriture dont à peu près tous les parfumeurs se vantent aujourd’hui ! Nous parlons en effet constamment de formules simples et d’épure, et pourtant l’une des plus grandes compositions de l’histoire va exactement à l’opposé d’une telle démarche. À mon sens, cette fragrance porte ainsi, au-delà de sa beauté olfactive, une leçon de création : elle nous invite à être plus attentifs à nos impressions, à notre corps et à nos sensations lorsque nous travaillons, en mettant en partie de côté la raison et la théorie, même si elles restent essentielles.

Aromatics Elixir m’a personnellement beaucoup influencé dans mon écriture, définissant probablement mon goût personnel pour des fragrances raffinées mais ultra puissantes. Même si je n’ai jamais vraiment composé dans sa filiation directe, je crois que j’y pense à chaque fois que je travaille des effets chyprés dans une création : que ce soit dans The Moon des Éditions de parfum Frédéric Malle, dans Tabac Rose de BDK, dans Orchid Leather de Van Cleef & Arpels, ou encore dans Notte d’Oro de Valentino – que j’ai cocréé avec Paul Guerlain.  

Encore aujourd’hui, je pense que ce parfum a beaucoup à nous apprendre et il constitue à mon sens ce qui a été fait de plus élégant, tant pour les femmes que pour les hommes. Il n’a pas pris une ride ! Il est certes moins porté, mais sait frayer son chemin dans le cœur de celles et ceux qui souhaitent se démarquer : signé, différenciant, intemporel, mêlant puissance et élégance, il me semble parfaitement dans l’air du temps !

Julien Rasquinet, octobre 2024

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DOSSIER « CONFIDENCES PARFUMEES »

Smell Talks : Dorothée Duret et Claire Martin – La couleur des odeurs

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Est-il possible d’utiliser d’autres sens que notre odorat pour exprimer une émotion olfactive ? Peut-on décrire une fragrance comme une couleur, voire un paysage ? Comment expliquer physiologiquement la synesthésie ? Le jeudi 21 novembre 2024, la librairie du Centre Pompidou accueillait le lancement du dix-huitième numéro de Nez, la revue olfactive

En écho à la thématique de son grand dossier, une table ronde a réuni deux expertes pour évoquer les liens entre parfums et neurosciences : Dorothée Duret, fondatrice de la parfumerie indépendante Le Nez insurgé à Bordeaux et de la ligne de parfums Couleurs, qui questionne la perception de la couleur à travers l’olfaction et Claire Martin, docteur en neurosciences, spécialiste de l’olfaction et directrice de recherches au CNRS.

Un échange modéré par Sarah Bouasse.

Visuel : Guillaume Tesson.

L’esprit Bonheur : une exposition, un livre et un parfum

A l’occasion de l’exposition Rosa Bonheur et les Fauves au Château de By et de la publication du livre Le Lion de Rosa (Bonheur) par Laurence Bertrand Dorléac aux éditions Gallimard, nous vous proposons la lecture de notre reportage publié dans Nez #17. Une immersion olfactive dans l’univers chatoyant de l’artiste, avec la collaboration de Véronique Nyberg, parfumeuse chez Mane.

Les saisons passent sur le château de By, et chacune apporte ses odeurs particulières. Si l’été nous pousse vers le parc entretenu qui entoure la bâtisse, l’hiver invite davantage à profiter des intérieurs, en particulier du majestueux atelier de Rosa Bonheur, conservé intact. Quand, après avoir monté un sombre escalier en colimaçon, on entre dans cette pièce bordée d’une vaste baie vitrée, on est accueilli par un portrait en pied de l’artiste, posé sur un chevalet. Ici, entre ses œuvres et esquisses, sont exposés les objets de son quotidien : pinceaux, gibecière, photographies, lettres et flacons de parfum. Surtout, de nombreux animaux empaillés décorent la pièce. Tous sont morts de leur belle mort, il ne pouvait en être autrement pour l’amoureuse des bêtes qu’était la peintre.

Cabinet de curiosités

Entre bazar et cabinet de curiosités, cet atelier est une prouesse : architecturale, d’abord, car en son temps il fut construit par Jules Saulnier, à la demande de l’artiste, comme une extension de l’édifice ; mais aussi de conservation, à l’image du titanesque projet de restauration qu’a mené Katherine Brault, nouvelle propriétaire des lieux. Grâce à elle et à ses filles qui partagent l’aventure commencée en 2017, la belle endormie poussiéreuse et secrète qu’était la bâtisse a été entièrement rénovée et réouverte au public en 2018. Entouré de son parc remarquable, le château abrite aujourd’hui un musée, un salon de thé et des chambres d’hôtes.

Artiste star

Lors d’une visite qui les a menés des appartements particuliers jusqu’aux greniers restaurés, Véronique Nyberg, parfumeuse de la maison Mane, et Arthur Mercier, photographe, ont été captivés par l’imposant atelier où flotte encore l’esprit unique de Rosa Bonheur. Fumant et autorisée à porter le pantalon, artiste star la plus cotée de la seconde moitié du XIXe siècle, en Europe comme aux États-Unis, décorée de la Légion d’honneur des mains de l’impératrice Eugénie, cette femme indépendante a marqué l’histoire de l’art par l’ambition de ses formats – gigantesques – et ses sujets, les animaux pour lesquels elle arpentait les foires aux bestiaux, ou qu’elle recueillait chez elle. Il est dit que plus de deux cents spécimens, sauvages, lions, singes, perroquets – ou domestiques, ont été hébergés à By, sans compter une ruche juchée sur le toit même de l’atelier.

À contre-courant

Ici règne une grande liberté d’esprit. En pensant hors cadre, un monde de tous les possibles advient. Cela tient à la vision de Rosa Bonheur qui œuvrait à bas bruit et à contre-courant pour les causes féminine et animale, par son exemple, ses convictions et son mode de vie. En miroir, Katherine Brault, par son parcours hors du commun et sa ténacité, a réussi à mobiliser de nombreux acteurs privés et publics autour de son projet de réhabilitation des lieux, pour en faire le Giverny d’Île-de-France. Originaire de Fontainebleau, cette entrepreneuse aux expériences multiples dans la gastronomie, le luxe et la communication ne se doutait pas, quand elle visita enfant la demeure délabrée en sortie scolaire, qu’elle y serait un jour chez elle, et par là recevrait les cinq kilos de clés qui ouvrent chacune des portes de la maison.

Intérieur et extérieur

En matière de force d’âme, Véronique Nyberg n’est pas en reste. « L’œuvre de Rosa Bonheur et la mise en abîme des parcours de femmes exceptionnelles qui se sont succédé ici me parlent beaucoup. » Les différentes ambiances olfactives du château ont été source d’inspiration. D’abord dans ce dialogue entre intérieur et extérieur, l’architecture et la nature, l’art et l’animal, des contrastes qui se répliquent à travers les tableaux eux-mêmes. Elle a composé, pour illustrer son expérience du lieu, cinq pistes olfactives. Deux autour de la nature environnante : le parc et son pavillon des Muses à l’ombre d’arbres centenaires, mais également la forêt dont le domaine est en lisière. Et trois autres, comme un zoom avant, allant de l’atmosphère générale du château, puis l’atelier, jusqu’à un détail de la pièce. Sur son parquet, au sol, il y a la fourrure de la lionne Fatma, apprivoisée par Rosa Bonheur, qui apporte une touche blonde et chaude dans un écrin de bois sombre. C’est cette proposition qui a été retenue pour la carte olfactive, figurant dans chaque exemplaire de la revue Nez #17.

Création du parfum Fatma par Véronique Nyberg

L’approche artistique de Véronique Nyberg est un équilibre de maîtrise scientifique et de liberté créatrice. Docteur en chimie, la parfumeuse connaît le dialogue des molécules et des belles matières issues de la nature, qu’elle respecte depuis son enfance. C’est dans les Hautes-Alpes, au jardin de sa grand-mère, herboriste en son temps, qu’elle a découvert le rythme des plantes. Depuis, elle ne cesse d’étudier l’harmonie végétale. Pratiquant la peinture et la sculpture pour se ressourcer, adorant le contact de la terre et le geste de la main, c’est avec beaucoup d’émerveillement qu’elle est entrée dans l’atelier de Rosa Bonheur.

« Dans cette immense salle boisée, j’ai voulu éclairer le côté fourrure de la lionne Fatma. Sa présence m’a touchée, l’affection que Rosa Bonheur lui portait était digne d’une grande amitié. Pour l’incarner, j’ai utilisé des muscs et des notes boisées chaudes proches de la peau comme l’Orcanox, ainsi que l’Ambramone, un captif Mane. J’ai amplifié l’effet daim à travers le résinoïde de styrax et l’absolue de tonka. Pour accentuer la dimension animale, j’ai utilisé une infusion d’ambre gris. Enfin, en contrepoint frais et coloré, j’ai apporté une touche de cardamome Jungle essence. L’atmosphère créée est enveloppante, réconfortante comme une famille choisie, composée d’animaux et d’amis. »

Article complet et carte parfumée avec Fatma à retrouver dans Nez #17

Exposition Rosa Bonheur et les fauves, jusqu’au 31 janvier 2025
Plein tarif – 18€, tarif réduit* – 10€

Château de Rosa Bonheur
12 rue Rosa Bonheur
77810 By-Thomery
+33 (0)1 89 40 50 90

Crédit photo : @Arthur Mercier

Les senteurs emblématiques d’Oman

L’hospitalité des omanais se fait sentir dès l’arrivée à l’aéroport de Mascate où est diffusée une subtile odeur d’oliban connu pour apporter une ambiance sereine. En fumigation, cet encens naturel, aux senteurs de bois et d’agrumes, apaise et favorise ainsi l’endormissement. Les bains de fumée sont aussi utilisés pour purifier la maison et lui ôter ses mauvaises odeurs. 

Chaque maison possède ainsi un encensoir, qui est un accessoire d’importance au quotidien. Pour clore le dîner lors d’une réception, un brûle-parfum circule entre les invités qui parfument tour à tour leurs vêtements de la précieuse fumée.

Après avoir allumé quelques morceaux de charbon placés dans un encensoir, on place un morceau d’oliban dessus. On peut aussi utiliser un diffuseur à bougie chauffe-plat, en posant dans la coupelle quelques morceaux d’oliban dans un peu d’eau. Pour les nez sensibles, comme ceux des tout-petits par exemple, il suffit de placer un sachet de larmes de résines dans un pot pourri afin de diffuser l’odeur de l’encens de manière plus subtile.

Le bakhoor est un élément clé de la culture orientale : il désigne le principe de fumigation qui consiste à imprégner de parfum chaque jour les tissus d’ameublement de sa maison et surtout les vêtements, des femmes comme des hommes. Un bain de fumée qui ne prend que quelques secondes pour parfumer l’abaya, la robe traditionnelle des femmes omanaises et entre cinq et dix minutes si l’on veut l’expérience complète, afin d’obtenir un parfum puissant et durable. 

Parmi les ingrédients de ces mélanges top secrets, on trouve le musc, le santal, ou une mystérieuse coquille broyée provenant de la mer d’Arabie. L’oud (ou bois d’Agar), destiné aux grandes occasions, peut se présenter sous la forme de poudre ou de morceau de bois qui macérera pendant une dizaine de jours dans des parfums légers, puis encore dix autres jours dans un parfum plus puissant.

Crédit photo : Khor Rori ©Mulook Albalushi

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