Parfumerie et féminisme : le patriarcat est dans le flacon

En tant qu’objet social, le parfum baigne dans la structure qui l’a vu naître : le patriarcat. S’interroger en 2023 sur la représentation de la féminité en parfumerie ne peut pas se faire sans recourir à la pensée féministe. Sous cet angle, il est possible de montrer en quoi la parfumerie a participé à fixer une identité féminine compatible avec le patriarcat et l’a traduite olfactivement. Cela permet aussi de repérer les évolutions issues du bouleversement féministe entre les années 1960 et 1970. Cette lecture n’a pas pour objectif de pointer du doigt un passé qui, de fait, n’est plus modifiable. Au contraire, elle permet de mieux saisir et questionner les idées auxquelles les parfums donnent corps et que nous intégrons collectivement, tout en reconnaissant l’art et la beauté qui s’y expriment.

En Occident, les sources idéologiques du patriarcat datent de l’Antiquité grecque, mais trouvent leurs racines au cours de la Préhistoire. Selon Françoise Héritier, la pensée humaine archaïque s’est structurée sur la différence entre les sexes et s’est « toujours et dans toutes les sociétés, idéologiquement traduite dans un langage binaire et hiérarchisé »[1]Françoise Héritier, Masculin / Féminin, la pensée de la différence, Odile Jacob, 1996, comme chaud / froid, esprit / corps ou masculin / féminin, donc. La domination masculine qui s’est imposée globalement s’est traduite par « l’appropriation de la fécondité de la femme ».[2]Ibid. p. 208, S’il n’y a pas de preuve scientifique absolue, « il existe une forte probabilité statistique de l’universalité de la suprématie masculine ».Modalité unique de l’existence féminine, le corps qui permet la sexualité et la procréation a fait des femmes des êtres par essence inférieurs et dépendants.[3]Camille Froidevaux-Metterie, Un Corps à soi, Éditions du Seuil, 2021. 
En France, les évolutions du patriarcat survenues au XIXe siècle ont laissé des traces vivaces qui continuent de nous influencer. À cette époque, les rôles genrés se rigidifient dans les textes de loi ou de science ; les hommes œuvrent dans les domaines du public et du politique, les femmes dans ceux de l’intime et du privé. S’instaure aussi durant ce siècle une double morale sexuelle pour les femmes. D’un côté, la sexualité noble à des fins procréatives de la femme mariée ; de l’autre, la sexualité dépravée des prostituées, qui permet aux hommes de vivre la leur en dehors du cadre marital, mais dont la responsabilité morale incombe aux femmes. 

La parfumerie comme véhicule du patriarcat

Pourtant, le genre et le sexe sont, comme l’explique Françoise Héritier, des faits « constructibles et recréés, ils relèvent de l’ordre symbolique, de l’idéologie, alors même que l’énoncé de cet ordre symbolique vise à les établir ensuite comme des faits de nature. »[4]Op. cit. La parfumerie, en tant que pratique culturelle, est en lien étroit avec cet énoncé. Sa représentation mentale et sa mise en mots se sont peu développées hors des cercles professionnels. Aussi, pour rendre intelligibles et désirables ses produits, cette industrie dépend, plus que d’autres secteurs, des moyens d’évocation disponibles. Métaphores, images, formes, mais aussi mythes ou fantasmes se concentrent et créent des ensembles narratifs mémorables et persuasifs. Puisant dans ce vivier symbolique, la parfumerie est devenue au cours du XXe siècle un véhicule privilégié des stéréotypes sur le genre féminin.

Par exemple, le récit entourant Shalimar de Guerlain conserve une force opérante près de cent ans après son lancement et la campagne de 2014[5]Voir https://www.youtube.com/watch?v=2C6ytS1IfAc&ab_channel=TendanceParfums est en ce sens éloquente. Re-combinant les éléments du mythe de 1925, elle montre combien l’esthétisation de celui-ci reste une stratégie commerciale valable. L’image sensuelle de la princesse-amante parée et parfumée, se languissant de son bien-aimé, lequel brave les éléments pour la rejoindre, a quelque chose d’irrémédiablement rassurant. Mais si la plupart des clients de Shalimar l’ignorent, rappelons pour mémoire que parmi les faits ayant inspiré le mythe auquel il fait référence, Mumtâz Mahal, épouse de l’empereur Shâh Jahân qui fit ériger en son souvenir le Taj Mahal, est décédée en donnant naissance à son quatorzième enfant. Ce sont bien la disponibilité sexuelle et le dévouement maternel de l’épouse que l’on érige ainsi en valeurs morales féminines absolues.  

Dire que des exemples comme celui-ci, la parfumerie en recèle à la pelle est à la fois trivial et factuel. Le cas de Shalimar est celui d’un produit de luxe, mais le mécanisme est le même pour d’autres publics. Love’s Baby Soft de Dana, sorti en 1974 aux États-Unis, est un authentique témoin de la normalisation du discours patriarcal, jusque dans ses extrémités les plus sordides. Pour une fragrance destinée aux toutes jeunes filles, on découvre une campagne[6]Voir https://www.youtube.com/watch?v=l7IP5SV6GqQ&ab_channel=robatsea2009 qui érotise la pré-adolescence et légitime la pédocriminalité[7]En France, 1 français sur 10 déclare avoir été victime de violences sexuelles durant son enfance, dans 80% des cas au sein de la sphère familiale. En 2020, c’est 6,7 millions de personnes qui … Continue reading : « Il y a un être auquel on ne résiste pas : c’est un bébé. Alors l’amour a créé Love’s Baby Soft, à la senteur innocente d’un adorable bébé tout propre, qui a bien grandi et est devenu très sexy ».

Un sens féminin

Au-delà d’être un espace de légitimation du social, la parfumerie a été rapprochée de la féminité par l’idéologie patriarcale. Les parfums s’apprécient via l’odorat, un sens longtemps jugé animal, instinctif, trompeur, lié à la corporéité et par nature inférieur aux autres, comme le rappelle la philosophe Chantal Jaquet.[8]Chantal Jaquet, Philosophie de l’odorat, PUF, 2010. Et c’est aussi, on l’a dit, la dimension corporelle de la femme qui justifiait sa consubstantielle minoration sociale. À cela s’ajoute le lien entre odeurs et émotions qui correspond à des femmes « esclaves de leurs corps et de leurs sentiments »[9]Françoise Héritier, Op.cit.. L’odorat et le féminin, perçus et décrits de façon similaire au cours de l’Histoire, entretiennent des liens qui ont fait des parfums une affaire de femmes, retardant l’arrivée d’une véritable offre masculine sur le marché. 

De tous les raisonnements d’apparence logique qui seront faits pour rapprocher parfumerie et féminité, celui de la séduction reste le plus prégnant de nos jours. Le corps féminin, disponible et dévolu à l’activité sexuelle, serait naturellement relié à l’attirance, la tromperie et la duplicité, selon notre héritage judéo-chrétien. Lieu d’expression de sa nature séductrice, le corps expliquerait l’attrait de la femme pour les produits d’apparat, dont le parfum. Cette association prend forme selon la double morale sexuelle présentée plus haut. D’un côté, comme avec Beautiful d’Estée Lauder (1985), on célèbre dans un phénoménal bouquet floral la féminité de l’épouse et ses élans tournés vers la famille, de l’autre comme avec Good Girl de Carolina Herrera (2016), on fantasme, dans un nappage de chocolat praliné, la féminité trouble et sulfureuse des clubs privés. La séduction oui, mais dans les cadres imposés, s’il vous plaît.

Ce que sent la féminité

S’il y a quelque chose d’un peu plat à nommer une évidence, les liens signifiants entre floralité et féminité, mais aussi entre floralité et odorat, sont pourtant unanimement admis. En témoignent les allégories de l’odorat qui mettent en scène des personnages féminins accompagnés de fleurs, comme celle du peintre Jan Brueghel L’Ancien. L’imaginaire symbolique des fleurs répond à celui des femmes sur les thèmes de la délicatesse, la beauté, la fragilité, le plaisir mais aussi l’ornement et les affects. En France, la culture très valorisée de la rose centifolia, du jasmin et de la tubéreuse à Grasse a sans doute largement participé à inscrire ces fleurs comme piliers olfactifs des parfums féminins, selon une perspective idéologique autant qu’économique.

Jan Brueghel L’Ancien, Allégorie de l’odorat, 1617. Source : Wikicommons

Le rapprochement entre femme et fleur peut aussi s’appuyer sur une perception commune de leur fonctions : de même que les fleurs, en botanique, sont les organes sexuels de la plante, la femme serait, au sein du patriarcat, l’organe sexuel de l’espèce humaine, pour le dire un peu brutalement. 

Ainsi donc, les fleurs sont pour les femmes. Mais elles le sont parce que l’année dernière, elles l’étaient déjà ! Ce que l’on perçoit comme féminin dans un parfum se réplique et se modifie, tout en perpétuant un message olfactif. Lorsqu’une composition allie efficacement un accord mémorable aux attentes culturelles, on peut s’attendre à un succès et à sa reprise. Paris d‘Yves Saint Laurent (1983), Eternity de Calvin Klein (1988) et Trésor de Lancôme (1990), tous trois signés par Sophia Grojsman, partagent un accord floral rose-violette-œillet immédiatement perçu comme féminin et une thématique ô combien associé aux femmes : l’amour, qu’il soit passionnel, éternel ou romantique. 

Le faisceau d’indices

Finalement, de l’observation soigneuse de ce qui marque vraiment la féminité en parfumerie, on ressort avec une certitude : les matières n’ont pas de genre, mais les accords oui. Les signes de féminité y fonctionnent comme partout ailleurs, en faisceau. C’est un ensemble de touches et d’associations qui se renforcent et s’alimentent les unes les autres. Pour rendre féminine une création, mettez-lui du rouge à lèvres, du vernis à ongles et un soutien-gorge. Et si ces objets sentent, utilisez leurs composants olfactifs directement dans la formule. Ainsi, les notes poudrées et cosmétiques, articulées autour des ionones, de l’héliotropine ou de la coumarine, font partie des effets qui féminisent une note. Perpétuant l’association séculaire corps / féminin, on peut aussi chercher à évoquer l’odeur de la chair par l’utilisation de notes animales ou en hypertrophiant des facettes qui peuvent rappeler la peau comme les lactones de certaines fleurs ou fruits. 

Les fleurs sont presque toujours présentes dans les créations pour femmes, même si elles ne sont pas en dominante. Elles constituent une porte d’entrée et permettent de décliner les univers selon que l’on veuille évoquer l’élégance, la sensualité, la sentimentalité, etc. 

Le floral aldéhydé, le signifiant olfactif de la féminité

Parmi les codes du féminin, un en particulier revient à la parfumerie : le floral aldéhydé. Il est à celle-ci ce que les talons aiguilles sont aux chaussures. Cet accord n’a, à ce jour, jamais passé la frontière du genre masculin et sa reconnaissance en tant « qu’odeur de femme » semble relativement partagée, du moins en France (mais pas en Inde, par exemple, où l’on peut retrouver ce profil olfactif dans des produits parfumés destinés aux hommes). À n’en pas douter, cette reconnaissance tient à la singularité créative de son pilier, le N°5 de Chanel, à sa prolifique descendance tant en parfumerie de luxe qu’en parfumerie fonctionnelle (laque Elnett, savons, crèmes…), au maintien de sa présence olfactive et médiatique, et probablement aussi à l’image mythique de la bourgeoise qui s’est construite autour. 

Les notes orientales : activer le mode séduction

À côté de l’avenue des notes florales, voici le boulevard des notes orientales. La féminité de l’accord oriental est indissociable du contexte de son apparition. Cécile Cayol, commissaire de l’exposition « Voyage en Orient » qui s’est tenue à la Bibliothèque Nationale de France en 2001, précise qu’entre le XIXe et le XXe siècle l’Orient est « bien plus qu’un terme géographique, c’est une projection fantasmatique forgée par la mentalité collective occidentale ». De ce contexte, la parfumerie a rendu compte des fantasmes projetés sur la figure féminine de cet Orient rêvé à travers des matières exotiques, typiques de l’ailleurs : les baumes, la vanille, la rose de Damas, le patchouli. C’est ainsi à cet accord que sera le plus associée la sensualité et la séduction, peut-être en raison de sa puissance, de son exotisme et de son lien un peu plus direct, via la vanille, avec une grande source de plaisir humain : la nourriture. Nourriture qui établit elle-même le lien avec le corps, et donc le lien avec les femmes.

Perturber l’ordre établi : le choc féministe

En France durant les années 1960-1970, la réduction essentialiste de la femme à son corps connait un coup d’arrêt. Les revendications féministes de la deuxième vague entraînent une rupture d’ordre anthropologique grâce à la diffusion des moyens de contraception, permettant aux femmes de reprendre le contrôle de leur fécondité. La période qui s’ouvre alors est celle de la convergence des genres, c’est-à-dire d’une « désexualisation du vivre-ensemble », comme l’explique Camille Froidevaux-Metterie, philosophe et chercheuse en sciences politiques.[10]Camille Froidevaux-Metterie, La Révolution du féminin, Gallimard, 2015. La suffocante rigidité patriarcale éclate et c’est « l’organisation immémoriale de nos sociétés selon la hiérarchisation sexuée » qui est remise en cause. L’horizon de ce mouvement est bien de permettre l’avènement d’individus abstraits et égaux, tel que le projet démocratique l’a initié en 1789. Il les laisse cependant suspendus à la réalité corporelle sexuée de leur existence. 

Une parfumerie réactionnelle

L’industrie rend compte de ces bouleversements dans ses créations, notamment à partir des années 1960, lorsque le retour des colognes, fondamentalement unisexes, et des eaux chyprées accompagnent ce grand amorçage d’unification et de partage des rôles. Les années 1970 sont aussi la décennie où la parfumerie confidentielle voit le jour, laissant de côté la question du genre pour favoriser l’individu et ses goûts. Dans les milieux militants pour les droits des femmes, les sujets attachés au corps (maternité, sexualité, apparence, conjugalité) sont stigmatisés et rejetés comme des reliquats de la domination masculine, poussant les femmes à s’en affranchir. 

Plusieurs tendances s’amorcent alors en parallèle. Dans les années 1980, alors que les femmes deviennent actives sur le marché du travail et que l’Occident prend le virage néo-libéral, la société « leur demande de montrer qu’elles restent bien toujours des femmes ».[11]Camille Froidevaux-Metterie dans le documentaire Arte « Toutes musclées ? » C’est, pour les parfums, l’époque de l’hypersexualisation des sillages : les marqueurs classiques de la féminité sont repris et saturés comme pour se rassurer sur le fait que oui, il y a bien des femmes et des hommes. Loulou de Cacharel (1987) est une démonstration fascinante de cet empilement de signaux féminins clignotants où les puissantes notes florales sont épaissies par les épices, la vanille, le tout gonflé par un volumineux nuage de poudres et de muscs. 

Puis, à partir des années 1990, une désincarnation des parfums, dépouillés de leurs notes animales, s’amorce comme pour mettre tous les physiques à égalité. C’est la décennie du courant hygiéniste, la déferlante des notes « propres » et aqueuses qui mettent le corps à distance, comme dans CK One de Calvin Klein (1994) ou L’Eau d’Issey d’Issey Miyake (1992). 

Le tournant oral de la parfumerie

À la fin du XXe siècle, la parfumerie fonctionnelle fait à nouveau une percée dans le luxe avec les notes fruitées évoquant les shampoings, venues des États-Unis : le modèle du floral-fruité popularisé par J’Adore de Dior en 1999 donne à voir une féminité divine et donc un peu irréelle, mais préfigurant l’avènement de la nébuleuse new age du « féminin sacré ». Dans les années 2010, les thèmes corporels et sexuels font un retour dans l’actualité. Ce réinvestissement pousse alors les femmes à s’auto-déterminer, à définir et choisir ce que veut dire le fait de vivre dans un corps féminin, puisque les institutions ne le disent plus. Cela passe par la dénonciation de millénaires de domination masculine, la revendication au plaisir[12]La modélisation en trois dimensions de l’organe sexuel du plaisir chez la femme est réalisée en 2016 par la chercheuse Odile Fillod : … Continue reading dans la sexualité, le sport, mais aussi par la réappropriation des codes féminins. Est-ce à dire que le patriarcat a disparu ? Pas vraiment. D’un côté réinvestis dans une perspective d’émancipation, ces codes conservent d’un autre côté une forte symbolique sexiste, semant le trouble dans la compréhension des messages. En parallèle des mouvements gender fluid, on observe une radicalisation dans la sexualisation des corps qui n’est pas sans rappeler les excès des années 1980. Ces tendances contradictoires se conjuguent en parfumerie masculine et féminine : on assiste à la fois à un effet de brouillage par un partage des codes, notamment sur les notes sucrées ou les bois ambrés, et à un durcissement des marqueurs, où la dose fait le genre.

Après plusieurs années d’épuration des sillages et la raréfaction des matières animales, les références olfactives de la corporalité se sont un peu perdues. Son retour en parfumerie prend alors une nouvelle autoroute : les notes gourmandes. Initiées en 1992 par Angel de Thierry Mugler, celles-ci refondent complètement l’accord oriental et se répandent en parfumerie au point que leur prédominance est devenue un code de féminité inédit. Elles actualisent un nouveau duo sucre / femme qui tend à supplanter l’historique fleur / femme. Par leur capacité à évoquer la rondeur et le plaisir immédiat, les notes gourmandes répondent très adéquatement à cette hypertrophie des caractéristiques corporelles féminines, fortement érotisées : les seins et les fessiers volumineux vantés dans les salles de fitness ou par les grandes influenceuses d’Instagram sont les vanille-caramel et les chocolat-framboise du parfum, alimentant cette logique irréelle de la performance maximale, du « toujours plus », et faisant des femmes des produits à déguster.

L’image de la femme du XXIe siècle culmine et se cristallise en 2012 dans La Vie est belle de Lancôme qui s’impose comme le nouvel absolu à atteindre. La campagne[13]Voir https://www.youtube.com/watch?v=AV-RfKtePvU&ab_channel=G29 montre une féminité réinventée qui serait affranchie des diktats du passé. On y découvre une Julia Roberts libre, sans homme à ses côtés, capable de faire des choix éclairés et qui devient alors un modèle d’émancipation. Olfactivement, cette féminité est puissante, elle prend de l’espace et pour ce faire, elle vient finalement piocher dans la palette masculine les bois ambrés catapulteurs de sillage, et affirme la sensualité de son corps par une surdose d’éthyl-maltol. 

Que reste-t-il de nos amours ?

La convergence des genres engagée par le mouvement féministe a finalement eu lieu avec l’appui de la parfumerie confidentielle. Dans cette dernière, on explore ses désirs de liberté. À côté de cette inexorable convergence, les vestiges du patriarcat restent très actifs et la sexuation du corps très concrète. Cela explique pourquoi le genre n’a absolument pas disparu de nos rapports sociaux, comportements et usages. « L’existence comme subjectivité ne fait qu’un avec l’existence comme corps », rappelle Camille Froidevaux-Metterie. Le combat pour l’égalité ne fera pas disparaître la parfumerie genrée, car l’égalité ne veut pas dire « être tous pareils », ne veut pas dire que « féminin » ou « masculin » n’existe pas. L’égalité pourrait être, à l’aune du féminisme, l’accès aux mêmes conditions de vie, quelles que soient les conditions de naissance. Et tant que les humains auront un corps, ils auront à traverser ce processus qui les fait accéder à la dimension humaine de leur être : « la femme n’est un individu complet, et l’égale du mâle, que si elle est aussi un être humain sexué. Renoncer à sa féminité, c’est renoncer à une part de son humanité »,[14]Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, 1949, Gallimard, « Folio Essais » 1986, t.1, p. 591. écrivait Simone de Beauvoir en 1949. Libre à chacune (et chacun !) de choisir les parfums qui lui permettront, alors, de vivre sa féminité.

Visuel principal : Suzanne Valadon, La Chambre bleue, 1923. Source : Wikimedia Commons.

DOSSIER « ODOR DI FEMINA »

Notes

Notes
1 Françoise Héritier, Masculin / Féminin, la pensée de la différence, Odile Jacob, 1996
2 Ibid. p. 208, S’il n’y a pas de preuve scientifique absolue, « il existe une forte probabilité statistique de l’universalité de la suprématie masculine ».
3 Camille Froidevaux-Metterie, Un Corps à soi, Éditions du Seuil, 2021.
4 Op. cit.
5 Voir https://www.youtube.com/watch?v=2C6ytS1IfAc&ab_channel=TendanceParfums
6 Voir https://www.youtube.com/watch?v=l7IP5SV6GqQ&ab_channel=robatsea2009
7 En France, 1 français sur 10 déclare avoir été victime de violences sexuelles durant son enfance, dans 80% des cas au sein de la sphère familiale. En 2020, c’est 6,7 millions de personnes qui déclarent avoir été victimes d’inceste. Source : https://facealinceste.fr/blog/dossiers/le-nouveau-chiffre-de-l-inceste-en-france
8 Chantal Jaquet, Philosophie de l’odorat, PUF, 2010.
9 Françoise Héritier, Op.cit.
10 Camille Froidevaux-Metterie, La Révolution du féminin, Gallimard, 2015.
11 Camille Froidevaux-Metterie dans le documentaire Arte « Toutes musclées ? »
12 La modélisation en trois dimensions de l’organe sexuel du plaisir chez la femme est réalisée en 2016 par la chercheuse Odile Fillod : https://www.slate.fr/societe/sexe-en-liberte/odile-fillod-chercheuse-modele-clitoris-impression-3d
13 Voir https://www.youtube.com/watch?v=AV-RfKtePvU&ab_channel=G29
14 Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, 1949, Gallimard, « Folio Essais » 1986, t.1, p. 591.

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