Nez, la revue… de presse – #25 – Où l’on apprend que le nez peut être xénophobe, que les abeilles pistent la vanilline et que les Romains utilisaient du patchouli

Au menu de cette revue de presse, des urnes funéraires, du camouflage olfactif et des retrouvailles d’éléphants.

Nous le rappelions à l’occasion de notre article sur la fête des mères : l’odorat est le sens le plus lié à notre mémoire, et les souvenirs olfactifs peuvent provoquer des émotions fortes même des années plus tard. Mais l’homme n’est pas la seule espèce animale à en faire l’expérience. La réaction d’éléphants africains en captivité face aux fèces de certains membres de leur famille (notamment entre mères et filles) qu’ils n’avaient pas vus depuis longtemps suggère une reconnaissance à long terme – environ douze ans – de leur odeur, relaie Courrier international. Si les résultats de cette étude menée par l’équipe de Franziska Hoerner de l’Université de Wuppertal en Allemagne restent à confirmer par d’autres expériences, ils pourraient néanmoins permettre d’imaginer une familiarisation des animaux en captivité lors de transferts et rassemblements.

Quant au sens olfactif chez l’humain, on admet désormais plus facilement qu’il se forme dès l’état fœtal, même si cela a longtemps été remis en question. Dans un épisode d’In Utero, France culture invite Benoist Schaal, directeur de recherches au Centre National de la Recherche Scientifique et affilié au Centre des Sciences du Goût de Dijon, à expliquer son mécanisme. Il rappelle que la mère transmet une multitude d’odeurs par le liquide amniotique – et oriente ainsi le développement neuronal du fœtus, source de préférences à venir. Plus encore, parce que son nez en développement ne contient pas encore le mucus, qui constitue une barrière pour les molécules odorantes, on peut penser qu’il sent plus intensément que l’adulte qu’il deviendra.

Peut-être est-ce là que se jouent nos préjugés raciaux. C’est une hypothèse que l’on pourrait avancer en lisant l’article de Slate, qui reprend une étude de l’Institut Karolinska de Stockholm menée sur 7000 individus. Ceux-ci ont été soumis à un double questionnaire : le premier les interroge sur leur rapport à l’immigration, le second sur leur ressenti face à certaines odeurs corporelles (sueur, pieds, urine, haleine…). Il est apparu que les plus sensibles à ces dernières étaient aussi les plus xénophobes – qui sont notamment les plus âgés et les « moins éduqués ». Ces résultats s’expliqueraient par un mécanisme évolutif de protection contre les agents pathogènes, dans la mesure où les étrangers auraient des habitudes hygiéniques différentes. Étonnant, d’autant plus lorsque l’on sait que la sensibilité olfactive baisse avec l’âge…

Un peu d’aromathérapie pourrait-il rééquilibrer les choses ? Si aucune composition ne promet à ce jour de soigner le racisme, certaines promettent néanmoins « guérir le corps et l’esprit », note Sarah Bouasse, également rédactrice pour Nez, dans un article de The Good Life. Cet atout marketing a été étudié par les maisons de composition dès les années 1980, mais connaît actuellement un véritable boom. Rappelant l’origine ancienne du soin par les plantes, la journaliste remarque que celui-ci est désormais justifié par plusieurs études. Et va de pair avec un retour au sacré, symbolisé par les odeurs d’encens qui reviennent en force.

Les senteurs du passé, dont nous avons parlé dans le dernier numéro de Nez consacré au temps, font d’ailleurs l’objet d’une attention accrue par les chercheurs riches de nouveaux outils pour les comprendre. Si le projet Odeuropa, auquel Le Point a consacré un récent papier, se concentre sur les données des trois derniers siècles, c’est une fiole en quartz âgée de 2000 ans qui a été ouverte et analysée par les scientifiques, rapporte Metro UK. Découverte en 2019 dans une urne funéraire lors de fouilles à Carmona en Espagne, elle contenait, fait rare, des résidus solides, qu’ont pu analyser José Rafael Ruiz Arrebola et son équipe spécialisée en chimie organique de l’université de Cordoue. À l’étonnement général, outre la base huileuse végétale, c’est du patchouli – dont l’usage dans la Rome antique était inconnu – qui aurait été utilisé. L’emploi de bitume comme scellant est également une découverte novatrice.

Découverte d’un temps plus reculé encore, celle de l’University College London, relayée par Discover Magazine, porte sur l’évolution de la taille du nez. Parmi les trente-trois régions du génome qui participent à la physionomie faciale, l’une d’elle, nommée ATF3, serait responsable de la longueur de notre appendice nasal. Elle aurait été héritée des Néandertaliens, par une sélection face au climat plus froid et sec de la période glaciaire, pour lequel un nez plus court aurait été plus adapté car il permettrait de mieux réguler l’air. 

Si ce changement physique n’était pas issu d’une tactique volontaire, celui du « camouflage olfactif » l’est définitivement. La technique, utilisée par certains animaux – pensons aux chiens qui se roulent dans les charognes – est aussi employée par l’homme pour attirer ou repousser ceux qui y sont sensibles. Des chercheurs australiens ont publié une étude dans la revue Nature pour faire part des résultats obtenus avec de l’huile de germe de blé répandue avant les semis de cette même plante. Les souris (Mus musculus), attirées par l’odeur, peuvent difficilement détecter les graines réellement présentes dans le sol et échouent ainsi à trouver leur nourriture. Une alternative aux produits chimiques nocifs pour l’environnement qui permettrait de « réduire la perte de semences de plus de 63% », rapporte l’article.

Autre idée de camouflage olfactif, qui permettra peut-être de se protéger contre les moustiques : utiliser un savon parfumé. Selon Futura science, l’odeur du gel douche que l’on utilise va, en se mêlant à celle de notre peau, créer un parfum particulièrement attractif ou au contraire légèrement répulsif au nez de ce fléau de nos soirées estivales. Mais ne croyez pas au miracle : si c’est le parfum de la noix de coco qui semble être l’un des plus repoussants, l’étude révèle surtout l’importance de la  variabilité interindividuelle. Une peau peut devenir attirante, neutre ou repoussante pour l’insecte selon qu’elle est lavée ou non avec certains savons, mais ce sera différent pour une autre personne.

Certains, à l’instar des publicités pour les déodorants bien connus, utilisent au contraire l’odeur comme un aimant à séduction – et c’est aussi le cas de la vanille. Une étude menée par Adam Karremans et ses collègues de l’université du Costa Rica a montré que la senteur de l’espèce Vanilla planifolia, pollinisée par l’abeille sauvage en Amérique latine – ailleurs, le procédé est effectué manuellement – participe activement à son attractivité. Les butineuses, attirées par la vanilline, en répandent ensuite les graines – trop lourdes et grasses pour se répandre d’elles-mêmes dans le vent. Certains animaux consommeraient pour la même raison les fruits sur lesquels elles seraient tombées, contribuant à leur dispersion, apprend-on en lisant un papier de Pour la science. Autre donnée établie par l’étude : ce n’est pas la digestion des grains qui permet leur scarification nécessaire à la germination, mais plus probablement des champignons présents dans le sol.

La vanille connaît cependant une crise à Madagascar, où « des centaines de tonnes de gousses invendues s’accumulent », titre Le Monde. Le chef de l’Etat, Andry Rajoelina, avait fixé depuis trois ans un prix minimum de 228 euros par kilo dans le but d’assurer un revenu décent aux producteurs. Il a récemment admis l’échec de cette mesure et cherche actuellement une solution pour éviter que les productions ne soient bradées, car l’épice constitue un apport financier essentiel pour le pays. Une situation critique pour laquelle le président appelle à un réveil des acheteurs, à l’heure où les maisons de composition sont accusées d’entente sur les prix et où un article de Médiapart dénonce l’exploitation des cueilleuses d’ylang ylang aux Comores.

Et c’est ainsi que les mouillettes ne servent pas qu’à déguster les œufs !

Visuel principal : © Morgane Fadanelli

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Avec le soutien de nos grands partenaires

IFRA