Bien-être, intelligence artificielle et écoresponsabilité : vers une nouvelle ère de la parfumerie

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Cet article a été écrit en partenariat avec Firmenich.

Les pertes d’odorat et les confinements nationaux ont porté un coup à l’industrie du parfum, mais ont également initié une remise en question devenue nécessaire. Pour répondre aux enjeux sociétaux émergents, la société Firmenich met en place les fondations d’un nouveau paradigme de la parfumerie. Ilaria Resta, présidente monde parfumerie, a évoqué ces questions le 30 juin 2022 lors d’une présentation au WPC à Miami.

La fermeture de nombreuses entreprises, le ralentissement des échanges et l’absence d’interactions sociales ont eu pour premier effet de diminuer les ventes du secteur dans le monde entier. Mais l’épidémie a aussi eu pour conséquence de faire reconnaître l’importance du sens olfactif comme l’une des conditions de notre bien-être. Dans ces périodes complexes, où l’organisation mondiale est bouleversée, ce critère est devenu essentiel pour le choix d’une fragrance : « Désormais, la principale raison pour laquelle les personnes se parfument au quotidien est liée au soin de soi et au confort. Auparavant, les motivations tenaient plutôt à la mise en avant, au plaisir hédonique ou à la sensualité », explique Ilaria Resta, présidente monde parfumerie chez Firmenich. Ayant rejoint la société de composition deux semaines avant la fermeture des frontières, après vingt ans d’expérience chez Procter & Gamble, elle a impulsé une évolution rapide au secteur, en faisant face à cette situation critique pour repenser le modèle de la création. Dans un monde où les consommateurs de parfum sont de plus en plus curieux, en recherche de transparence, refuse les stéréotypes de genre et développe une approche plus globale du bien-être, la vieille image de la parfumerie n’avait plus sa place. 

La multiplication des études scientifiques sur l’odorat, notamment à la suite de la découverte des troubles olfactifs causés par le Covid-19, mais également à l’initiative des marques et maisons de composition, a permis de renforcer les connaissances sur l’impact neurologique des odeurs : « Le parfum a le pouvoir de modifier notre humeur et de provoquer des émotions grâce à son impact sur notre cerveau. Et, dans la mesure où ce dernier contrôle le corps, certains parfums peuvent améliorer notre sentiment de bien-être en déclenchant un relâchement physique, permettant de se sentir moins tendu, de gagner en concentration et même de remonter le moral », souligne Ilaria. Une nouvelle approche de la création s’est ainsi développée : on ne se parfume plus simplement pour sentir bon, mais pour se sentir bien. C’est le crédo de la « functional fragrance », branche de la parfumerie où ce n’est plus seulement l’aspect esthétique de ce que l’on porte qui est pris en compte, mais aussi l’impact émotionnel. Dans un monde où le bien-être est devenu une préoccupation majeure et où les dépenses en la matière sont en constante augmentation, Firmenich avait sa carte à jouer : « Nos études ont montré que deux tiers des consommateurs recherchent des créations qui leur apportent une sensation de fraîcheur et les apaisent ». Une manière de renouer avec les racines historiques de la parfumerie : rappelons-nous que, dans l’Antiquité égyptienne notamment, celle-ci était au cœur des rituels religieux et des soins médicaux. La tendance s’élargit désormais à tous les produits parfumés, des cosmétiques aux adoucissants textiles, ouvrant de nouvelles perspectives pour la création. « Dans les produits de soin, c’est la sensorialité qui est de plus en plus travaillée ; et ce, pas seulement parce que l’on passe d’une approche clinique à une notion plus holistique du bien-être de la peau, mais aussi parce que les liens entre les récepteurs olfactifs de la peau, notre système nerveux et la santé de l’épiderme sont mieux compris. Nous pouvons observer que la santé préventive commence à porter de l’intérêt aux parfums ou encore que les hôpitaux de réadaptation leur donnent une place dans leurs protocoles » poursuit Ilaria.

Cette attention accrue à l’olfaction et à son importance dans notre quotidien influence également une autre tendance : le renouveau de l’expérience digitale, d’où l’odeur était jusqu’alors exclue. Mais avec la montée en puissance de ce que l’on nomme le « phygital », l’écran doit désormais devenir le vecteur d’une immersion dans une forme de réalité qui implique tous les sens. D’autant plus que se développe le métaverse, qui devrait concerner d’ici 2026 30 % des organisations dans le monde selon l’entreprise américaine Gartner. L’odorat offrant un ancrage puissant au réel, il confère un potentiel décisif à l’ère médiatique et aux expositions auparavant déterminées par le primat de la vue. Dans différents musées, le nez est désormais mobilisé. Le Museum of Craft and Design de San Francisco clôturait ainsi en juin « Living with Scents », une exposition centrée sur les odeurs où étaient représentés les travaux de plus de quarante artistes et designers. La société Firmenich a quant à elle collaboré avec l’artiste et designer Refik Anadol, qui a présenté en mai une installation digitale immersive à la Casa Batlló à Barcelone, en hommage à Gaudí. 

Et si le virtuel offre à présent une place à l’olfactif, le métier de parfumeur s’imprègne en retour du digital, puisque l’intelligence artificielle fait désormais partie intégrante des développements. « Les parfums sont des compositions chimiques complexes. Chaque matière – et il y en a des centaines dans une seule création – a différentes propriétés physiques et chimiques. L’intelligence artificielle est employée pour augmenter certaines performances d’une fragrance ou pour imaginer des parfums qui pourront offrir un bénéfice émotionnel. C’est d’ores et déjà l’un des composants clefs de notre innovation », synthétise Ilaria. Sous ce terme d’intelligence artificielle sont ainsi regroupés différents outils permettant de prendre en compte les paramètres de plus en plus importants pour la création. On pense, notamment, aux réglementations – en perpétuelle évolution – autour des matières premières et de leur dosage. Mais Firmenich a aussi mis au point son EcoScent Compass qui regroupe les critères complexes permettant de mesurer l’impact environnemental des produits

Car la demande des consommateurs en matière de transparence de sourcing et de produits plus respectueux de l’environnement fait partie de ces nouvelles impulsions qui remodèlent l’industrie. La parfumerie produirait en effet 92 millions de tonnes de déchets par an, et l’urgence climatique s’est imposée comme une nécessité. Pour répondre à son programme ambitieux d’objectifs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) à atteindre d’ici 2030, Firmenich a décidé de repenser la palette du parfumeur, en misant sur les extractions CO2, plus respectueuses de l’environnement que les autres techniques d’extraction, mais aussi sur les ingrédients upcyclés et les biotechnologies : « Un gros travail nous attend pour offrir aux parfumeurs plus de possibilités de création respectant des standards d’écoresponsabilité élevés. La palette d’ingrédients est fondamentale pour cela, et je suis persuadée que la science sera notre force motrice. Nous sommes à l’orée d’une autre grande transformation, de la même ampleur que lorsque les matières synthétiques ont été introduites [à la fin du XIXe siècle]. La biotechnologie est la prochaine grande étape. Elle nous permet de créer des ingrédients à partir de ressources renouvelables, qui ont aussi des bénéfices fonctionnels ». Cas exemplaire, le Dreamwood développé par la société, aux facettes de santal, est 100% renouvelable, avec un faible impact carbone, mais également antibactérien et il présente des propriétés intéressantes pour la peau. Une manière de remettre en question les affirmations un peu trop simplificatrices sur le naturel, selon Ilaria : « Les consommateurs commencent à prendre conscience de l’aspect parfois trompeur des revendications sur la naturalité, et comprennent que celle-ci n’est pas toujours plus durable, imposant une approche plus objective éclairée par la science ». 

Un challenge central pour la présidente monde parfumerie de la société suisse, qui guide sa vision d’une « parfumerie positive », à la fois pour la créativité, la planète et le consommateur. Et qui explique certainement la croissance actuelle de 30% des ventes en parfumerie fine, supérieure à celle d’avant la pandémie. Rebattre les cartes pour faire émerger une nouvelle ère de la parfumerie : voilà qui laisse présager un faisceau de possibilités, au potentiel prometteur pour les années à venir.

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