Simppar 2025 : Paris version XXL

Le Simppar (Salon international des matières premières de la parfumerie) organisé par la Société française des parfumeurs s’est tenu les 4 et 5 juin à Paris. Fréquentation accrue, organisation fluide, la relève est assurée avec Alexandra Duclos qui succède à son père à la direction de l’événement.
Malgré sa présence désormais annuelle, le salon trentenaire ne montre aucun signe d’essoufflement : « Nous avons enregistré un peu plus de 4000 entrées sur les deux jours, dont près de 350 parfumeurs de tous pays, sans compter tous ceux qui n’ont pas indiqué leur fonction sur leur badge » précise Thierry Duclos. Avec 128 exposants de 24 pays et des visiteurs en grande majorité étrangers, la vocation de plus en plus internationale de cet événement est confirmée : on y entend toutes les langues !
La foule se pressant à l’entrée, je commence par un petit tour d’ensemble pour évaluer les nouveautés : une aile supplémentaire, des stands qui montent en gamme. Comme tout le monde, je commence par les grands fournisseurs pour m’aventurer vers les plus confidentiels le second jour. Il faut donc jouer des coudes pour accéder aux touches ; un créateur de marque de niche, un brin débordé s’étonne : « Je n’imaginais pas une telle effervescence » !

Des stands « ambiance »

Chez Mane, décor balnéraire sous le thème « Sun Club ». Le traditionnel pantonier des matières met en avant la Sublimolide, une alternative vegan à l’Ambrettolide ; l’Antillone, captif obtenu par biotechnologie, inspiré de l’ananas du Costa Rica, avec des accents de poire verte. Un délicieux Rhum blanc Pure Jungle Essence habillerait parfaitement l’Antillone, et ça tombe bien car c’est ce que nous propose Mathilde Le Marechal en version mocktail ! Le champaca rouge en E Pure Jungle Essence (E comme Enfleurage sur huile de jojoba, suivi d’une extraction CO2) nous embarque en Inde. Le Darkoa, un co-extrait de patchouli Gayo et de poudre de cacao constitue une vraie nouveauté, tout comme le Spicyrup, spécialité gourmande autour de la Présentone H, entre le carrot cake et la betterave caramélisée, étonnante !

Mathilde Le Maréchal, Mane

Ambiance de jardin d’hiver chez Payan Bertrand pour sentir trois ingrédients Process e, (recette secrète Payan Bertrand qui intègre le fractionnement de l’ingrédient) : un divin baume du Pérou (en vrai du Salvador), une angélique très poivrée et une ambrette aux accents de noix sèche. Cap sur l’Asie du Sud-Est avec le santal album indonésien, fumé-crémeux, et surtout le remarquable cuir de Sumatra, équilibre subtil entre patchouli et osmanthus, effet seconde peau à croquer. Clin d’œil à Frédéric Badie dont l’absence est remarquée. Bon rétablissement !

Jean Baptiste Boisseau et Sylvie Gallo, Payan Bertrand 

Fraîcheur citrus

Une belle découverte avec les deux frères Cabestrero de Prodaress, une histoire de famille qui démarre en Argentine pour s’étendre à toute l’Amérique du Sud. Orange, pamplemousse, mandarine de toutes les couleurs, un vrai bain de fraîcheur bienvenue. Je repars avec un joli calendrier des récoltes !

Les frères Cabestrero, Prodaress

Chez Capua, on ne présente plus les agrumes, déjà célèbres ; je viens pour la noisette dont tout le monde parle et pour leur procédé Natinfuse (une infusion sur éthanol sous pression) : ainsi, le café robusta évoque la mouture fraîche, le jasmin se fait abricot, l’iris pallida propose une iris abordable aux accents plus boisés vétiver-noisette. Et justement cette fameuse noisette Natinfuse sur Triéthylcitrate, (solvant) ? un vrai gâteau beurré aux fruits secs, sans la note pyrazine qui souvent m’écœure… Réputation méritée !

Luca Bocca Ozino et Laurent Bert, Capua

Un autre ingrédient se susurre dans les allées « as-tu senti aussi le champignon de Biolandes ? » La société propose un extrait de champignon blanc de Paris, oui, le plus vendu au monde ! Un vrai velouté qui pousse les notes crémeuses, « idéal pour une fleur d’oranger ou un santal », confie Cédric Alfenore. À propos de santal, voici une version upcyclé des drèches d’une origine Nouvelle Calédonie : le santal By Absolute, qui est vraiment proche d’un santal classique ; enfin le surprenant absolu mélilot à l’effet mousse de chêne, herbacé et balsamique.

Cédric Alfenore, Biolandes

Du jeu et des mallettes

Ici, ça sent, ça glousse, que se passe-t-il ? Alexandre Illan anime avec brio un quiz à l’aveugle des produits Symrise, le bollet jaune de l’an passé, le Corps Racine (petit air de l’Eau de gentiane blanche d’Hermès), l’objectif étant de tester son nez après avoir découvert le radical Ambrostar, petit cousin de l’AmberXtreme. Une pause s’impose…

Alexandre Illan (à gauche) et ses groupies, Symrise

Je vais jouer cette fois avec Antoine Destoumieux qui a repris la direction opérationnelle de la société depuis février, et renforce le partenariat d’Astier Demarest avec Robertet. Petit jeu sur les réseaux pour gagner une mallette d’ingrédients (en partenariat avec Nez bien sûr). Perdu ! dommage, elle me faisait bien envie…

Antoine Destoumieux, Astier Demarest

Une autre mallette me fait de l’œil, celle de PCW : ce kit idéal de parfumeur indépendant, déjà annoncé à Grasse, est fièrement présenté par Patrice Blaizot. J’en profite pour sentir quelques isolats naturels qui répondent à la norme ISO 9235 ; je prends un petit cours sur la tubéreuse, dont il existe quatre types selon son nombre de pétales : simple (ou traditionnelle, avec une rangée de corolle), semi-double, double (ou hybride) et panaché. Et je termine par les deux spécialités qui ont caracolé en tête des demandes de leur e-shop : pistache et champagne ! Combo parfait pour influenceurs !

Patrice Blaizot, PCW

De la pédagogie 

On poursuit dans le sud avec la SCA3P, et le plaisir de sentir l’ingrédient sur lequel j’ai eu la joie d’écrire souvent : la sauge ! Connaissez-vous la différence entre la qualité « vert broyé » (la sauge est directement hachée par l’ensileuse), et la méthode « préfanée » (la récolte est mise en andain et déshydratée durant 2-3 jours avant la distillation), deux qualités olfactives bien distinctes.

Chez Floral Concept, passage obligatoire pour sentir le « linalol cœur de bois de rose », encore plus précieux (et coûteux) que leur bois de rose actuel, déjà célèbre. L’occasion de rappeler que le bois de rose, le vrai, vient du bois. Et non des feuilles. Ah ? Qui ferait cela ?

Intriguée, je file chez Khush Ingredients où effectivement on peut sentir ce fameux bois de rose issu des branches et feuilles, « pour éviter de couper les arbres », je laisse le public faire son avis. On trouve chez eux de tout : Rose Bulgarie UEBT, des extraits CO2 de vanille et de cardamome ; un absolu de fleur de lotus, coûteux mais original avec son effet poudré mimosa ; une lavande du Cachemire que je trouve très belle, et du baume de Copaiba, vanillé et crémeux à souhait.

L’équipe de Khush Ingredients

Dans la même allée, un nouvel exposant : ABD Majid Oud. Le RDV est pris pour suivre une leçon d’oud. Dire qu’il n’y avait jusque-là pas de stand consacré à cet ingrédient pourtant omniprésent… François Ducreuzet d’Essentiel Oud et Magali Quenet, organisatrice de voyages olfactifs, sont également à table, l’évaluation des différentes origines peut commencer : Inde, Bengladesh, Thailand, Laos, Vietnam, Cambodge, Malaisie, Indonésie… Khalid Iqbal, le directeur commercial pointe les différences de chacun. Je note tout !

L’équipe d’ABD Majid Oud

Synthèse et technologie

Chez Givaudan, le Scent Piano attire les curieux. Le robot à touches délivre les ingrédients mythiques : le Boisiris, boisé et poudré, la Paradisamide (pamplemousse, cassis, rhubarbe), le Rosyrene Super, une rose métallique, L’Ultrazur qui sent l’homme musclé après un bain de mer, la méthyl laitone, coco crémeuse, ainsi qu’une sélection de naturels. Ambrofix et Nymphéal s’illustrent dans des démonstrations olfactives. Totebag N°7 en bandoulière, je poursuis.

Le Scentpiano de Givaudan

ACS International présente deux nouveautés : le Onestolide, un « musc de peau » issu de la biotechnologie et dérivéé de l’ambrettolide HC, et la Florajasmone HC, une tétrahydrojasmone plus herbale et florale. Serge Oldenbourg se lance dans une brillante explication des isomères « trans » et « cis »… L’inclusivité moléculaire a de beaux jours devant elle !

Serge Oldenbourg, ACS International

Chez Synarome, après le pomelo, la clémentine rejoint la collection des agrumes récoltés par un partenaire producteur de Corse. Retour à la synthèse avec un geranyl acétate issu de monarde, aux effets poire et aldéhydés. Mais qu’est-ce que la monarde ? Une plante originaire du Canada, celle-ci vient de Normandie et contient 90% de géraniol. Heureusement, ils ont apporté un plant pour montrer à quoi cela ressemble ! Le tétrahydro ionol, aux notes irisées, violette, cuirée ; la thuyone issue de la récupération des tailles de haies de thuya français. On termine par le Cuir de Russie avec une démo qui montre que ce grand classique peut tout moderniser, « même une note coca » assure Isabelle Fritsch !

Ange Dole et Isabelle Fritsch, Synarome, 
et Daniel Boubat, Fragrance Project International

Filières et sourcing :  Madagascar & Chine

Robertet fête ses 175 ans, et illustre ses ambitions à Madagascar : au menu, une artémise CleanRscent, résidu upcyclé de la pharmacopée qui évoque le tabac miellé, coumariné, sans problème de législation ; un combava zest assez épicé ; du gingembre frais fractionné bio. Retour en France avec une algue aux effluves salés de mousse, vraie bouffée de Bretagne ; un extrait CO2 eau de vie (puisqu’on n’a pas le droit de l’appeler Cognac…) façon ambrette, et on termine avec une première chez Robertet, un captif étonnant : le thé noir fumé CleanRscent qui sent vraiment le cigare ! 

Lautier explore aussi l’île rouge : gingembre frais, une cannelle naturellement basse en safrol, du palmarosa, et surtout la bay Saint Thomas, ingrédient ressuscité à Madagascar après deux cyclones sur l’île de la Dominique. La gamme Artisan nous emmène d’Indonésie (noix de muscade) à Haïti (vétiverol), en passant par le Laos (benjoin), le Sri Lanka (feuille de cannelle), et la Somalie (myrrhe), les ingrédients cultivés sur place sont ensuite fractionnés à Saint-Cézaire.

Solène Homo, Lautier 1795

Coup de projecteur sur la filière chinoise avec LMR, pour une vraie plongée dans la médecine traditionnelle. On y découvre ainsi l’absolue osmanthus (un « Cahier des naturels Nez + LMR » consacré à la fleur est d’ailleurs attendu à l’automne…), l’essence de fleur de magnolia, car n’oublions pas que c’est Monique Rémy qui s’est aventurée la première sur le magnolia dans les années 1990 ; un géranium plus menthé que d’ordinaire ; le poivre Sichuan, idéal pour pousser les notes fruitées ou les accords masculins. En provenance d’autres pays : la feuille de curcuma Inde, le pamplemousse cœur, le néroli frais Egypte For Life. Je dois relever le travail très original de Gwendoline Le Roy (IFF), la parfumeuse qui les a intégrés dans des compositions en démonstration.

Toujours côté IFF, deux molécules : Tropicalia, aux notes banane, melon, fruits exotiques, à sentir avec l’accent brésilien du jeune parfumeur qui le présente, et l’Oceanol, à l’effet mousse salée.

Léa Peyrolle et Gwendoline Le Roy, IFF LMR 

Des cocktails et récoltes

Il est 17h, et DSM-Firmenich attire déjà la foule au champagne. Je me concentre et passe rapidement sur la présentation de l’exposition « House of Muscs », l’oliban SFE, le Firsantol, le Clearwood Prisma que je connais déjà, pour me concentrer sur les nouveautés : le Firgood Café arabica du Pérou, un café gourmand torréfié mais non brûlé, une base Cyclamen qui vient remplacer l’aldéhyde cyclamen. Dernière bouffée de Rhum Jamaïque SFE, un peu plus boisé que celui de chez Mane juste en face, et je file chez Bontoux !

Trois nouveautés chez ces derniers : un encens résinoïde DM liquide, car cette année les clients réclament des matières « pratiques à peser en laboratoire par les robots », une sauge sclarée Pure Cœur sur TEC naturel qui enlève les effets soufrés de la plante, et une essence de ciste cuirée et aromatique. On repart avec un délicieux cocktail à base de kombucha agrémenté de lavande, bergamote et genièvre, signé Marlène Staiger, et un point récolte avec Marine Magnier, notamment la crise qui touche la fève Tonka, récurrente lorsque les arbres donnent moins, tous les trois ans.

L’équipe Bontoux

Une source fiable me chuchote que les variations du prix du patchouli sont toujours difficiles à anticiper, ce que Van Aroma me confirme : les maisons de compositions ont du mal à s’engager dans la durée… un an maxi, puis tout est remis en cause ! Avis aux concernés… Je découvre le « healing wood » (tiens tiens, ce nom me dit quelque chose…), composé de cristaux de patchoulol à 99,5%. 

19h : tout le monde se rassemble autour de la scène installée pour les (nombreux) discours qui vont suivre : SFP, maire de Grasse, remise du Prix du parfumeur décerné à Clémentine Beun, pour une « lavande argentée » qui rend hommage aux paysages de Provence. Francis Kurkdjian prend ensuite la parole malgré le brouhaha qui s’installe, pour présenter le Prix de l’International Society of Perfumer-Creators (ISPC) remis à Patricia de Nicolaï, Thierry Audibert, Alberto Morillas et Robert Sinigaglia.

20h30 : les invités se jettent sur le cocktail comme des fauves assoiffés !

Alberto Morillas, Patricia de Nicolaï, Thierry Audibert, Francis Kurkdjian

De l’exotisme

Jour 2, je quitte les grands groupes européens pour m’aventurer en Australie, transition en douceur. Sur le stand de Dutjahn, un nom familier :  Maxence Piquart représente la société australienne pendant que le papa, Stéphane – surnommé l’ « Indiana Jones du sourcing » –, vadrouille. Avec la disparition de Santanol et Quintis, Dutjahn devient une référence en santal australien (Spicatum et Album), travaillé avec les communautés aborigènes. Coup de cœur pour Desert Dry : bois mort de Spicatum aux notes cuirées et épicées.

Maxence Piquart, Dujahn

Ultra International fait le pont entre l’Inde et l’Australie : cette société familiale fondée à Delhi en 1929 (d’où la déco années folles de leur stand) s’est diversifiée en ingrédients de toutes origines, notamment par des acquisitions de sociétés comme Golden Grove. A retenir : le bois de Bouddha, souvent utilisé pour réaliser des statues, entre le santal et le gaïac ; un champaca rouge ; joli absolu foin aux notes osmanthus-tabac, et enfin l’extrait CO2 de bois de chêne, effet baril de whisky.

Cette aile plus calme du salon permet de découvrir de nouveaux arrivants. Par exemple, la société Seidoko : difficile de manquer leur mascotte agrume vivante (voir photo). On est bien au Japon ! On y respire yuzu, sudachi, et hinoki, de grands classiques locaux.

L’équipe Seidoko

Verger surprend aussi avec un extrait de fruit du jacquier (banane fermentée vanille, café), et un absolu de son de riz confortable, aux accents poudrés, céréale. Deux ingrédients pour « tester le marché ».

Retour en Inde, avec Synthite (joli jasmin grandiflorum très frais, tubéreuse) et Plant Lipids, avec de beaux extraits CO2 aux prix compétitifs : un café arabica très authentique, et une cardamome upcyclée.

De l’éthique

Jacarandas valorise les plantes malgaches tout en reversant 5% de leur chiffre d’affaires aux agriculteurs : la psiadia, une note entre basilic et baies roses ; un poivre vert inédit, étonnamment frais et fumé à la fois, des ingrédients destinés à l’aromathérapie : l’hélichryse bractée, l’hélichryse gymno et bien sûr l’ylang ylang, le niaouli…

Nelixia présente entre autres le styrax résinoïde, soluble dans l’alcool – les robots vont aimer peser ça aussi ! – et sa fabuleuse tubéreuse du Guatemala qui semble envoûter le client.

Elisa Arago, Nelixia, et Laurent Mercier, Eurofragance

17 h : l’édition 2025 ferme ses portes. Je repars les narines pleines de merveilles : ambrette, champaca, café, citrus, noisette, champignons, rhum, eau de vie, tabac… J’ai pu voyager de l’Asie à l’Inde en passant par Madagascar. Et dans ce brouhaha multilingue, j’entends encore de l’animation chez Synarome. Attention traquenard : trois cocktails conçus par Le Gainsbarre (café et piano-bar installé rue de Verneuil) mêlent clémentine, monarde et thuyone. 

Parfums sans alcool, le futur ?  Pas encore au salon des ingrédients ! 

Rendez-vous les 26 et 27 mai 2026 pour une prochaine édition, grassoise cette fois !

Merci à Anne-Laure Hennequin (Master Parfums) d’avoir senti au pas de course avec moi !

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