Nez, la revue… de presse – #16 – Où l’on apprend ce que sent Thomas Pesquet à bord de l’ISS, comment les parfumeurs travaillent à l’époque du Covid, et ce que sentiront (peut-être) les parfums de demain

Au menu de cette revue de presse, un cocktail rhum-framboise mâtiné d’effluves grillés, « un goût de poisson pourri terriblement astringent » et une souricette en peluche à l’odeur « magique ».

Confiné volontaire pour 6 mois à bord de la Station spatiale internationale, Thomas Pesquet y réalisera-t-il des expériences scientifiques sur les odeurs ? Après son premier voyage dans l’espace en 2017, l’astronaute français avait raconté son odorat « un peu inhibé » lorsqu’il était en orbite, et l’« overdose de sensations » qu’avait été le retour sur Terre au Kazakhstan : « l’odeur de la steppe, l’odeur de l’herbe un peu mouillée (…) je sentais même le savon ou le déodorant des gens qui étaient venus nous chercher. » Pourtant, l’espace aurait bel et bien une odeur, dont les descriptions varient, rappelle Vice, entre effluves grillés et cocktail rhum-framboise, dû à la présence de formiate d’éthyle.

Des effluves que certains malades du Covid, victimes d’anosmie, auraient dû mal à sentir, et on sait désormais pourquoi. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm, d’Université de Paris et de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, ont élucidé les mécanismes impliqués dans la perte d’odorat chez les patients infectés par le SARS-CoV-2. Ils ont découvert que ce dernier infecte les neurones sensoriels et provoque une inflammation persistante de l’épithélium et du système nerveux olfactif. Chez les patients victimes de Covid longs, l’anosmie est associée à la présence durable du virus dans l’épithélium olfactif. 

Les témoignages continuent à affluer de ceux pour qui, pendant de longs mois parfois, les bananes prennent ainsi « un goût de poisson pourri terriblement astringent » ou le pain une saveur « de métal et de sang ». Le Monde insiste sur les conséquences sociales et psychiques de ces troubles : « Les proches ne semblent pas réaliser l’impact psychologique. Et on n’ose pas se plaindre par rapport à ceux qui ont des symptômes graves », confie Marion, qui souffre d’anosmie et d’agueusie depuis un an, et se sent isolée du monde, « comme sous une cloche ».

Heureusement, les initiatives se multiplient pour aider ces patients à retrouver l’odorat. La comédienne et metteuse en scène Violaine de Carné, qui organise depuis une quinzaine d’années des spectacles olfactifs, propose également depuis peu des ateliers de réveil olfactif avec Roland Salesse, ancien directeur de l’unité de neurologie de l’olfaction à l’Inrae. Leur but : aider les anosmiques à retrouver leur sens perdu en empruntant « un chemin qui passe par les émotions plutôt que par la connaissance ».

Pour les parfumeurs, la crainte d’attraper le Covid et d’être frappé d’anosmie est évidemment décuplée, soulignent Les Echos. « En cas de perte d’odorat, je pourrais continuer à écrire des formules, comme un musicien le fait avec une partition, mais cela ne serait pas viable à long terme », confie ainsi Karine Dubreuil-Sereni. Pour ne pas risquer de perdre leur outil de travail, parfumeurs et évaluateurs ont dû s’adapter et organisent des réunions à distance avec leurs clients en faisant sentir leurs essais par écran interposé.

Quel impact l’épidémie aura-t-elle sur l’industrie du parfum, sur le versant olfactif cette fois ?  Les Echos relèvent une vogue des odeurs familières et réconfortantes, liées à la vie domestique à la maison, « cœur de la vie quotidienne » et « véritable ancrage émotionnel » : tasse de café, carré de chocolat ou, plus novateur, légumes du potager. Le quotidien économique souligne également que les créations sont travaillées d’une façon plus réaliste, plus épurée, afin d’être immédiatement identifiables par un consommateur qui serait en quête d’authenticité… 

… et en recherche de parfums unisexes et universels, pour tous et à partager ? Les slogans féministes qui émaillent de nombreuses campagnes de pub pour des parfums depuis l’émergence du mouvement #MeToo n’ont pas échappé à Giulia Foïs. La chroniqueuse de France Inter y voit surtout du féminisme-washing, voire du sexisme. Et rappelle que les parfums ont presque toujours été mixtes à travers l’histoire. 

Une autre tendance prend de l’ampleur depuis quelques mois : celle de la parfumerie naturelle, à laquelle le site de Nez vient d’ailleurs de consacrer un grand dossier. La naturalité est devenue l’alpha et l’oméga pour de nombreux consommateurs, mais le site Business of fashion rappelle que tout n’est pas tout noir ou tout blanc, et que « créer un parfum plus sûr ou plus écologique est beaucoup plus compliqué que de simplement revenir à la nature », entre confusion parfois savamment entretenue par certaines marques, progrès de la chimie verte et impact écologique des matières premières naturelles. « Si les marques se souciaient vraiment de la durabilité, elles ne lanceraient pas tous ces nouveaux produits », note un chimiste interrogé dans l’article.

Quoi qu’on pense des parfums naturels, il est toujours bon de rappeler que la chimie est intrinsèquement liée à l’histoire de la parfumerie depuis le XIXe siècle, et que ce sont les molécules de synthèse qui ont permis la naissance des parfums modernes et la démocratisation de produits jusque là réservés à une élite. France Info consacre au sujet un numéro de Entendez-vous l’éco qui donne la parole au parfumeur Jean-Claude Ellena et à l’historienne Eugénie Briot, responsable des programmes de l’École de parfumerie Givaudan et membre du collectif Nez. 

Et on termine cette revue de presse avec le podcast « Nez à Nez », pensé par Géraldine de Friberg comme une « invitation par les oreilles à ressentir l’intime et l’universel des odeurs, au détour d’une émotion, d’un souvenir, d’un lieu ou d’une rencontre ». Depuis deux ans, elle interroge un invité sur les odeurs qui l’émeuvent, l’inspirent ou le rebutent. L’occasion d’entendre Claude, 80 ans, parler des piments qui la ramènent « au Pays basque de (s)on enfance, aux odeurs de friture, de jambon à la poêle, et aux petits pois frais qu’on ramassait dans le jardin », ou Capucine, 6 ans, évoquer l’odeur « magique » de sa souricette en peluche, qu’elle place devant son nez pour s’endormir.

Et c’est ainsi que les mouillettes ne servent pas qu’à déguster les œufs !

Visuel principal : © Morgane Fadanelli

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