Bernard Maccini - Payan Bertrand

Le métier de préparateur – Bernard Maccini (Payan Bertrand)

Depuis une vingtaine d’années, aux côtés des préparateurs, les robots interviennent de plus en plus dans la pesée des formules. Comment fonctionnent-ils ? Quelles sont les avancées permises par cette robotisation ? Et quelles sont ses limites ? La machine pourra-t-elle un jour supplanter l’homme ? Ou bien la notion d’intelligence de la main reste-t-elle essentielle ? Les réponses de Bernard Maccini, parfumeur senior et responsable du site de production parfums chez Payan Bertrand, à Grasse.

Comment la robotisation a-t-elle fait évoluer le métier de préparateur ?

Avec l’arrivée des premiers robots, à la fin des années 1990, nous sommes passés d’une activité très physique (charges lourdes à porter, agitation des concentrés, déplacements multiples) à un métier davantage assisté par la technique, mais de plus en plus minutieux. La robotisation a permis de réduire la pénibilité pour les préparateurs – y compris le stress de commettre des erreurs de pesée – et a modifié leurs missions. Machines intelligentes, les robots s’arrêtent si un dépassement se produit, mettent de côté le contenant qui pose problème, et continuent leur séquence de travail nuit et jour, week-end compris. Le métier de préparateur évolue vers celui d’un spécialiste de la maintenance de ces outils, chargé des approvisionnements en matières premières et du bon déroulé des pesées.

Quels sont les différents types de robots employés ? 

Il y a aujourd’hui deux grandes familles de robots qui cohabitent. Les premiers pèsent une matière après l’autre, alors que les plus récents, nés au début des années 2010, mesurent le volume de tous les ingrédients en même temps. Chez Payan Bertrand, nous avons ainsi commencé avec un robot qui pèse une sélection de 600 matières premières dans une tranche allant de 0,2 g à 800 g. Nous l’avons par la suite associé à un nouveau robot, basé sur un système de mesure volumétrique qui dose de grosses quantités d’ingrédients différents simultanément, grâce à un ensemble de seringues calibrées en fonction de la densité de chaque matière. Cela permet d’augmenter la productivité en réduisant le temps de pesée global d’une formule : celle-ci dure désormais environ dix minutes, contre une petite heure avec les robots de première génération et deux heures pour une pesée manuelle.

Peut-on imaginer que les robots remplaceront un jour les hommes ? 

On peut envisager beaucoup de choses avec l’intelligence artificielle, mais la fabrication d’une composition parfumée nécessitera toujours une intervention humaine. À l’heure actuelle, la pesée d’une formule est en moyenne robotisée à 80 % et manuelle à 20 %. Les ingrédients utilisés en très petites quantités, comme les pyrazines ou les matières soufrées, sont ajoutés à la main, ainsi que les matières naturelles onéreuses telles que l’essence de rose, l’absolue de jasmin ou encore les substances visqueuses comme les résinoïdes : si elles restaient trop longtemps dans le système de tuyauterie relié au robot, elles risqueraient de s’abîmer. Par ailleurs, le métier de préparateur exige un savoir-faire particulier. Mélanger les ingrédients dans le mauvais ordre ou chauffer de façon inadaptée certaines matières sensibles peut entraîner des transformations chimiques et conduire à la non-conformité olfactive, colorimétrique ou analytique d’une pesée.

Les formules sont d’ailleurs attribuées en fonction de l’expérience de chacun – quand on sait que 10 kg de certains concentrés peuvent valoir 5 000 euros, il est plus prudent de les confier à un préparateur confirmé, ayant au moins cinq ans de métier. Cette expertise s’acquiert au contact des anciens : un chef d’atelier, qui a déjà tenu ce poste, encadre l’équipe. Le métier de préparateur revêt une importance particulière dans le processus qui mène à la naissance d’un parfum, et beaucoup de parfumeurs débutaient à ce poste autrefois. La réunion de ce savoir-faire et des techniques modernes de fabrication constitue un atout essentiel pour la qualité des compositions qui seront livrées à nos clients.

Cet entretien est tiré de :
Le Grand Livre du parfum – Pour une culture olfactive, 2e édition augmentée, 240 pages, Collectif, Nez éditions, 2020, 30€

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