Studio Flair : « Avec ce prix, nous souhaitons valoriser le parfum comme objet créatif »

Fondé il y a dix ans, le studio de création de parfums Flair lance un concours pour soutenir l’art olfactif. Visant « à promouvoir et à valoriser la richesse et la pluralité des expériences que permet le maniement des senteurs », le premier prix Flair sera remis le 15 juin prochain. Les parfumeuses Anne-Sophie Behaghel et Amélie Bourgeois, et la critique d’art et commissaire d’exposition Sandra Barré ont répondu aux questions de Nez.

Pourquoi créer ce prix ? 

Amélie Bourgeois : Nous fêtons cette année les dix ans de Flair, et Sandra nous a rejointes en janvier avec cette idée de prix. L’olfaction est présente dans l’art depuis le début du XXe siècle, mais l’utilisation des odeurs par les artistes se fait de plus en plus prégnante ces dernières années. Il nous semblait important d’asseoir ce tournant sensoriel artistique en proposant quelque chose de nouveau avec ce prix.

Sandra Barré : Nous souhaitons ainsi valoriser le parfum comme objet créatif. Venant du monde de l’art, j’observe en les côtoyant au quotidien qu’Anne-Sophie et Amélie ont dans leur pratique une liberté de création et qu’elles fonctionnent de la même manière que des artistes qui travaillent d’autres médiums. 

Comment le lauréat sera-t-il choisi ?

Sandra Barré : Le processus est celui d’un prix d’art contemporain. L’appel à candidature est ouvert jusqu’au 20 mai : les artistes peuvent envoyer leur dossier avec leur CV et leur parcours à l’équipe Flair et le jury annoncera le lauréat le 15 juin. On y retrouve notamment Bianca Biondi, une artiste qui travaille de plus en plus avec les odeurs et a notamment collaboré avec la Fondation Louis Vuitton ; Antoine Lie, un parfumeur indépendant qui œuvre pour rapprocher les odeurs de l’art ; Anaël Pigeat, critique d’art et longtemps rédactrice en chef de la revue Artpress ; Nicolas Bourriaud, théoricien de l’esthétique relationnelle et commissaire d’exposition ; ou encore Jean-Baptiste Del Amo, un romancier qui prône une écriture sensorielle.

Anne-Sophie Behaghel : Nous avons trouvé plus intéressant d’ouvrir le champ à toutes les thématiques possibles : le sujet est donc libre, il faut seulement que le propos olfactif soit justifié. Et le concours est ouvert aux personnes familières de la pratique de l’odeur comme aux novices. Le lauréat obtiendra une dotation de 10 000 euros pour la création d’une installation olfactive, dont l’odeur sera créée par Flair, et qui sera exposée dans un lieu culturel à la fin de l’année. 

Pourquoi est-ce si difficile de faire reconnaître le parfum comme un art ? 

Amélie Bourgeois : Si on se place dans une perspective historique, le parfum a d’abord eu un aspect religieux, puisqu’en Égypte on l’utilisait pour les embaumements, ou une vocation médicale : les colognes étaient utilisées en friction pour soigner les maux d’amour ou les maux de ventre. Puis c’est devenu un produit commercial à la cour parfumée de Louis XV, tandis que l’art relevait plutôt du flaconnage, et aujourd’hui c’est toujours le cas. 

Sandra Barré : Si pour la société de l’époque moderne le parfum avait été un médium artistique, l’histoire de l’art aurait été bien différente. Mais au XVIIIe siècle, on pensait que l’art avait vocation à élever l’âme, alors que le parfum était relié au corps. Aujourd’hui, on se rend compte que cette distinction est arbitraire, et que les odeurs permettent une prise de conscience des émotions autant que les œuvres visuelles ou sonores. Quant à la question de vivre de son art, qu’on oppose souvent aux parfumeurs, les artistes se la posent aussi. Finalement, il y a une réflexion à l’heure actuelle sur le statut de l’artiste et de l’art, et ce qui peut faire œuvre, et il est naturel que les odeurs y aient leur part. 

Crédit photo : Aurélien Sanchez

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