Quelle place pour le livre sur le parfum et l’olfaction ? Entretien avec la librairie Comme un roman, à Paris

Comment se porte l’édition d’ouvrages sur la parfumerie et l’odorat ? À l’occasion de la journée mondiale du livre, ce samedi 23 avril, nous avons interrogé la librairie Comme un roman, située rue de Bretagne à Paris, pour discuter de sa place et de ses spécificités.

S’il existe dans le domaine du parfum une catégorie « de niche », celle-ci semble caractériser l’ensemble des publications littéraires sur la thématique : un nombre relativement faible d’ouvrages existe, et les ventes restent timides. 

Avec la naissance de la parfumerie moderne, quelques créateurs ont commencé à écrire afin de mettre des mots sur leur pratique, notamment Edmond Roudnitska. En parallèle, les analyses historiques sur le sujet débutent véritablement en 1982, avec Le Miasme et la Jonquille d’Alain Corbin, qui a ouvert le champ de l’olfaction à une étude universitaire – mais les spécialistes de la question se comptent encore sur les doigts d’une main. Avec l’avènement de la figure du parfumeur, ce sont les biographies sur celui-ci qui se développent, à l’image du mouvement similaire dans la cuisine. Mais à l’inverse de celle-ci, la composition de parfum restant énigmatique et le sens olfactif toujours mal cultivé, l’engouement reste peu diffus ; même s’il est en croissance, il ne semble concerner qu’une poignée de passionnés. 

Peut-on s’autoriser à lui voir un avenir plus prolifique ? La crainte de l’anosmie suscitée par le Covid-19 a placé l’odorat au centre des recherches académiques, encore très peu nombreuses. S’il est toujours un sens peu connu par les scientifiques, les financements – et donc les publications – tendent à augmenter ces derniers temps. Par ailleurs, les éditeurs publiant ces ouvrages se diversifient, comme en témoignent Le Dictionnaire amoureux du parfum écrit par Élisabeth de Feydeau chez Plon, ou encore le récit du Cueilleur d’essences de Dominique Roques aux éditions Grasset. Les évènements olfactifs également prennent de plus en plus de place dans les bibliothèques, comme celui sur les poudriers de la bibliothèque Forney et la série de conférences organisée à l’occasion. Cependant, l’ouvrage sur le parfum et l’odeur semble souvent confronté à une problématique, celle d’évoquer par les mots cette idée apparemment incommensurable de la sensation olfactive. 

Mais quelle place a-t-il véritablement au sein des librairies ? Cassandre et Olivier, chargés des livres sur la parfumerie et les odeurs au sein de la librairie parisienne Comme un roman, ont répondu à nos questions. 

Comment s’organise le rayon sur le parfum et les odeurs dans votre librairie ?

Nous vendons tous les numéros de la revue et de nombreux livres édités par Nez [NDLR : Nez publie une dizaine d’ouvrages par an]. Hormis ceux-ci, les ouvrages sur ces thématiques se comptent sur les doigts d’une main : les autres maisons d’édition couvrent très peu ces domaines, leurs publications restent rares, et lorsque c’est le cas, il s’agit surtout de biographies de parfumeurs. Avant nos récents travaux, ces ouvrages se trouvaient notamment sur le stand des nouveautés, ou complétaient le rayon sur la mode. Depuis, pour des raisons d’espace disponible, nous les avons placés à l’étage, avec les écrits sur les plantes, la décoration, la vie pratique.

Comment se portent les ventes de ces ouvrages ?

Ce sont les livres généralistes qui fonctionnent le mieux, comme Le Grand Livre du parfum, ou encore les biographies, comme celle de Jean-Claude Ellena, dont le nom dépasse le cercle des passionnés. Lorsqu’ils bénéficient d’une mise en lumière médiatique plus large, ils se vendent évidemment mieux : Cueilleur d’essences, de Dominique Roques, est un exemple caractéristique. Mais, en règle générale, les ventes se concentrent surtout lors de leur lancement.

Le maintien d’un rayon sur la parfumerie et les odeurs est-il remis en question ?

Le nerf de la guerre, c’est la question de la place, qui se pose pour chaque librairie.  Mais le rayon crée une identité, une singularité propre, dans un quartier très sensible à l’art et à la mode. Nous avons un public régulier, qui sait qu’il pourra trouver ces ouvrages ici. Et nous avons la chance d’avoir de très grandes vitrines, qui permettent de mettre en avant des sorties. Nous l’avons fait pour ces ouvrages à plusieurs reprises, et cela fonctionne très bien : le public cible est nettement élargi, certains découvrent un nouvel univers, développent une curiosité grâce au contenu et au design.

Crédit photo : © François Guillemin

Comme un roman
39, rue de Bretagne
75003 Paris
Mardi-samedi : 10h – 19h45, dimanche : 10h – 13h

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