Fruits à coque et céréales : nouvelles gourmandises

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Noix, noisette, riz soufflé, granola toasté… Depuis peu, de nouvelles notes gourmandes s’invitent dans nos flacons. L’épuisement face aux blockbusters sucrés redondants explique certainement la montée en puissance de cette tendance. Pour mieux la comprendre, nous avons interrogé Mathilde Bijaoui, parfumeuse chez Mane, et le parfumeur indépendant Anatole Lebreton.

C’est Angel de Thierry Mugler qui introduit le sucre en parfumerie : il est d’abord vu comme un ovni lors de sa sortie en 1992, avant de s’imposer en précurseur ouvrant la voie à trois décennies de créations. Comme son auteur Olivier Cresp le confiait dans un entretien récent pour Nez #15 – Au fil du temps, l’industrie n’a pas épuisé le sujet. Parmi les chemins à explorer, il mentionne ainsi « toutes les céréales, l’avoine, le blé, le riz… Le sésame. » Cette nouvelle manière d’imaginer les notes gourmandes trouve en effet peu à peu une place dans les compositions : s’y dessinent le contours d’oléagineux et d’épis divers, allant au-delà du simple ajout d’éthyl-maltol qui a fait figure de booster de vente des dernières années. 

Un peu de botanique

Les céréales sont des graminées de la famille des Poacées. Blé (initialement petit épeautre), millet, maïs et riz font partie des premières plantes cultivées par l’homme et constituent en tant que telles un élément décisif au développement des sociétés. 

Si leur consommation est également ancienne, la culture des fruits à coque est sans doute plus tardive, ce qui s’explique probablement par un rendement moindre. Il ne s’agit pas d’une catégorie scientifiquement définie, mais d’un ensemble de graines oléagineuses renfermées dans leur coque provenant de familles botaniques différentes, et qui se caractérisent également par une faible teneur en eau (généralement moins de 50% de leur poids total).

Noix, noix de pécan, noisette et châtaigne appartiennent à l’ordre des Fagales. La première, qui constitue la plus grosse production mondiale, est le fruit du Juglans regia de la famille des Juglandacées. On connaît mal son origine, mais on la sait ancienne : une noix âgée de huit millions d’années aurait été retrouvée lors de fouilles archéologiques en Ardèche.[1]Voir https://agriculture.gouv.fr/noix-fraiches-et-noix-seches La noix de cajou, quant à elle, est issue de l’Anacardium occidentale et provient d’Amérique tropicale, et quoique son usage soit antérieur, elle n’a été identifiée qu’au XVIe siècle. Le Castanea sativa Mill., de la famille des Fagacées, aurait été cultivé pour ses châtaignes à partir du Ve siècle av. JC et a souvent remplacé les céréales au cours de l’histoire (on l’appelait même le « pain des bois »). Fruit du Prunus dulcis appartenant à la famille des Rosacées, l’amande aurait été consommée dès le Mésolithique et prisée par les peuples vivant sur le pourtour méditerranéen. La pistache est issue du Pistacia vera L., de la famille des Anacardiacées, originaire d’Asie centrale. La noisette, enfin, est le fruit du Corylus avellana, de la famille des Bétulacées. On pourrait mentionner aussi la noix de coco – fruit du Cocos nucifera qui appartient aux Arécacées –, tant par son nom que par sa proximité olfactive, même si on ne la classe pas traditionnellement dans la catégorie des fruits à coque. 

Profils olfactifs variés

Les profils olfactifs des fruits à coques et céréales sont aussi variés qu’appréciés. À leur origine, un grand nombre de composés volatils (environ 200) ont été identifiés – ceux-ci pouvant de plus évoluer en fonction des conditions de culture (stress hydrique, maladies diverses, maturité).[2]Voir notamment Valdés García A, Sánchez Romero R, Juan Polo A, Prats Moya S, Maestre Pérez SE, Beltrán Sanahuja A., Volatile Profile of Nuts, Key Odorants and Analytical Methods for … Continue readingLe traitement post-récolte participe aussi à la caractérisation olfactive de ces matières. En effet, avec la réaction de Maillard et l’oxydation des acides gras qui se produisent à la cuisson, les lipides se dégradent, et des molécules olfactives apparaissent, comme le furanone, le methylbutanal ou encore le benzène acétaldéhyde à l’odeur miellée. Certaines pyrazines – famille de molécules qui présentent cette signature grillée – se développent aussi avec des aldéhydes, des alcools et des cétones. Et puis les odeurs changent avec le temps : peu à peu, la concentration en acide linoléique augmente tandis qu’apparaissent l’hexanal et le nonanal, en partie responsables de l’odeur de « rance ». 

Les parfumeurs jouent avec toutes ces évocations grâce à certaines matières classiques. Le vétiver d’Haïti, notamment, peut présenter des inflexions de cacahuète ; on pense aussi à « la fève tonka et sa coumarine, présente dans l’amande – que rappellent aussi le benzaldéhyde, l’acétophénone et l’héliotropine. L’immortelle et le fenugrec ont également des facettes céréalières, un peu épicées. Le santal, avec son côté à la fois lacté et boisé, peut convoquer un imaginaire pâtissier ; le tabac peut donner un côté gourmand en plus de ses notes foin, et pour l’aspect torréfié, il y a le furanéol et les pyrazines. Et j’ai un coup de cœur tout particulier pour l’absolue de son de blé, dont la richesse olfactive va de la paille à la praline, avec des côtés plus confiturés, miellés », énumère Anatole Lebreton.

Ainsi, pour figurer la noisette, « on utilise souvent les pyrazines, qui vont immédiatement évoquer le grillé, note Mathilde Bijaoui. Mais pour jouer sur l’aspect plus vert, fruité, nous avons chez Mane un Néo-Jungle essence de noisette qui aide à donner de la naturalité. Par contre, certaines molécules – comme le diacétyl et l’acétyl propionyl – qui permettaient de construire une facette beurrée sont désormais très réglementées. Il faut ruser : pour donner du moelleux, on peut penser au Néo-Jungle essence pruneau, par exemple. »

Pour reconstituer le parfum de la pistache, Jean-Claude Ellena suggère trois ingrédients dans l’abrégé d’odeurs du Journal d’un parfumeur : « aldéhyde benzoïque, aldéhyde phénylacétique, vanilline ». La noix se révèle quant à elle aromatique et terreuse ; l’amande, plus verte et laiteuse ; la châtaigne, avec son petit goût sucré, a aussi « un côté épicé, isoeugénol [molécule qui participe à l’odeur du clou de girofle] » ; tandis que « le seigle est plus fumé » poursuit Mathilde Bijaoui. Parmi les céréales favorites de la parfumeuse, on compte notamment « l’avoine, avec son odeur très « fluffy« , poudreuse, et une évocation maternelle, crémeuse et réconfortante, nourricière. Pour donner une touche farineuse, on accumule plusieurs matières premières, notamment boisées (cèdre, santal…). Et nous avons depuis peu un captif, le Vayanol, à la fois épicé, liquoreux, vanillé, tabacé, qui peut être intéressant pour ces facettes céréalières. » Ce captif a en effet rejoint la palette des parfumeurs chez Mane – tout comme la Cocotone, elle aussi issue des biotechnologies, et prisée pour son côté coco grillée. On peut aussi mentionner l’asperge Garden Lab chez Symrise, avec ses facettes céréalières et noisettées : en plus des ingrédients classiques, l’émergence de ces nouvelles matières répond à l’intérêt actuel pour ces notes. 

Tradition parfumée

Ces distinctions faites, on peut désormais remarquer que si certaines ont historiquement peuplé nos flacons, d’autres s’y sont fait bien plus discrètes. Présente dans les notes tabac et dans certains floraux, la coumarine est bien connue de nos nez. Si elle est peut-être plus employée dans la parfumerie fonctionnelle, la noix de coco a pu entrer dans des floraux blancs estivaux et s’est fait une place parmi les accords fruités exotiques. Mais les noix, noisettes, pistaches, et les céréales au sens gustatif n’ont pas derrière elles une longue tradition créative. 

C’est peut-être Méchant loup, composé par Bertrand Duchaufour pour L’Artisan parfumeur en 1997, qui a discrètement ouvert le bal. Il dessine, selon les mots de la marque, « un portrait abstrait du noisetier, dans un accord qui dessine des senteurs de forêt et s’attendrit d’une note gourmande. » On pense aussi à Bois farine, certainement plus célèbre, sorti en 2003. Jean-Claude Ellena y offre une interprétation des fleurs du Ruizia Cordata rencontrées à La Réunion, à l’odeur farineuse, recréée par un bouquet de cèdre, gaïac et santal dans un souffle poudré. Le parfumeur signait un an plus tard Vétiver tonka pour Hermès, où la facette noisette de la racine s’arrondit de tonka pour évoquer un muesli chocolaté. Puis c’est au tour d’Olivier Cresp de faire une excursion dans ce registre avec le KenzoKi Rice Steam sorti en 2004, réédité en 2010 sous le nom de MMM de riz sensuel – puis discontinué à nouveau –, qui évoquait les grains d’un basmati cuit à la vapeur, dans un nuage aldéhydé, musqué et pyraziné. La même année sortait aussi Marron chic de Nez à Nez, où Karine Chevallier marie un iris crémeux à des facettes cacaotées et baumées, recréant l’illusion d’un marron glacé. Il était aussi question de châtaigne avec Fat Electrician d’État libre d’Orange : un vétiver gras composé en 2009 par Antoine Maisondieu.

Signature de la maison bretonne Lostmarc’h, Lann-Ael constitue quant à lui un hommage au kouign-amann où le sucre n’est cependant pas central, et où les notes vertes accompagnent lait et céréales. Dans le four pâtissier, Christopher Sheldrake offrait lui aussi son évocation du pain doré, enrobé de fruits secs, à la fois lacté, malté, légèrement fumé et confit, nommé Jeux de peau chez Lutens. État libre d’Orange, décidément précurseur de ces nouveaux gourmands, lançait en 2012 Fils de dieu, du riz et des agrumes (Ralf Schwieger) ; puis, en 2013, La Fin du monde, un accord de poudre à canon composé par Quentin Bisch où pétarade le pop-corn. 

Jo Malone pousse l’exercice plus loin avec une collection de cinq parfums lancée en 2018 et qui explore les « English Fields », interprétés par Mathilde Bijaoui : « à l’époque, c’était vraiment novateur. L’idée était de consacrer chaque parfum à une céréale en particulier, dans une écriture très littérale. L’exercice était particulièrement agréable pour moi qui aime retranscrire ce qui se mange, sans forcément aller dans le sucré, mais plutôt en évoquant quelque chose de salivant, nourricier – l’incarnation du concept de « graine de vie ». Ces notes se marient très bien à la peau. Pour différencier les céréales, nous sommes allés les sentir chez un boulanger. Ainsi, Oat & Cornflower explore le muesli avec un côté fruit sec, noisette, un peu grillé, facetté avec de la lavande et des notes boisées. Au contraire, pour Primrose & Rye, j’ai travaillé le seigle, plus sombre, presque fumé. » La gamme, sortie en édition limitée, comptait aussi un blé vert avec Green Wheat & Meadowsweet, une amande miellée avec Honey & Crocus, et Poppy & Barley, floral et poudré.

Tout juste sortis du four

Le grand boum des notes céréalières et toastées est cependant tout récent. La pistache, par exemple, s’est fait une place dans plusieurs lancements ces derniers mois. Sa verdeur fait écho à l’accord pesto de Rital Date de Versatile tout en apportant une rondeur crémeuse gourmande, réconfortante, qualifiée de « très appétissante, fusante, chaude, addictive » par la marque qui a donné les rênes au studio Flair.

Mais la pistache devient la star de la composition dans Yum Pistachio Gelato 33 de Kayali, marque fondée par les sœurs Huda et Mona Kattan, également à l’origine de la marque Huda beauty. Petite gourmandise qui ne se prétend pas plus qu’elle n’est, mais qui offre ce qu’elle promet : une glace aux reflets verts, amandés et crémeux. 

Chez DS & Durga, c’est une véritable ode qui lui est chantée : Pistachio est « un parfum sans histoire, qui évoque simplement le côté fun de la pistache – notamment  son arôme dans les desserts. » Le rendu évoque cependant un registre étonnemment synthétique parmi les notes vanillées.

La pépite verte donne également son nom à la nouveauté d’Obvious, qui en fait la reine des rues de Tripoli. L’envolée est verte, amandée, poussée par des muscs et les facettes lactées du santal, sans lourdeur. Une Pistache évoque bien son sujet, dans un registre bien plus naturaliste que sa cousine éponyme new-yorkaise. 

On la retrouve grillée dans Faces of Francis chez Vilhelm, inspiré des triptyques de Francis Bacon. Bertrand Duchaufour imagine l’artiste dans son atelier, qui se souvient « des odeurs de Tanger où la pistache se mêle au safran ». Elle se marie aux aldéhydes, aux bois, au styrax pyrogéné, au vétiver et à l’ambre gris.

Ce n’est pas le Maroc mais la Grèce qui a inspiré la dernière création de Christine Nagel pour la collection des Jardins d’Hermès – et plus précisément l’île de Cythère. Se distinguant des compositions de la gamme, la dernière-née n’est ni florale ni véritablement hespéridée : elle est blonde comme les blés. La pistache est bien là, gourmande, au milieu des graminées, qui se meuvent dans une rondeur chaleureuse.

Les épis dorés tapissent le dernier né d’Anatole Lebreton, Brioche. Le parfumeur indépendant raconte que l’idée lui est venue lorsqu’il a découvert l’absolue de son de blé. « Je fonctionne souvent ainsi, par coup de cœur avec une matière première. Celle-ci a des facettes paille, pralinées, confiturées, miellées, et m’évoque les Weetabix. Cela m’a donné envie de travailler une brioche, alors même que les notes sucrées ne font pas partie de mon univers culinaire ni olfactif. J’ai étiré le côté fruits secs avec le furanéol – très puissant – pour qui donne ce petit quelque chose de torréfié et confiture de fraises. La coumarine rappelle aussi la mie grillée, pralinée. Le santal, un peu lacté, renvoie à l’image de la pâte qui lève. Comme si l’on ouvrait le four pendant la cuisson, avec un peu de pâte crue qui reste sur la table, dans une maison poussiéreuse, jonchée de paille séchée. » Un parfum panoramique, qui réussit le pari d’évoquer parfaitement la douceur de la viennoiserie tout en évitant ses atours collants, en y glissant quelque chose de l’air frais d’un paysage campagnard.
Ce parfum fait partie de la Box Auparfum #38 – mars/avril 

Les viennoiseries en tout genre sont les grands classiques des bougies et parfums d’ambiance. Mais les propositions sont bien souvent lourdes, assez grossières et finalement peu marquantes. La bougie Cardamome briochée, proposée à l’automne par la petite marque Récoltes, se distingue par sa finesse. L’épice guatémaltèque, qui apporte sa fraîcheur aromatique, permet de facetter les notes plus rondes d’une vanille caramélisée et presque toastée. 

Mais retournons à nos eaux de parfum : Mathilde Bijaoui s’est également penchée sur une spécialité boulangère emblématique. Pour Crumb Couture, de la marque new-yorkaise Snif, « l’approche a été à nouveau assez littérale : un croissant sur lequel on aurait étalé une confiture de fruits rouges. Parmi les matières les plus évidentes, j’ai utilisé du santal, de la vanille et de la fève tonka. Et puis, quand on travaille dans une maison de composition, on a la chance de pouvoir discuter avec les aromaticiens, une source inestimable pour ce genre de brief ! »

Mais la baguette, c’est d’abord le symbole de la France, nous rappelle la maison Poécile qui propose des voyages olfactifs au cœur de nos régions. Cette fois-ci, rendez-vous dans la ville lumière. Rose Lutèce, signé Marie Schnirer, nous invite à une matinée gourmande mêlant « croissant, chocolat chaud, rose, baguette, tabac ». 

Les graminées s’invitent aussi au voyage. Elles nous emmènent en Turquie, dans la ville de Harran qui donne son nom à l’une des compositions de la jeune marque de niche Soul of Makeen. Patrice Revillard nous propose de « partager le pain à l’aube dans des foyers chaleureux » en travaillant les notes ambrées dans un esprit régressif en les « [habillant] d’un accord fait de céréales, de fruits confits et de miel ».

Chez Profumo di Firenze, ce sont les fleurs qui appellent le pain sorti du four. Violette, tulipe, iris et vanille permettent à Fior di Pane de « remonter le temps, réveillant les souvenirs d’enfance ». Comme un écho au poème de Francis Ponge, que l’on citera pour le plaisir : « Ce lâche et froid sous-sol que l’on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. »

Promenons-nous dans les champs avec Zoologist, qui nous invite dans la peau d’une souris avec Harvest mouse, à parcourir des champs de blés infusés de camomille, de foin, d’extrait CO2 de bière et de baumes. Le résultat est vanillé, caramélisé, régressif. Plus caractériel, Tiger présente quant à lui des notes de châtaigne derrière ses bois et son cuir.

Le nez dans les céréales toujours, Meabh McCurtin a composé Bread in Chestnut pour Scents of Wood (L’Âme du bois). L’absolu de son de blé choisie pour ses notes toastées est adoucie par le crémeux du santal et la gourmandise de la fève tonka, pour « une signature décadente et réconfortante de pain baumé ». Le romarin et l’oliban contrebalancent cette gourmandise, qui rappelle l’odeur d’un marron confit dans son glaçage alcoolisé.

Ce fruit précieux se pare de haute couture chez Dries van Noten : Marie Salamagne, « tombée amoureuse des robes en soie de la boutique du Quai Malaquais », s’est inspirée de la matière pour l’une des compositions de la collection sortie par la marque en 2022. Le résultat ? Une châtaigne sensuelle et vanillée, parsemée de notes vertes, nommée Soie Malaquais.

Les céréales ne sont pas réservées aux adultes : leur douceur parsème le nouveau parfum Tartine et Chocolat. Céline Perdriel a choisi la fleur d’oranger, le cacao blanc et le lait d’avoine pour incarner cette déclinaison du fameux Ptisenbon de notre enfance, dans une version Ptimusc que l’on volera aux bambins.

Les muscs sont également centraux dans L’Eau papier de Diptyque, où Fabrice Pellegrin dépeint « un instant suspendu où la main, l’encre et la toile ne font plus qu’un ». Un travail autour du support blanc sur lequel se déposent inspiration, croquis, idées – et où le mimosa nimbé d’un accord « vapeur de riz » est bientôt poursuivi par des bois ambrés (ou « accord bois blonds », selon les mots de la marque).

Les bois ambrés ont aussi la part belle dans Frustration d’État libre d’Orange, signé Mathilde Bijaoui. Une vanille tour à tour piquante, donc, épicée de cannelle, mais aussi crémeuse, évoquant une crème de marron régressive – clin d’œil peut-être au vétiver gourmand qu’est Fat Electrician. « Un état d’Orange Extraordinaire qu’il vous faut atteindre pour vivre entre l’enfant et l’adulte passionnément le souvenir d’un manque. »

Mais c’est avec la noisette que le vétiver a largement flirté récemment. En 2020, en écho à l’un des parfums historiques de la maison – N’Aimez que moi – Caron proposait Aimez-moi comme je suis, un vétiver haïtien mêlé au fruit à coque, à la fève tonka, aux « accents boisés ambrés ». Nous voilà prévenus.

Vétiver et noisette encore dans la nouveauté d’Essential parfums, Patchouli Mania by Fabrice Pellegrin. Mais comme l’indique son nom, c’est surtout la feuille indonésienne qui est à l’honneur, mariée avec une absolue de cacao, au davana et aux notes boisées. Le parfumeur confie avoir souhaité « créer un patchouli sensuel non-genré, à la fois addictif et envoûtant ». 

Chez L’Occitane, l’exploration des fleurs oubliées a fait éclore le Mélilot, issue de la collaboration de chercheurs, producteurs et parfumeurs. Parmi les notes annoncées, outre la ressuscitée mise en avant, on croise feuille de galbanum, poire noisetier, foin, blé, vétiver et bois de cèdre. Un plaisir gourmand simple et réconfortant, aux facettes miellées, et où l’on reconnaît bien le fruit à coque, sans lourdeur.

C’est à nouveau l’accord noisette qu’a choisi le parfumeur Jean-Christophe Hérault pour arrondir le vétiver et l’iris de Vétiver gris, deuxième hommage de la maison Jacques Fath à son mythique Iris gris après une eau de parfum sortie en début d’année. Sa formule courte et lisible lui donne une empreinte moderne et élégante. 
Ce parfum fait partie de la Box Auparfum #40 – juillet/août 2023

Le mariage noisette-iris a donné son nom à l’une des créations de Luca Maffei pour Jul et Mad, dans une collection nommée « Les Essentiels ». « Un accord oriental-floral-gourmand », avec des notes rosées, épicées et vanillées, qualifié de « délice olfactif » par la marque.

C’est aussi ce fruit sec qu’a choisi Marie Jeanne pour magnifier son Iris Pallida. Alexis Dadier rend hommage à la racine noble, qualifiée d’or de la parfumerie, en l’épurant de ses facettes poudrées et en amplifiant le côté plus beurré qui rappelle la matière première – mais aussi le délice d’une crème de noisette.
Ce parfum fait partie de la Box Auparfum #39 – mai/juin 2023

Dans le genmaicha mis en flacon par Patrice Revillard avec Je ne sais quoi, la noisette prend des allures de pop-corn. Constituant l’un des premiers opus inaugurant la collection des « Expressions parfumées » de Teo Cabanel, il infuse dans un sencha du Japon des « grains de riz grillés aux notes sésame-noisette ». Une jolie gourmandise, qui présente également l’atout d’être accessible – olfactivement comme financièrement.

Le riz se fait plus vaporeux dans Dirty Rice, l’une des créations de la toute jeune marque à l’esprit rebelle Borntostandout. Dans ce basmati garni d’amandes et de bois légers, on perçoit parfaitement l’empreinte d’Olivier Cresp. Les amoureux désormais éperdus du Kenzoki y retrouveront un amant musqué, pourvu d’une pointe d’animalité discrète.

On recroise le lait d’amande dans Guidance, création onirique de Quentin Bisch qui nous invite à pénétrer dans la tour d’ivoire d’une princesse. Osmanthus, jasmin et santal parachèvent cette « nouvelle interprétation envoûtante de la triade rose-encens-ambre gris signature d’Amouage ». 

Frapin ne s’inspire pas d’un conte mais du roman mythique d’Alexandre Dumas, Le Comte de Monte Cristo. Attendre et espérer reprend la morale conclusive de l’œuvre pour rendre hommage à son héros, dans « un accord noix et vétiver très original » addictif.
Ce parfum fait partie de la Box Auparfum #40 – juillet/août 2023

Et à l’avenir ?

La tendance va-t-elle progressivement s’essouffler ? On peut imaginer que les sorties récentes inspireront d’autres parfumeurs encore. Car, comme le remarque Mathilde Bijaoui, « ces facettes prennent le relai des notes sucrées pour continuer à travailler sur le gourmand ». Mais au-delà de leur apport littéral, c’est aussi un nouveau jeu sur la texture olfactive des parfums qui semble émerger. La création n’a pas toujours besoin de nouvelles notes pour être inspirée, mais d’un regard inédit sur ce qui existe : « Je suis convaincu qu’il y a encore beaucoup à faire avec de grands classiques comme la fève tonka, ou encore l’immortelle, qui peut tout à fait apporter une touche gourmande », suggère Anatole Lebreton. 

Notes

Notes
1 Voir https://agriculture.gouv.fr/noix-fraiches-et-noix-seches
2 Voir notamment Valdés García A, Sánchez Romero R, Juan Polo A, Prats Moya S, Maestre Pérez SE, Beltrán Sanahuja A., Volatile Profile of Nuts, Key Odorants and Analytical Methods for Quantification. Foods, Juillet 2021.

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Commentaires

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Merci pour ce superbe article, concernant ces nouveaux parfums, composés avec ces notes gourmandes de fruits à coque et céréales, que nous adorons.
C’est merveilleux! Difficile de faire un choix dans cette belle sélection, tant ils ont l’air tous fameux.
De quoi faire en attendant Noêl! J’en salive, à l’avance… Et je ne dois pas être la seule.
Merci à Jessica.

Bonjour
Merci pour cet article 😉 ca donne envie de se plonger dans ces neogourmands-
Il ne faut pas oublier la noix de macadamia dans l Eau de Liesse de Courrège qui elle laisse un parfum de peau delicieusement sucré

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