Développement durable

Chimie durable et parfumerie : assurer notre développement sans compromettre la capacité des générations futures à assurer le leur

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Nous inaugurons avec cet article notre partenariat avec Nez pour proposer périodiquement des contenus sur la science des odorants. Ils pourront être inspirés par les résultats de nos recherches réalisées à Université Côte d’Azur, ceux des laboratoires avec lesquels nous sommes liés dans le groupement de recherche interdisciplinaire O3 du CNRS, des laboratoires industriels du secteur ou d’autres instituts de recherche sur le sujet. Nous pourrons aussi décrypter des informations en lien avec l’actualité du domaine de la parfumerie vue avec un œil de chimiste, comme la mise sur le marché de nouveaux ingrédients.

Pour ce premier article et afin de planter le décor, nous avons souhaité commencer par vous parler de la chimie durable et de son spectaculaire impact sur l’industrie des arômes, des parfums et des cosmétiques depuis quelques années (Schéma d’illustration de l’article, ci-dessus : Le développement durable adapté à la chimie : la chimie durable). Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous attirons l’attention du lectorat sur le fait qu’il s’agit d’un sujet actuellement en évolution, et que nous ne pourrons pas le traiter de façon exhaustive. Par ailleurs, nous n’avons pas la prétention de distribuer des récompenses ou des labels, mais simplement de présenter des aspects ou des initiatives et d’en expliquer les ressorts scientifiques. 

La chimie durable est une conception et une pratique de la chimie dans le contexte bien connu du développement durable, respectant harmonieusement trois piliers : environnement, économie, société. Les ressources de la chimie organique, cette branche qui est en lien avec le vivant et les composés de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et de quelques autres hétéroéléments (azote, soufre, phosphore …), ont été longtemps essentiellement issues du pétrole. La transition nécessaire vers des ressources issues de la biomasse et renouvelables à une échelle de temps compatible avec l’activité humaine, est devenue un enjeu capital pour nos sociétés dans la perspective d’un développement frugal, celui de la sobriété et de la juste consommation, de ressources, d’énergie, de moyens. Cette transition vers des procédés viables sur le plan environnemental et économique tout en étant acceptables socialement se poursuivra avec l’apport de nouvelles connaissances et technologies, mais a déjà fait son chemin dans la chimie des parfums. 

La chimie durable, formalisée en 1998 sous le nom de Green Chemistry dans un modeste ouvrage de John C. Warner et Paul T. Anastas, repose sur douze principes plus ou moins complexes pour le profane, mais eux-mêmes basés sur quatre grandes notions : l’économie d’énergie, la sécurité et l’innocuité, la prévention des déchets et la gestion des ressources (Schéma 2). L’idée de durabilité lie les générations et nous engage vis-à-vis de nos descendants : il s’agit d’assurer notre développement sans compromettre la capacité des générations futures à assurer le leur. 

Ainsi, la chimie verte se décline autour de quatre grands axes de progrès, cumulables : 

  • L’économie d’énergie, commune à toutes les démarches de développement durable. Cela répond à une double problématique : la pollution associée à la production d’énergie électrique (les centrales à ressources fossiles ou nucléaires restant majoritaires) et la difficulté à garantir de l’énergie pour tout le monde et pour les générations futures.
  • La sécurité et l’innocuité, des ingrédients de la parfumerie mais également des procédés qui permettent de les fabriquer. Sécurité des consommateurs donc, mais aussi des professionnels du secteur.
  • La prévention des déchets, partant du principe qu’il vaut mieux prévenir la formation d’un déchet chimique que d’avoir à le traiter après sa formation. Pour atteindre cet objectif, des efforts importants en R&D doivent être consentis pour inventer de nouvelles réactions chimiques ou de nouveaux procédés, plus efficaces, plus sélectifs et plus économes en atomes. On voit ici les perspectives d’économies sur le budget de gestion des déchets.
  • La gestion des ressources, pour d’une part une transition du fossile vers le renouvelable, permettant ainsi de limiter les impacts, et de l’autre du rare vers l’abondant, permettant de garantir un accès durable aux technologies. Pour respecter la biodiversité, s’en inspirer (biomimétisme) et même récolter des molécules déjà très élaborées par la nature pour en faire des ingrédients ou des biocatalyseurs, et concevoir des procédés avec peu ou pas d’impact et de déchet. C’est ce dont nous vous parlerons dans un prochain article.

La couleur verte à laquelle la chimie durable a rapidement été associée n’a pas la même signification selon les pays. Aux Etats-Unis, où la chimie verte est née sous la plume de Warner et Anastas œuvrant alors à l’EPA (Environment Protection Agency), cette couleur est celle du billet de banque. En France, le terme est souvent lié à la chimie du végétal, qui, si elle est importante et amenée à jouer un rôle de plus en plus significatif, ne résume pas à elle seule les concepts de chimie durable, qu’ils soient appliqués ou non à la parfumerie. 

Mais pourquoi le lien avec le billet de banque ? Il est double : il rappelle la viabilité économique nécessaire à tout changement s’inscrivant dans le développement durable, et les opportunités de profitabilité que constituent les innovations durables, pour lesquelles les attentes des consommateurs sont fortes.

La chimie verte devient alors chimie durable en se conjuguant aux aspects sociétaux et transgénérationnels. La monde de la parfumerie s’est approprié certains de ces axes de progrès, comme la question des ressources, avec la recherche d’ingrédients obtenus selon des critères durables (peu de pollution, respect des producteurs, respect de la biodiversité, issus de la biomasse, …) et la question des procédés qui devront être le moins impactants possible. 

Schéma 2. Comment les 12 principes de la chimie verte se distribuent au sein des 4 grands axes.

Quel impact pour la parfumerie ?

Cette industrie est intimement liée à la chimie depuis que les chimistes ont su distiller l’alcool éthylique pour remplacer les corps gras servant jusque-là de solvants aux compositions parfumées. Ensuite, avec les premiers ingrédients de synthèse, d’abord en copiant la nature comme le cinnamaldéhyde de la cannelle, la coumarine de la fève tonka ou la vanilline de la vanille, puis avec les aldéhydes utilisés par Ernest Beaux. 

De nos jours, les motivations pour utiliser des ingrédients de synthèse sont diverses : satisfaire la demande mondiale, proposer des substituts pour éviter la surexploitation de certaines ressources naturelles et contribuer à la protection de la biodiversité, accéder à de nouvelles notes originales, performantes, assurer des approvisionnements et des qualités constants, faire baisser les coûts …

L’arrivée de la chimie durable impacte donc tout naturellement la parfumerie afin de permettre de découvrir de nouvelles molécules ou de nouveaux procédés plus propres, plus sûrs, basés sur l’exploitation de ressources renouvelables, limitant la production de déchets associée. 

Dans un prochain article, nous présenterons comment l’on peut utiliser des catalyseurs issus du vivant pour remplacer des procédés industriels conventionnels et obtenir des ingrédients naturels de très haute qualité odorante.

A lire
Antoniotti, S., Chimie verte – Chimie durable. Ellipses: Paris, 2013; pp 192.
Anastas, P.; Warner, J., Green chemistry: theory and practice. Oxford University Press: Oxford, 1998; pp 135.
Trost, B. M., The atom economy: a search for synthetic efficiency. Science 1991, 254 (5037), 1471-7. 

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Commentaires

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Article très interessant je trouve; il presente parfaitement l’impact de la chimie verte sur la parfumerie

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