Hier soir, à Bordeaux, avait lieu la deuxième édition du Bras de fer olfactif, un événement organisé par l’équipe de la boutique de parfumerie indépendante Le Nez insurgé, dans une ambiance festive et réjouissante.
Boules à facettes, costume de gladiateur et pluie de paillettes : lorsque je franchis les portes du Blonde Venus, l’ambiance bat déjà son plein. Pour la deuxième fois (et certainement pas la dernière !) Dorothée Duret et son équipe de la parfumerie de niche Le Nez insurgé ont élu domicile dans cet écrin capitonné de velours rouge niché au bord de l’eau. Participants au nez entraîné, public averti, invités bariolés : du beau monde fourmille autour des tables et fauteuils de cuir, impatients que débutent les festivités.
Sur l’estrade, les quelque 30 fragrances de niche qu’ont dû mémoriser les 27 candidats au cours des cinq dernières semaines trônent dignement. Du mimosa frais et poudré du Flocon de Johann K – le premier bébé d’Isabelle Larignon, présente parmi les invités – en passant par Leather Shot d’Olfactive Studio, la marque de Céline Verleure que j’aperçois en face, Un Été d’Obvious (piloté par David Frossard, ici présent) et Poudrextase de Briac Frocrain (à ma droite) pour sa marque Marlou, la sélection est aussi belle qu’éclectique.
À vingt heures, c’est parti : Eye of the Tiger en fond et lumières roses ricochant sur les verres, le présentateur appelle un à un sur scène les candidats qui s’affronteront ce soir. Parmi ceux-ci, on retrouve Camille, la gagnante de la première session l’année dernière, toute de plumes vêtue. Et le jeu commence fort : seuls 16 d’entre eux pourront poursuivre l’aventure à l’issue du premier round.
Ils forment un cercle, au centre duquel chacun devra sentir et reconnaître à l’aveugle trois créations parmi les 30, en moins de 30 secondes : il faut en avoir trouvé deux a minima pour être présélectionné.
Les concurrents se succèdent, et dans un silence attentif on entend fuser les noms des flacons prononcés avec plus ou moins d’assurance : « Cacao Porcelana ! »[1]Parfum d’Atelier Materi « Esprit de contradiction ? »[2]Parfum de Maison Matine et « Rien »[3]Parfum d’État libre d’Orange . Et on peut le dire, les candidats sont impressionnants !
Après une courte pause durant laquelle le public est invité à miser un jeton pour le joueur de son choix, le combat reprend. Deuxième round, toujours en musique : les candidats s’affrontent en duo, le premier qui devine le parfum vaporisé gagne. Le stress monte d’un cran, toujours dans la bonne humeur.
Il n’en reste plus que deux : Camille, qui semble bien déterminée à conserver son titre une année de plus, et Igor, le plus jeune participant de ce bras de fer olfactif. Du haut de ses 18 ans, il précise qu’il ne connaissait pas grand-chose à la parfumerie avant ces dernières semaines : « Je cherchais un nouveau parfum, j’ai franchi les portes du Nez insurgé. C’était la première fois que je rentrais dans la boutique. On m’a proposé de participer au concours. Je me suis dit : pourquoi pas ? L’idée de découvrir plein de créations me plaisait bien ; j’ai toujours aimé les choses bien faites. »
Petit intermède : l’oreille olfactive. Deux personnes du public sont invitées à choisir, parmi trois parfums – à l’aveugle toujours – celui qui correspond le mieux à la musique. Un rap musclé ? C’est évidemment La Haine de Moth and Rabbit, avec ses notes métalliques acérées, fumées et cuirées. Musique aux inspirations hawaïennes, évoquant les vacances sur une île ensoleillée ? L’écho parfait aux embruns marins et citronnés de Mami Wata, de La Seconde Affaire du pommier.
Les festivités se poursuivent, et les demis-finalistes déchus choisissent chacun un professionnel pour les représenter sur un nouveau défi. Qui d’Amélie Bourgeois (Flair) ou d’Andrea Rubini (fondateur de la marque Rubini Profumi) trouvera en premier la note carotte dans l’une des trois mouillettes anonymes ? Elle se dévoile dans Iris cendré, de Naomi Goodsir. Ex-aequo, les deux participants réitèrent l’exercice autour de la poire : Amélie Bourgeois la perçoit dans Sonic Flower de Room 1015 !
C’est finalement l’heure du moment tant attendu : cœur battant et nez aux aguets, Camille et Igor se font face, une mouillette est proposée à chacun, et en quelques secondes le plus jeune donne son verdict : « Dom Rosa ! », la création des Liquides imaginaires, lui permet de remporter le titre cette année ! (Youpi, j’avais parié sur Igor !). Philippe di Meo, le fondateur de la marque, parle de son histoire, celle d’un amour entre la rose et la vigne.
Tous les candidats se félicitent, et la soirée se poursuit dans une ambiance festive. C’est cet esprit de concours convivial, d’entraide entre les participants, que Dorothée Duret me confie avoir préférée, notamment lors des séances de coaching organisées à sa boutique bordelaise. Igor, le lauréat, précise quant à lui : « J’ai senti à l’aveugle en m’entraînant tous les soirs avec ma mère, sans utiliser de méthode en particulier. J’ai beaucoup aimé cette expérience, découvrir ces créations, mais aussi les rencontres avec les autres participants ! »
Venus de tous les univers, amateurs de longue date, collectionneurs de flacons ou simples curieux qui découvrent un nouvel univers, ils ont tous eu le courage de mettre leur nez à l’épreuve.
S’il fallait une preuve que la parfumerie peut réunir, réjouir et amuser, elle s’est assurément illustrée lors de la soirée du 16 mai. Prenons-en de la graine !
Visuel principal : Camille, gagnante du Bras de fer olfactif 2023
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