Place au naturel avec DSM-Firmenich

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Un an après la sortie de son livre Grasse, de la fleur au parfum paru chez Gallimard, la maison de composition DSM-Firmenich confirme son approche du naturel visant à « mobiliser la science au profit de la nature et de sa sublimation ». Tour d’horizon avec Xavier Brochet, directeur de l’innovation et des ingrédients naturels.

Quel regard portez-vous sur l’engouement provoqué par le naturel en parfumerie depuis quelques années ?

La nature parle à tous, et de plus en plus, si bien qu’on la retrouve dans la presse grand public de tous les secteurs : santé, alimentaire, environnement… De plus en plus averti, le consommateur a ainsi élargi ses connaissances sur les plantes via l’aromathérapie, en terroir avec la gastronomie, et en bonnes pratiques en faveur de l’écologie. Cet accès accru à l’information gomme ainsi le fossé autrefois existant entre les professionnels et le grand public. C’est un phénomène très positif, car les discours portés sur les ingrédients naturels se font désormais plus sérieux et fiables.

Mais cet engouement se confronte à un mouvement contraire : le monde de 2024 révèle de nombreuses incertitudes géopolitiques, climatiques ou financières qui secouent la filière des naturels. En effet, la reprise économique euphorique qui a suivi la pandémie a très vite été rattrapée par l’inflation. D’autre part, ce marché aujourd’hui mondialisé rencontre inévitablement quelques tensions sur différents lieux de production. Sur les dernières années, les guerres ont porté un impact majeur sur le coût de l’énergie entraînant des hausses de prix considérables pour les distillations et les extractions.

Comment progresse le marché des ingrédients naturels dans ce contexte ?

Si le marché global du parfum augmente – notamment grâce à l’ouverture de nouveaux marchés –, la consommation des ingrédients naturels ne s’est pour autant pas accrue et représente un faible pourcentage dans les parfums et les arômes. Avec l’augmentation des coûts de production, et à budget constant, les marques mettent nécessairement le naturel en moindre proportion dans la formule.
Si le marché est stable en croissance, il se montre néanmoins très fragmenté : les matières premières ayant toutes des différences de coûts, de procédés ou d’origines, les contrastes semblent encore plus éclatants qu’avant. Les filières naturelles illustrent bien de ce qui se passe dans le monde actuel : en temps de crise, certains acteurs de la chaîne peinent à survivre ; d’autres, plus aisés, ont pu faire beaucoup d’économies. 
Enfin, les enjeux d’ordre réglementaire et répondant aux exigences de responsabilité sociétales des entreprises (RSE) viennent ajouter un cadre contraignant, certes, mais bénéfique. À toutes les étapes de culture et de production, il est désormais important de suivre les mêmes règles : consommer moins d’eau, moins d’énergie, sur moins de surface cultivée, et suivre les principes de précaution.

Solvants alternatifs, nouveaux procédés d’extraction… Comment envisagez-vous l’avenir de ces ingrédients chez DSM-Firmenich ?

Dans ce contexte complexe, notre entreprise aborde le naturel sous toutes ses facettes et agit sur les trois niveaux classiques d’innovation : l’agronomie à travers la sélection variétale par exemple ; les procédés de transformation ; le réglementaire et la certification. La recherche de solvants alternatifs est un sujet qui nous intéresse depuis longtemps. Parmi tous les solvants verts identifiés, DSM-Firmenich souhaite concentrer ses recherches sur le CO2 et l’eau. En effet, ces derniers sont plus durables, plus respectueux des ingrédients fragiles, et montrent une meilleure capacité à capter toutes les facettes d’une biomasse.

L’extraction au CO2, verte avant l’heure ?

Cette technologie, aussi appelée SFE [Supercritical Fluid Extraction, ou extraction au fluide supercritique] reste une technologie majeure chez DSM-Firmenich, qui ne cesse d’investir pour améliorer en continu le procédé. Le CO2 préserve la fraîcheur de la biomasse car il permet d’extraire l’ingrédient à plus faible température. De plus, ce solvant capture un spectre plus large de facettes. Depuis son premier usage dans l’industrie du parfum en 1995 avec la baie rose, son champ n’a cessé de s’élargir. Réservé initialement aux matières sèches telles que les épices, il est utilisé depuis une dizaine d’années pour les produits frais, travaillés en petites quantités au début, puis à plus grande échelle avec notre partenaire indien Jasmine Concrete ; le jasmin fleur Inde SFE en est un bel exemple. La technologie s’ouvre désormais aux produits liquides : jus et infusions de fruits et de légumes. Enfin, en parallèle de l’évolution du type de biomasse traitée, le CO2 employé fait aussi l’objet d’améliorations majeures : auparavant extrait des poches souterraines, il est dorénavant capturé dans l’air et recyclé.

Qu’apporte l’extraction électromagnétique à la palette ?

Ce procédé d’extraction appelé Firgood[1]Firgood est une marque déposée par DSM-Firmenich. consiste à exposer une biomasse fraîche à des fréquences électromagnétiques. L’eau constitutive des ingrédients se met à chauffer, et véhicule les principes odorants de la plante. Certains naturels auparavant impossibles à extraire peuvent ainsi s’exprimer, tels que les fleurs muettes : glycine, violette, pivoine ; les fruits et légumes gorgés d’eau : poire, fraise, poivron…
Le procédé répond au besoin crucial de la réduction d’énergie employée pour la transformation, profitant d’une vitesse de transformation accrue par rapport à l’extraction conventionnelle. L’analyse des cycles de vie a en effet montré que le taux d’émission carbone du lavandin Firgood est réduit de 48% par rapport à celui issu d’une distillation classique. Les marques en perçoivent l’intérêt et les derniers ingrédients Firgood se retrouvent déjà dans les grands succès du marché : le jasmin grandiflorum Firgood signe le Fame de Paco Rabanne, la vanille Firgood, le Burberry Goddess.

Vous venez de signer un partenariat avec Interstellar Lab, en quoi consiste-t-il ?

DSM-Firmenich s’intéresse depuis longtemps aux fermes verticales en milieu contrôlé. En effet, cette démarche cherche à répondre à deux problématiques : réduire la surface au sol et diminuer les risques liés aux aléas agricoles, comme les sols fatigués, pollués, ou les accidents climatiques brutaux. À cette fin, nous faisons appel à trois différents spécialistes : d’une part, les « équipementiers », spécialisés en robotique, filtration de l’air, éclairage par LED, etc… La société Jungle, avec qui nous avions établi un premier partenariat, entre dans cette catégorie. D’autre part, des « agronomes du futur », c’est-à-dire les chercheurs capables de développer les recettes innovantes par l’utilisation de micro-organismes ou d’intrants. Enfin les « experts en informatique », qui intègrent l’intelligence artificielle et traitent les données générées par des capteurs afin d’optimiser les pratiques agricoles… Interstellar Lab est un nouveau partenaire qui s’inscrit dans les deux dernières catégories. Leur offre consiste à cultiver des plantes sur une plateforme pilote appelée « Biopod », où l’agriculture est automatisée et dans un environnement contrôlé. Cette solution permet une véritable optimisation de l’eau (recyclée à 98%), de l’énergie et de la surface exploitée. Aujourd’hui, notre partenariat se situe dans sa première phase d’étude : sur une plante stratégique identifiée [et tenue secrète] nous pratiquons toutes sortes d’expériences : sélection variétale, mise au point de recettes de cultures… Cela nous permet de comprendre les interactions entre les différentes plantes, l’impact de l’éclairage, de la ventilation, etc. Si cette étape est concluante, nous passerons en phase deux de production : les procédés élaborés seront alors dupliqués à grande échelle.

Peut-on désormais affirmer que les parfums présents sur le marché sont plus respectueux de l’environnement ?

La communication met toujours l’accent sur « l’innovation » des ingrédients, oubliant parfois que ces produits ne représentent hélas qu’une toute petite partie du marché. Extraction SFE, Firgood… Ces propositions alternatives et respectueuses de l’environnement ne s’intègrent aujourd’hui que dans les nouveaux produits. Or, si 10% du marché se renouvelle chaque année, il faudrait attendre dix ans pour qu’une innovation trouve véritablement sa place au sein des produits existants ! Reformuler un grand classique pour intégrer ces innovations implique un travail réglementaire, nous sommes donc parfois confrontés à la frilosité des marques et à la peur des réactions potentielles du consommateur si le produit venait à changer. Certaines marques commencent à montrer le chemin, à l’instar de Nina Ricci : le parfum Nina a été reformulé en version vegan, et ses notes de tête revues avec un citron d’Italie surcyclé. 

Que proposeriez-vous pour donner plus de place aux naturels dans les formules ?

Une infime quantité de naturel peut parfois être utilisée pour pouvoir être revendiquée par la communication des parfums ou sur le packaging d’un gel douche…. L’emploi du naturel doit avoir du sens : a-t-il un réel impact olfactif dans la composition ? Pour le vérifier, un test d’évaluation devrait être effectué pour déceler s’il existe une différence avec et sans l’ingrédient. Je pense qu’il faut accorder un minimum de place au naturel dans la formule, ne pas descendre en deçà d’un seuil limite au-delà duquel on perd ce fameux « sens ». Un dosage minimum permettrait d’une part d’être réellement perceptible en tant que tel et d’autre part, de garantir des revenus minimums indispensables pour pérenniser une petite filière : une dizaine de kilos sont nécessaires pour qu’un producteur puisse planter, voire monter une unité d’extraction ou de distillation si les volumes sont assurés… La marque Bulgari illustre cette démarche responsable : le joaillier s’est récemment investi dans la filière de l’élémi aux Philippines [lire le reportage dans Nez #17]. Gageons que plus de marques s’engagent ainsi, et sur un plus grand nombre de matières, afin que tout le monde puisse y trouver un intérêt, notamment les petits producteurs.

Visuel principal : © Philippe Frisée

Notes

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1 Firgood est une marque déposée par DSM-Firmenich.

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