Depuis 1990, l’Osmothèque remplit la mission unique au monde de conservatoire international des parfums, abritant créations récentes, chefs-d’œuvre disparus et formules historiques. Le parfumeur indépendant Thomas Fontaine (auteur notamment d’Epidor pour Lubin, Tubéreuse pour le Galion, Palmarola pour Le Couvent, et ancien parfumeur maison de Jean Patou) a succédé à Patricia de Nicolaï à la présidence de l’association en juillet 2020. Que propose l’Osmothèque ? Avec quels moyens humains et financiers fonctionne-t-elle ? Quels sont ses projets et son avenir ? Thomas Fontaine répond aux questions de Nez.
Comment l’Osmothèque mène-t-elle à bien son rôle de « conservatoire international des parfums » ?
Lorsqu’un nouveau parfum est lancé par une marque, nous la sollicitons afin qu’elle nous en fournisse un flacon. Il n’existe pas de dépôt légal comme à la Bibliothèque nationale de France : les marques n’ont donc aucune obligation, et nous devons régulièrement nous rappeler à leur bon souvenir. Nous en intégrons selon les années entre 100 et 150 par an. Les parfums sont ensuite conservés dans des conditions particulières, à une température de 12 degrés environ, à l’abri de la lumière. L’Osmothèque a également une mission de conservation du patrimoine écrit, et accueille les formules de créations disparues. Elles sont très sécurisées, et trois personnes doivent être présentes pour en permettre l’accès : un osmothécaire accrédité et des représentants de la Chambre de commerce de Paris et de l’Isipca. Grâce à ces formules, nous effectuons des repesées pour faire revivre des parfums disparus. Nous conservons aussi un certain nombre de matières premières disparues ou interdites par les réglementations cosmétiques qui représentent un intérêt historique – et qui peuvent être utilisées pour ces repesées. Nous avons ainsi des stocks de musc Tonkin et musc ambrette, mais ils s’épuisent. Quand il s’agit de molécules de synthèse qui n’existent plus pour des raisons de réglementation, il nous faut trouver un partenaire, comme le département chimie de l’université de Versailles.
Quelles sont vos autres missions ?
D’abord la transmission, par le biais des conférences ouvertes au grand public comme aux professionnels ou aux écoles. Il s’agit de conférences classiques sur l’histoire de la parfumerie ou sur des thèmes spécifiques selon la demande toujours illustrées de l’olfaction, qui se déroulent dans nos locaux situés au sein de l’Isipca à Versailles, ou hors de nos murs, et une fois par mois de conférences thématiques animées par des osmothécaires, organisées à Paris à l’Ipag Business School ou à l’ESCE International Business School, qui mettent à notre disposition un amphithéâtre. Depuis la crise sanitaire, nous organisons des conférences digitales qui remplacent celles en présentiel, et qui nous permettent aussi de toucher des personnes en province ou à l’étranger. Nous avons enfin une mission de recherche, que nous menons en collaboration avec des archéologues et des historiens. Nous avons notamment reconstitué le Parfum Royal de Perse à partir des écrits de Pline l’Ancien. Ce fut un travail effectué par Jean Kerléo en collaboration avec un historien pour identifier avec exactitude les ingrédients, leur proportion et le mode opératoire. La rigueur scientifique nous pousse à éviter toute interprétation qui pourrait être hasardeuse.
De quel budget et quels effectifs l’Osmothèque dispose-t-elle ?
C’est une association loi de 1901 qui fonctionne avec un budget modeste. Plusieurs sociétés sont mécènes, et le reste du financement provient des adhésions à la Société des Amis de l’Osmothèque, ouverte à tous, des entrées à nos conférences, et de nos ventes de livres et d’un parfum : l’eau de Cologne de Napoléon refaite à partir de la formule de son médecin personnel. Étant donné notre budget, l’équipe est réduite : deux permanents en charge de l’organisation de l’activité, une personne plus spécifiquement à la cave, et enfin une dizaine de parfumeurs qui sont osmothécaires bénévoles. Ils préparent et animent les conférences, assurent le contrôle qualité de la collection et les repesées de certains parfums disparus. Nous souhaiterions être plus nombreux, mais les recrutements sont difficiles : c’est une activité qui demande du temps, ce qui est difficile pour beaucoup de parfumeurs salariés.
Quel est l’avenir de l’Osmothèque ?
En trente ans d’existence, elle a beaucoup évolué, grâce au travail de Jean Kerléo et Patricia de Nicolaï [respectivement fondateur et président jusqu’en 2008, et présidente de 2008 à 2020]. Aujourd’hui, il faut aller encore plus loin, et nous avons le projet de créer un nouveau lieu plus ambitieux à Paris Nous collaborons avec la SFP (Société française des parfumeurs) et la SIPC (Société internationale des parfumeurs-créateurs) pour créer une « Maison du parfum » où ces associations seraient hébergées et permettrait à un plus grand public de découvrir nos collections et d’avoir accès à des ressources culturelles liées au parfum. Le patrimoine de l’histoire de la parfumerie doit être accessible au plus grand nombre.
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Voir le site de l’Osmothèque : www.osmotheque.fr
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