Le concert olfactif 3.0 par Firmenich

Le 25 janvier, dans le cadre du salon Art Genève, la maison de composition transalpine a proposé avec l’Orchestre de la Suisse Romande une « expérience tridimensionnelle » associant musique, images et odeurs. Nez s’est glissé au premier rang.

« Des concerts olfactifs, il y en a déjà eu, avec des mouillettes imprégnées ou des ventilateurs dispersant du parfum. Mais un concert comme celui-là, avec un collier électronique par spectateur et une alternance de seize fragrances, c’est une première mondiale ! » Monica Sanchez Pozzo, directrice des évaluations parfum chez Firmenich, a du mal à cacher son enthousiasme. Cet événement, elle y travaille depuis trois ans. Et ce mercredi 25 janvier, dans les vastes locaux de Palexpo, en périphérie de Genève, la « symphonie des sens » qu’elle a imaginée avec le parfumeur Loïc Bisceglie et le chef de l’Orchestre de la Suisse Romande Philippe Béran, « ouvre » officiellement la journée presse de la foire d’art contemporain Art Genève. Il est 11 h 50. Dans dix minutes, le carton d’invitation le promet, cinquante privilégiés vont pouvoir « écouter des fragrances, voir des sons et sentir des images ». 

Huit musiciens interpréteront un enchaînement de pièces musicales (Beethoven, Debussy, Mastrangelo, Reich…) illustrant en quatorze tableaux les moments-clés d’une journée tandis que des œuvres créées pour l’occasion par l’artiste contemporain Pascal Matthey, en écho aux thèmes choisis, seront projetées en arrière-plan. Mais avant de s’installer, il faut se munir d’un collier électronique à placer autour du cou. L’appareil, en forme de fer à cheval et à bords plats percés de petits trous, apportera à l’événement sa dimension olfactive. À l’intérieur, un ventilateur pulse de l’air à travers des capsules parfumées. Une technologie développée par la start-up chinoise Scentrealm. Son fondateur, Jim Huang, prend place parmi les invités, sans quitter du regard les deux techniciens assis derrière leurs ordinateurs. Leur rôle : commander à distance la diffusion des fragrances, en veillant à ce qu’elles soient bien synchronisées avec la musique et les œuvres projetées.

L’objet mystère, un collier diffuseur développé par la start-up Scentrealm.
Visuel © Baptiste Janin

Café, sushis et piscine

« Nous allons d’abord vérifier que vos colliers fonctionnent », prévient le chef d’orchestre. Un coup d’œil aux deux techniciens, un autre sur les participants… Qui sourient les uns après les autres. Une agréable odeur de café titille leurs narines. À une exception près – une main s’agite dans le fond de la salle – le test s’avère concluant. Une fois le collier récalcitrant remplacé, la séance peut commencer. Elle va durer une demi-heure.

Sans surprise, sur un air guilleret, la journée débute par… un petit-déjeuner. Un réconfortant fumet de confiture de fraise succède à celui du café. Le ballet des sens se poursuit : une douche (aux accents marins), un trajet dans la rue au cours duquel on perçoit l’effluve lourde du goudron puis des notes d’agrumes inattendues (doit-on reconnaître un fruit, un parfum ?), l’arrivée au bureau avec un bouquet mêlant papier et encre, une parenthèse chlorée à la piscine… On se surprend à sourire. À frissonner, parfois. La dimension olfactive renforce l’impression d’immersion, voire d’intimité. Le programme ne connaît aucun temps mort, si ce n’est un tempo plus apaisé lors du repas du midi au son de Déjeuner en paix du compatriote Stephan Eicher (devant un plateau de sushi représenté par les notes pyrazinées du riz) et, après le travail, la gentiane et les baies caractérisant l’odeur d’un gin tonic. Les mêmes agrumes que le matin réapparaissent lors d’une sortie à l’opéra et la journée s’achève, enfin, par le parfum aldéhydé des draps propres et frais. 

L’odeur de la confiture de fraise…
Visuel Guillaume Tesson

Lumières. Applaudissement. Le public a apprécié. Loïc Bisceglie, parfumeur depuis 5 ans chez Firmenich, semble également  satisfait. C’est lui qui a mis au point les fragrances, dont cette confiture de fraise « gourmande et juteuse qu’on a l’impression de manger, mise au point à partir de la molécule captive fraise FirGood ».On ne peut s’empêcher de lui demander : et cette odeur d’agrumes ? « C’est la touche romantique, la seule qui ne soit pas figurative », reconnaît-il. « Ce parfum que vous avez senti deux fois, c’est celui d’une femme croisée dans la rue, le matin, puis retrouvée de manière inattendue le soir lors d’une représentation à l’opéra ».

Monica Sanchez Pozzo reconnaît qu’il a fallu dépasser les premiers tests techniques du collier, peu concluants, pour l’améliorer et arriver au résultat actuel. Notre verdict : l’appareil apporte un relief supplémentaire à l’expérience. Les odeurs, fidèles à la réalité, s’enchaînent avec fluidité et sans rémanence. Elles ne se télescopent pas. Et sur une telle durée, une demi-heure, notre nez ne sature pas. Au contraire, il aurait aimé être sollicité un peu plus longtemps. Eugène Chaplin, fils du célèbre cinéaste, et sa fille Kiera, ont assisté au spectacle. En chœur, ils saluent ce mélange des genres harmonieux : « Quel potentiel créatif… Nous sommes vraiment séduits. Il est évident que le cinéma s’emparera tôt ou tard du procédé. » Monica Sanchez Pozzo, Loïc Bisceglie et Philippe Béran, eux, envisagent déjà de jouer les prolongations en remplissant les 1600 fauteuils du Victoria Hall de Genève. Leur objectif : « contribuer à la reconnaissance du parfum comme expression artistique à part entière ». Prometteur.

Visuel principal : Guillaume Tesson

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