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De la dinde rôtie aux clémentines, en passant par le plateau de fruits de mer et les biscuits à la cannelle, le menu traditionnel de Noël offre un véritable kaléidoscope d’odeurs… Sans oublier le sapin et le feu de cheminée, qui complètent cette atmosphère festive et familière. Pour briller lors des repas de famille, nous vous proposons notre dissection de l’ambiance olfactive de Noël, initialement publiée dans Nez, la revue olfactive #12 – Design et parfum.
Le feu de cheminée
Rien de tel qu’une bonne flambée pour réchauffer les longues soirées d’hiver. Le feu qui crépite dans la cheminée et l’odeur boisée, fumée et réconfortante qu’il répand font partie des incontournables de l’atmosphère du Noël traditionnel. Au coin de l’âtre, on inhale un mélange de guaïacol, aux facettes boisées épicées et vanillées, de syringol, qui évoque le bacon fumé, de méthylguaïacol, aux notes fumées médicinales et cuirées, et d’isoeugénol, qui sent le clou de girofle. Une bûche d’un bois plus vert, choisie pour que le feu se prolonge pendant la nuit, produira une senteur plus humide, aux relents de mousse.
Le plateau de fruits de mer
Faut-il le servir avant ou après le foie gras et le saumon fumé ? Les avis divergent, mais il n’en reste pas moins un grand classique du menu des fêtes de fin d’année. Les huîtres y tiennent la vedette avec leurs notes marines et salines. Ni l’iode ni le sel n’ayant d’odeur, elles résultent d’un mélange de molécules aux facettes soufrées (sulfure de diméthyle, pentanal), vertes (hexanal, octanedione) et aldéhydées (nonanal, decanal, nonadiénal). On peut les agrémenter de citron, aux notes vives et hespéridées de citral, ou, pour les amateurs, d’une sauce vinaigre-échalotes qui exhale quant à elle un fumet aigre dû à l’acide acétique et à des composés soufrés.
Le sapin
Êtes-vous plutôt Nordmann ou épicéa? Chargé de guirlandes, boules et autres décorations, abritant les cadeaux à son pied et embaumant toute la maisonnée de délicieux effluves résineux, c’est lui le roi de la fête! Voir dans les arbres à feuilles persistantes un symbole de vie au cœur de la saison froide n’est pas nouveau: dès l’Antiquité romaine et égyptienne, on décore les habitations de branchages lors du solstice d’hiver. Mais c’est à la Renaissance, dans les pays germaniques, que la présence des premiers sapins décorés pour Noël est attestée. Au fil des siècles, la tradition se répand ensuite dans l’Europe protestante – notamment lorsque le mari de la reine Victoria, Albert, fait dresser un sapin de Noël au château de Windsor en 1841 –, avant de se généraliser un peu partout dans le monde au XXe siècle. Longtemps hégémonique en France, l’épicéa (Picea abies) est sérieusement concurrencé depuis une vingtaine d’années par le sapin de Nordmann (Abies nordmanniana), qui représente désormais trois quarts des ventes. Originaire du Caucase, ce dernier offre l’avantage de conserver ses aiguilles plus longtemps malgré le chauffage… mais il est nettement moins odorant que l’épicéa – lequel doit principalement son parfum suave et résineux à l’acétate de bornyle boisé et camphré, à l’alpha-pinène, qui rappelle la térébenthine, au bêta-pinène frais et boisé, et au camphène, typique des aiguilles de pin. Plus discrète et plus végétale, la senteur du Nordmann s’explique quant à elle par la présence de carène, d’alpha-pinène, de bêta- pinène, de bêta-phellandrène, de limonène et de terpinolène.
Clémentines, mandarines et oranges
Leurs quartiers juteux et vitaminés font figure de rafraîchissement bienvenu à la fin des agapes. Mais c’est avant même la dégustation que les agrumes se font le plus odorants : lorsqu’on les pèle, on rompt en même temps que l’écorce les minuscules poches qui contiennent l’huile essentielle. Ce sont leurs projections qui parfument nos doigts et l’air ambiant de notes zestées, à la fois fraîches et ensoleillées. Riche en limonène et octanal, l’orange est la plus fruitée et sucrée, tandis que la senteur plus verte, plus tonique, plus amère et légèrement aldéhydée de la mandarine, originaire de Chine, est due à la présence additionnelle de gamma-terpinène, d’alpha-pinène, de bêta-pinène et de décanal. Hybride naturel des deux précédentes découvert par le frère Clément au début du XXe siècle, la clémentine a l’avantage de contenir très peu de pépins. Elle présente un profil à la fois fruité et zesté, avec des nuances métalliques qui proviennent du myrcène et du décanal.
La volaille rôtie
Qu’il s’agisse d’une dinde, d’une poularde ou d’un chapon, qu’elle soit fourrée aux marrons ou à la truffe, elle est de rigueur sur la table du réveillon. Durant l’Antiquité, les Romains organisaient déjà lors du solstice d’hiver des repas copieux au menu desquels figurait notamment une oie. La tradition de la volaille de Noël s’est ensuite perpétuée, la dinde apparaissant sur les tables européennes au XVIIe siècle: rapportée d’Amérique par Christophe Colomb, elle est alors un mets de choix. Longuement rôtie au four jusqu’à ce que sa peau devienne dorée et croustillante, elle diffuse dans la cuisine ses effluves grillés, gras, presque caramélisés. Ce bouquet irrésistible est dû à des pyrazines, parmi lesquelles la diméthylpyrazine, aux facettes de viande grillée et de café, la triméthylpyrazine, qui rappelle la noisette et le moisi, la diméthyl-éthylpyrazine, qui sent le pop-corn et le cacao grillé, l’éthylpyridine, aux notes de tabac et de cuir, et la méthylthiazole, aux intonations de légumes verts.
Les épices
Particulièrement appréciées en Alsace et dans les pays du nord de l’Europe, elles se retrouvent dans le pain d’épices servi avec le foie gras, les biscuits, le vin chaud, etc. Leur association avec la période de Noël remonte au Moyen Âge. Dans les monastères du nord de l’Europe, l’Avent était consacré à l’introspection et au jeûne, mais les douceurs aux épices restaient autorisées, ces dernières étant considérées comme purificatrices pour le corps et l’esprit. Star des épices de Noël, la cannelle doit ses notes douces et chaudes à l’aldéhyde cinnamique. Montant, légèrement médicinal et métallique, le clou de girofle est riche en caryophyllène et eugénol. Les mélanges traditionnels comprennent également des épices froides : du gingembre piquant et zesté, en raison de la présence de zingibérène, de camphène, de limonène, d’alpha- et de bêta-pinène; de la muscade boisée et aromatique, qui contient du sabinène, du terpinéol, de la myristicine et de l’alpha-pinène; et de la badiane, à laquelle l’estragol, l’anéthol et le safrole confèrent des facettes anisées.
Merci au parfumeur Serge de Oliveira (Robertet) pour ses descriptions olfactives.
Cet article est initialement paru dans Nez, la revue olfactive #12 – Design et parfum.
Visuel principal : © Jérémy Perrodeau
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Génial! vous auriez pu parler de liqueur à la fin du repas et évidemment de café qui exale
à mon avis un trésor de notes differentes