Francis Kurkdjian : « Le fonds Per Fumum a pour but de soutenir ce qui touche au parfum »

Prolifique auteur de best-sellers comme Le Mâle pour Jean Paul Gaultier, For Her pour Narciso Rodriguez, Le Parfum d’Elie Saab ou Baccarat Rouge 540 pour sa propre marque Maison Francis Kurkdjian, le parfumeur est à l’origine de la création de Per Fumum, un fonds de dotation destiné à soutenir de nombreuses initiatives autour du parfum. Nous l’avons interrogé alors que Per Fumum lance son site web en publiant une série d’entretiens de professionnels de la parfumerie constituant un fonds d’archives précieux.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de Per Fumum ?

La parfumerie m’apporte beaucoup, et je cherche à rendre un peu de ce qu’elle m’a donné. Je participe donc depuis des années à de nombreuses actions de soutien et de mécénat en lien avec le parfum. J’ai voulu les regrouper et leur donner un cadre, avec une structure, une équipe, un budget, en créant ce fonds de dotation en 2019. Il est financé par mes fonds propres qui proviennent de la cession de la marque que j’ai créée, Maison Francis Kurkdjian, à LVMH, et nous sommes également habilités à recevoir des fonds de particuliers et d’entreprises.

Quelles sont les missions du fonds ? 

Il a pour but de soutenir ce qui touche au parfum, avec une vision à 360 degrés. Cela recouvre la préservation et la mise en valeur du patrimoine olfactif matériel et immatériel français, le soutien à la création artistique contemporaine en lien avec le parfum, le soutien à la recherche scientifique liée au parfum et à l’odorat, et enfin l’organisation d’actions éducatives autour de l’olfaction.

Avec quelle équipe fonctionne-t-il ? 

Le conseil d’administration définit les projets qui seront soutenus par le Fonds : j’en suis le président, avec deux administrateurs, l’avocat Philippe-Henri Dutheil et Delphine Pinet, qui m’assiste depuis de nombreuses années. La mise en œuvre et le suivi des projets est assurée par la déléguée générale, Stéphanie Prinet Morou, qui est passée par des grands groupes de luxe et de cosmétiques, tandis que Marie Compain est chargée de notre communication. Selon l’obligation légale, l’équipe comprend aussi ce qu’on appelle des « personnalités qualifiées », qui nous apportent leur expertise : l’écrivaine Marie Desplechin, qui intervient dans le domaine éducatif, le commissaire d’exposition Alain Lardet, le spécialiste de la conservation muséale Cristiano Leone, et Stéphane Bern, qui connaît bien la problématique du patrimoine. Enfin, nous sommes épaulés par Björn Dahlström, ancien directeur des musées Yves Saint Laurent de Marrakech et Paris.

En quoi consiste Héritage(s), le premier projet soutenu par le fonds Per Fumum ? 

En discutant avec David Richard, que j’ai rencontré lorsqu’il réalisait son documentaire « La fabuleuse histoire de l’Eau de Cologne », nous nous sommes aperçus que des personnalités du monde de la parfumerie nous quittaient, comme Joséphine Catapano, auteur de Youth Dew pour Estée Lauder et de Fidji pour Guy Laroche, ou Maurice Maurin, qui a signé Amazone pour Hermès, et que personne n’avait recueilli leur témoignage avant qu’ils ne disparaissent. Nous sommes arrivés au constat qu’il y avait un manque, et qu’il fallait sauvegarder l’histoire vivante du métier. Il faut connaître le passé de la parfumerie pour pouvoir envisager son avenir. Le fonds a donc produit une série d’une trentaine d’interviews de personnalités de l’industrie : David Richard a rencontré des parfumeurs célèbres comme Pierre Bourdon ou Françoise Caron, mais aussi des figures qui sont habituellement dans l’ombre : Jean Amic, ancien patron de Roure, Elisabeth Mathieu-Madeleine, une des premières évaluatrices chez IFF, Myriam Compiani, la dernière assistante d’Edmond Roudnitska… Ce sont tous les savoir-faire de la parfumerie qu’il faut mettre en lumière, pas uniquement les parfumeurs, et parmi eux, pas seulement ceux qui travaillent pour la parfumerie fine. Nous avons également interrogé des jeunes parfumeurs comme Jérôme di Marino, car la mémoire filtre beaucoup de choses. Tout au long de ma carrière, je me suis souvent dit « j’aurais aimé échanger avec untel ou untel ». Quand je regarde les entretiens, j’ai des étoiles dans les yeux, et j’ai envie de partager ça.

Comment peut-on accéder à ces entretiens ? 

Des extraits de dix d’entre eux sont librement accessibles à tous sur notre site. L’intégralité des entretiens est disponible sur demande motivée pour les chercheurs, les journalistes, les professionnels ou les étudiants qui souhaitent consulter ce fonds d’archives.

Quels sont les autres projets soutenus par Per Fumum ?

Dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine olfactif matériel et immatériel, nous aidons financièrement l’Osmothèque, qui conserve des parfums et des archives. Pour ce qui est du volet recherche, nous avons établi une convention de mécénat avec l’institut Pasteur pour le traitement de l’anosmie, en lien avec l’épidémie de Covid. À l’avenir, concernant la dimension artistique du parfum, nous aimerions financer une chaire dans une école d’art. Enfin, concernant l’aspect éducatif de nos missions, nous aimerions financer des bourses d’études pour des jeunes souhaitant devenir parfumeurs un peu partout dans le monde, et éveiller la curiosité du grand public pour l’olfaction, un sujet sur lequel il reste beaucoup à faire. Pourquoi la semaine du goût ne serait-elle pas consacrée également à l’odorat ? 

Plus d’informations sur : www.fondsperfumum.org

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Le projet Heritage(s) est quelque chose de génial.
J’ai regardé les dix extraits, mais j’ai eu l’impression que l’un d’eux n’appartenait pas à cet endroit. Heureusement, les autres ont compensé cela.

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