Sport et parfum : les débuts d’une histoire commune

Éditions dédiées, égéries célèbres et imaginaires partagés : si le sport fait transpirer, la parfumerie n’a cessé d’y trouver un ancrage et un moyen de vendre.
À l’occasion des Jeux olympiques à Paris, nous vous proposons une plongée dans les premiers flirts entre disciplines sportives et flacons de parfum, pour mieux comprendre en quoi ceux-ci sont liés !

Les premiers Jeux olympiques connus ont eu lieu lors de l’été 776 avant J.-C. à Olympie dans le sud de la Grèce. Ils ont été créés en l’honneur de Zeus, roi des dieux. Entre guerres et conflits, la flamme olympique ne fut rallumée qu’en 1896 à Athènes et a été célébrée tous les quatre ans depuis lors (entrecoupés par les deux Guerres mondiales). En 1924, les Jeux olympiques d’hiver ont vu le jour dans les Alpes françaises. Cent ans plus tard, la France accueille de nouveau les Jeux, et les marques de parfum y voient une opportunité marketing rêvée.
Mais ce n’est pas nouveau : dès les débuts de la parfumerie moderne, les marques n’ont pas manqué de s’inspirer du sport pour imaginer de nouveaux lancements, main dans la main avec la mode. 

Jean Patou et l’Huile de Chaldée

Jean Patou est l’un des premiers à avoir initié ce lien entre sport et parfum. Il conçoit alors des vêtements adaptés aux activités en plein air, comme la jupe de la célèbre tenniswoman Suzanne Lenglen. C’est dans cette lignée, et pour accompagner les aristocrates qui s’évadent à la mer l’été et profitent d’un bronzage qui n’est plus le signe des classes inférieures, qu’il imagine ses créations : « Patou (comme Chanel) imagine des vêtements décontractés pour la plage, pour la campagne et pour les activités de plein air – à une époque où la pratique du sport se popularise et où les événements sportifs deviennent médiatiques. Dans cette veine, il propose également à ses clientes, en 1927, une huile de bronzage teintée (rouge ocre) et parfumée, l’Huile de Chaldée », explique Yohan Cervi dans Une Histoire de parfums. Suivra Le Sien, en 1929, conçu comme unisexe : « bien que demeuré confidentiel, celui-ci témoigne d’un changement des mentalités dans la manière de concevoir le parfum », poursuit-il.

Suzanne Lenglen, 1920
Photographie de presse, agence Rol
Source : gallica.bnf.fr / BnF

Lacoste, des polos et des crocos

C’est la même année que le « crocodile » est né. Surnommé ainsi par un journaliste américain à la suite d’un match acharné, le jeune tennisman français René Lacoste fait broder dès 1927 ce reptile, dessiné par Robert George, sur ses polos. Le logo devient alors un symbole et évolue au fil des campagnes publicitaires. En 1967, la marque propose son premier parfum, une Eau de Lacoste pour les sportifs. S’ensuivront d’autres créations en lien avec le sport tels que la série L.12.12 en 2011, qui fait référence au premier polo blanc inventé par René Lacoste, et Match Point, imaginé par Sophie Labbé en 2020. Aux profils aromatiques, ces parfums s’identifient au tennis et participent à l’image d’une discipline élégante. 

Le cheval de bataille d’Hermès

Une autre grande maison française entretient depuis sa création des liens très étroits avec le sport, et en particulier avec l’équitation : Hermès. Fondée en 1837, elle se consacre d’abord au travail du cuir en tant que maître sellier au 24, faubourg saint Honoré, avant d’étendre sa gamme pour s’adapter à sa clientèle. Si L’Eau d’Hermès, composée par Edmond Roudnitska en 1951, faisait déjà référence à l’univers équestre avec ses facettes de cumin et de cuir, L’Eau de Cologne d’Hermès (rebaptisée Eau d’orange verte depuis) s’accompagne de toute une campagne publicitaire mettant en scène différentes pratiques sportives. Les suivants poursuivent la tendance équestre : de Calèche (1961) signé Guy Robert à Galop de Christine Nagel (2016), jusqu’au plus récent Oud alezan (2024) dans la collection Hermessence, sans compter les nombreux échos au cuir dans d’autres créations.  

Ralph Lauren, sport d’élite

Outre Atlantique, c’est le jeune américain Ralph Lauren qui bouleverse les tendances. Celui-ci n’avait pourtant rien d’un sportif. Le styliste, qui avait pour ambition de bouleverser les codes, confectionne d’abord des cravates très larges qui évoquent le glamour du vieux Hollywood. Peu à peu, il parvient à séduire un public avec ses costumes de flanelle blanche et ses chemises habillées. En 1972, il lance une gamme de polos dans une palette de couleurs éclatantes. Suivra, en 1978, le premier parfum avec une bouteille verte distinctive au design vintage, renfermant des notes de pin, de cuir et de tabac. Pour le promouvoir, une publicité met en scène des joueurs de polo en pleine action. Ralph Lauren utilise ainsi le sport comme outil de communication, et reprend les codes de sports élitistes : le tennis, le golf, la chasse… qui répondent parfaitement aux imaginaires de la parfumerie, une industrie tenue par la classe bourgeoise. Cela lui vaudra d’être l’habilleur officiel du tournoi de Wimbledon en 2006 et de l’équipe olympique américaine en 2008 et 2024. 

Bien d’ autres marques ont suivi son exemple et choisi le sport comme outil marketing : loin de constituer une référence anecdotique, il est même devenu une véritable habitude de l’industrie. C’est ce que nous dévoilerons dans le prochain article de cette mini-série !

Visuel principal : Un saut de Rémi Weil à la piscine des Tourelles, photographie de presse, Agence Rol, 14 juin 1927. Source : gallica.bnf.fr / BnF

[Article modifié le 22 août 2024]

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Dans le sport & parfums, il y a aussi la marque de parfums d’auteurs Pont des Arts Paris qui au travers de sa collection « sport » valorise l’exigence, l’engagement et l’élégance sportive au travers de trois fragrances au nom évocateur :

– Next Tee pour le Golf, une fragance hespéridée, boisée et agreste créée par le Nez Bertrand Duchaufour,

– Chukker pour le Polo, une fragrance boisée, cuirée, orientale également créé par le Nez Bertrand Duchaufour

– et On Board pour le Yachting…, une fragrance aromatique, boisée, musquée créée par le Nez Vincent Grandjon

A découvrir ! sur pontdesartsparis.fr

Je me permets d’apporter quelques petites rectifications historiques.
Chaldée n’a pas été crée comme un parfum de sport, ni unisexe, ni pour les premiers congés payés. Le premier parfum unisexe de Jean Patou est Le Sien en 1929 et le parfum créé pour les congés payés est Vacances en 1936. Chaldée est lancé bien avant, en 1927 alors que l’aristocratie commence à partir l’été en résidence sur la côte basque et Jean Patou souhaite les habiller jusque sur la plage.
Concernant Hermès, le premier parfum n’est pas l’Eau mais une Eau de Cologne et surtout il existe le parfum H créé pendant la guerre qui est vraiment la première création de la maison.
Au sujet de Lacoste, la première création date de 1967, une Eau de Lacoste, pour le sport, commercialisée justement par Jean Patou.
Enfin quitte à parler des parfums sport pour les cent ans des JO, il faut mentionner Cross Country de Lanvin créé en 1924 pour les premiers jeux olympiques de Paris.

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