Les matières premières, naturelles ou synthétiques, sont au cœur de la composition des parfums. Leur connaissance touche au domaine de la botanique, de la science, de la réglementation… et bien sûr de l’olfaction. Fin 2019, deux étudiants de l’Isipca lançaient ScenTree, un outil en ligne de classification et d’information sur ces matières, à destination des professionnels de la filière. À l’origine simple projet de fin d’études, ScenTree est en passe de devenir une référence pour tous ceux qui souhaitent mieux connaître les ingrédients en parfumerie, ceux qui les utilisent mais aussi ceux qui les produisent ou les distribuent. Nous avons voulu faire un point avec Maxime Baud, désormais seul aux commandes de la plate-forme.
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Que s’est-il passé depuis la fondation de ScenTree, il y a deux ans ?
Il y a eu deux événements décisifs : le départ de Thomas, le cofondateur, qui a quitté l’entreprise en juin 2020, et la crise sanitaire. Je suis désormais seul à gérer le projet. J’ai donc dû apprendre à être sur tous les fronts, tout en ayant un travail à côté, puisque l’ensemble des revenus est consacré à l’optimisation du projet. Cela m’a forcé à revoir les priorités, à centrer le projet sur les aspects les plus importants, et ce plus encore avec la crise sanitaire. Mais je suis accompagné sur la partie informatique, et j’ai eu la chance de pouvoir m’entourer de personnes de bon conseil.
Comment les confinements successifs ont-ils influencé votre travail ?
Pour en saisir l’importance, il faut comprendre comment est construit ScenTree. Les ingrédients sont rangés selon leur famille olfactive, qui représente chacune une branche de l’arbre. Ce sont les descripteurs – épicé, iodé, zesté… – qui constituent les différentes ramifications. Lorsque je crée une fiche pour enregistrer un nouvel ingrédient, je dois donc lui attribuer ces descripteurs olfactifs ; mais les perceptions sont très personnelles.
Pour pallier au mieux cette subjectivité, j’organise des séances d’évaluation dans l’espace de coworking de Cinquième Sens. Malheureusement, avec les restrictions, nous n’avons pu en organiser que trois au lieu de la vingtaine prévue. Je n’ai donc pas pu ajouter à la base de donnée le nombre d’ingrédients souhaité. D’un autre côté, cela m’a permis de travailler sur les fiches déjà existantes : avec 560 ingrédients, il y a de quoi faire ! C’est un travail de fourmi qui permet de consolider et d’optimiser la base de données.
Quelles ont été les grandes évolutions qu’a connues le site ?
Deux cents ingrédients ont été ajoutés, soit 40 % du contenu du site. Mais, plus important encore, j’ai intégré et consolidé les données de l’IFRA, ajoutant les réglementations sur chaque fiche ingrédient, ce qui a constitué un gros travail. De nouvelles catégories d’information ont également vu le jour, comme par exemple le seuil de détection pour les matières synthétiques. Beaucoup de développements informatiques ont été réalisés pour faciliter l’accès au site ; certaines pages ont été ajoutées, comme celle des nouveautés. Mais grâce aux soutiens financiers des partenariats, de nouvelles fonctionnalités verront bientôt le jour.
Pouvez-vous nous dévoiler un exemple ?
La principale évolution sera la possibilité de créer son propre compte sur le site, avec comme objectif de pouvoir modifier la classification pour qu’elle corresponde au mieux aux perceptions de chacun. Par exemple, si j’ai classé la bergamote dans la catégorie hespéridé et vert, mais qu’un utilisateur perçoit plutôt des facettes florales, il pourra modifier sa place dans sa classification, qui ne sera accessible que par cet utilisateur. Les autres ne seront pas concernés par ce changement. Cette fonctionnalité importante et très demandée est prévue pour le premier semestre 2022.
Comment procédez-vous pour recenser les nouvelles matières premières ?
Cela se fait au fur et à mesure des discussions avec les sociétés. Certaines m’envoient un échantillon de leurs matières – d’autres ne savent pas qu’elles peuvent le faire. Il sera ensuite évalué lors des séances. Je peux également être intéressé par une matière en particulier – l’ylang ylang, par exemple – et pour pouvoir faire des comparaisons en séances d’olfaction, je demande alors des échantillons aux différents fournisseurs. Cela me permet de gagner en précision au niveau des descriptions et ainsi en objectivité dans la classification.
Savez-vous qui sont les principaux utilisateurs du site ?
Il s’agit majoritairement de femmes, entre 18 et 30 ans, des français et européens principalement et, dans une grande majorité, de personnes travaillant dans l’industrie. Mais nous avons un public plus large sur les réseaux sociaux, comme nos pages Instagram et Linkedin : nous y publions un contenu exclusif, avec notamment de nombreux “fun facts” au sujet des ingrédients. Ils offrent une autre lecture des molécules, permettant de comprendre la parfumerie différemment.
Quels sont vos différents partenariats en cours ?
J’ai noué des partenariats de différentes natures avec des acteurs importants de notre industrie. Dès le lancement de Scentree, nous avons ainsi reçu le soutien de Cinquième Sens qui met à disposition son espace de coworking, dans le 7e arrondissement de Paris, pour les séances d’évaluation des matières premières que j’organise régulièrement.
L’Isipca, dont je suis diplômé, m’a également accompagné, à travers une aide financière mais aussi par le biais des enseignants, qui m’aident à compléter la base de données lorsqu’ils le peuvent.
Un autre enjeu essentiel de la vie du site est sa capacité à financer son développement. Le modèle actuel de ScenTree repose ainsi sur la mise en avant payante des producteurs de matières premières sur les fiches des matières qu’ils distribuent. C’est aussi ce qui permettra de maintenir un accès au contenu gratuit.
Je tiens d’ailleurs à remercier la société Quosentis, et sa fondatrice, Julie Rochon, qui a été la première à nous faire confiance. Elle est déjà présente sur une trentaine de matières et nous venons de renouveler notre partenariat.
Pour m’accompagner dans cette commercialisation, je travaille désormais avec la régie publicitaire de Nez, en particulier avec Dominique Brunel. C’était finalement un rapprochement assez logique, puisque Nez a été le premier média à nous soutenir, et que son équipe est régulièrement au contact des maisons de composition et des fournisseurs de matières premières. Cela me permet de mon côté de me concentrer sur la classification elle-même et sur les nouvelles fonctionnalités du site.
Nez est aussi un levier pour la communication de ScenTree et lui ouvre de nouvelles opportunités. Ainsi, pour la première fois, nous sommes partenaires du salon Beautyworld Dubaï qui se tiendra en octobre prochain.
Que peut-on vous souhaiter ?
Je souhaite que ScenTree devienne la référence pour les ingrédients de la parfumerie, que l’on puisse le percevoir comme un outil à la fois professionnel, pédagogique et collaboratif. Avec une base de données plus riche, une forte visibilité offerte aux producteurs d’ingrédients et plus d’interactions entre les utilisateurs, j’aimerais que ScenTree devienne un « Wikipédia social » des matières premières de parfumerie !
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- Découvrir Scentree : www.scentree.co
- Suivre ScenTree sur les réseaux sociaux : Instagram / Linkedin
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