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Cet article a été écrit en partenariat avec Mane.
Entre une absolue de jasmin sambac indien, un musc de synthèse et une molécule boisée issue des biotechnologies, qui pèse le plus sur nos ressources environnementales ? Afin d’obtenir une réponse objective et chiffrée au-delà des idées reçues, Mane a développé un outil d’évaluation basé sur les principes de la chimie verte. Une occasion d’améliorer les pratiques, mais aussi de faire évoluer les méthodes de formulation des parfumeurs.
Alors que l’appétit des consommateurs pour le « green » ou le « clean » n’a jamais été aussi fort, en parfumerie comme ailleurs, le flou règne sur ces notions, qui ne sont encadrées par aucune définition ou certification spécifique. Comment savoir ce que l’élaboration d’un parfum a réellement coûté à la planète ? Pour évaluer l’impact des ingrédients naturels et synthétiques de sa palette sur l’environnement et sur la santé humaine, la maison de composition française Mane a créé dès 2011 Green Motion. Cet outil permet d’attribuer à une matière première une note correspondant à son empreinte écologique. « Nous avons décortiqué les douze principes de la chimie verte pour mettre en place une grille d’évaluation quantifiable, ce qui n’existait pas à l’époque », précise Mathilde Voisin, marketing manager ingrédients au sein de la société.
Ces principes ont été regroupés en sept grands thèmes : le caractère renouvelable ou non de la matière première de départ, le type et le nombre de solvants utilisés le cas échéant, la toxicité de ces derniers et celle des matières premières pour l’homme et l’environnement, l’efficacité du processus d’obtention, la consommation énergétique nécessaire, l’impact du produit fini et des sous-produits, et enfin la quantité de déchets générée.
Sortir des discours simplistes
Ainsi passé au crible, chacun des 2500 ingrédients de la palette du parfumeur obtient une note entre 0 et 100. Plus le score est élevé, moins l’ingrédient a d’impact sur la planète. « Aucune matière ne peut obtenir 100 », rappelle Mathilde Voisin. « Dès qu’il y a transformation, il y a un coût pour l’environnement. Le but est donc d’améliorer les procédés de fabrication de nos ingrédients pour s’approcher de la note maximale » Les huiles essentielles et les extraits supercritiques obtiennent généralement une note élevée, au dessus de 50, tout comme les ingrédients issus des biotechnologies, alors que les absolues ont un score en dessous de la moyenne. Quant aux molécules synthétiques, leur score est très variable : si certaines se voient attribuer un Green Motion proche de zéro, d’autres se révèlent plutôt bonnes élèves. « Nous prenons en compte de nombreux aspects du développement durable, au lieu de nous focaliser sur certains comme le naturel ou la biodégradabilité, ce qui est réducteur », souligne notre interlocutrice. De quoi sortir des discours simplistes et de la diabolisation de la chimie. Alors que l’absolue de fleur d’oranger obtient par exemple un Green Motion de 36, la Bigarane, une molécule de synthèse évoquant le petitgrain, obtient un score de 62 plus doux pour la planète. Si elle est issue d’une matière première naturelle et renouvelable, la première nécessite cependant l’utilisation de solvants pétrochimiques, souffre d’un rendement faible, produit beaucoup de déchets et contient des allergènes, ce qui fait baisser sa note. À l’inverse la seconde, synthétique, a un bon rendement, génère peu de déchets, emploie un solvant qui a moins d’impact sur l’environnement et elle est hypoallergénique. Contre toute attente, la nature peut donc parfois être moins « clean » que la synthèse. Mais on a toujours tendance à communiquer des choses simples (comme le 100% naturel), alors que la réalité est souvent plus complexe à énoncer…
Au-delà des ingrédients, Green Motion s’applique aux compositions des parfumeurs et des aromaticiens travaillant chez Mane : la note de chaque matière intervenant dans la formule est alors pondérée en fonction du pourcentage utilisé, afin d’établir une note globale. Une donnée désormais scrutée par de nombreux clients de la maison de composition – un outil en ligne leur permet d’ailleurs de calculer le Green Motion de leur produit ou d’un de ses constituants. « Certaines marques nous demandent des retravaux pour améliorer la note Green Motion de leurs formules », rapporte Mathilde Voisin. « Disposer de données chiffrées permet de se fixer facilement des objectifs, pour nos clients comme en interne. » Alors que 69% de son portefeuille d’ingrédients présentait un score supérieur à 50 en 2015, la société a atteint les 80% pour 2021. Dans cette perspective, elle cherche constamment à améliorer les procédés d’obtention de ses matières premières : limitation du nombre d’étapes nécessaires, amélioration des rendements, réduction des déchets…
Une nouvelle contrainte
En 2013, un logiciel a été développé à destination des parfumeurs et des aromaticiens, afin qu’ils puissent soumettre eux-mêmes leurs compositions au barème Green Motion. « Quand je saisis ma formule sur mon ordinateur, l’indice de chaque matière première apparaît à l’écran, ainsi que le chiffre global qui est calculé instantanément », décrit Violaine Collas, parfumeur senior. « Au début, je le consultais pour moi, c’était ma contribution pour la planète. Mais c’est devenu un paramètre à prendre en compte dans de nombreux projets. » Une nouvelle contrainte dans l’exercice délicat de la formulation.
Les ingrédients bien notés voient leur cote monter en flèche : l’Orcanox dispense généreusement ses intonations boisées chaudes, comme le Nérolidol, une note florale transparente peu usitée il y a encore quelques années, revient en grâce. À l’inverse, les cancres de l’impact environnemental doivent être évités. « On ne peut pas tricher avec le Green Motion. Si dans une formule qui doit atteindre un certain seuil, j’utilise une matière avec une mauvaise note, je suis obligée d’en mettre moins, de la supprimer ou de la remplacer », poursuit la créatrice.
Les muscs en ligne de mire
Mais toutes les matières ne sont pas logées à la même enseigne. Celles qui sont employées en faibles quantités, comme les huiles essentielles ou les absolues, n’auront finalement que peu d’influence sur le résultat final. En revanche, les muscs, qui occupent une grande part des formules contemporaines et sont souvent coûteux en matière d’empreinte écologique, peuvent peser lourd dans la balance. « Je privilégie l’Ambrettolide, qui obtient un très bon score. Ou j’opte pour la Muscénone, mal notée certes, mais très performante, et que l’on peut donc doser avec parcimonie », confie Violaine Collas.
Selon elle, les exigences croissantes des marques quant à la préservation de l’environnement font évoluer la manière dont les parfumeurs pensent leurs créations : « Quand on utilise un ingrédient, il doit réellement avoir un sens : pourquoi noyer sa composition dans l’Hedione, néfaste pour l’environnement, alors qu’on peut choisir de ne mettre que 5% d’Hedione HC, plus chère, mais plus qualitative ? Le Green Motion permet une réflexion bénéfique sur la puissance des matières et leur place dans la formule. »
Pour en savoir plus : www.mane.com/innovation/green-motion
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