Tranoï est un salon qui réunit quatre fois par an des créateurs de mode, sur trois lieux différents, et qui depuis son lancement en 1992 est devenu un événement incontournable, rassemblant la mode femme, homme, et depuis janvier, des parfums.
Nous avons rencontré Martine Hadida, directrice artistique et fondatrice avec son époux Armand des boutiques L’Eclaireur à Paris, également à l’initiative du salon Tranoï et de sa récente ouverture aux parfums. (La 2e édition de Tranoï Parfums a eu lieu du 25 au 27 juin dernier).
Comment les parfums sont-ils arrivés à Tranoï ?
Nous avons décidé cette année d’inviter un espace parfum parce que cela nous manquait. Aujourd’hui avoir un salon uniquement de mode n’a pas de sens, car la mode fait désormais partie d’un lifestyle, on doit s’habiller de la tête au pieds, à l’extérieur comme à l’intérieur.
Le parfum est un grand enjeu aujourd’hui, évidemment il y a toujours les grandes maisons, les Sephora, incontournables dans le monde entier, les grands magasins, et puis un nouveau phénomène qu’on appelle les parfums niche, qui proviennent de la fantaisie, de la créativité, de l’esprit, de la spontanéité de certains créateurs.
Ce qui n’empêche pas ces créateurs de travailler avec les mêmes grands groupes que les marques plus classiques. Les marques présentes ici sont très professionnelles, on n’est pas dans une niche où on va faire un “jus de grenouille” dans son petit coin, ça reste très pro.
Quels points communs observez-vous entre la mode et le parfum ?
On assiste à un parallèle entre ces parfums et la mode : il y a eu la mode avec les grandes maisons de couture – qui appartiennent souvent aujourd’hui aux grands groupes – et puis ce qu’on a appelé les créateurs, comme ceux que nous représentons ici (moins connus, moins importants ou émergents, de par leur dimension, leur distribution…). Et puis on s’est aperçu que les grandes maisons de couture avaient besoin d’aller chercher leurs créateurs dans les marques niches et c’est exactement ce qu’ils ont fait, aujourd’hui ils sont nombreux, et il n’y a plus que ça chez les marques, d’ailleurs le créateur devient plus important que la marque, à tel point que lorsqu’ils partent, on serait plus volontiers enclin à suivre le créateur plutôt que la maison !
Ce qu’on voit d’intelligent ici avec les parfums, c’est qu’il y a des regroupements, qu’on ne voit pas forcément dans la mode, où chacun travaille dans son coin. Dans le cas du parfum, il y a des groupes qui se forment, des jeunes marques, des jeunes entrepreneurs et ça fait vraiment plaisir car cela peut être une force. Ils ont une grande activité sous-marine, elle est là, elle est pas forcément visible aux yeux de tous, mais nous le savons car nous travaillons avec eux.
Quelle est votre démarche quand vous rencontrez une nouvelle marque de parfum ?
Pour sélectionner une marque pour l’éclaireur ou Tranoï, c’est exactement la même démarche que dans la mode : d’abord le coup d’oeil général, sur l’environnement du produit, c’est très important de voir comment il est proposé, à travers la présentation, le packaging, et surtout les gens, qui savent en parler ou pas, et là on a des gens qui savent vraiment et qui vont vraiment raconter une histoire, c’est très important, surtout pour les parfums.
J’ai la chance de connaître Philippe Di Meo depuis toujours, et des histoires ils nous en racontent des belles depuis quelques années, et je crois qu’il a fait des émules !
Parfois, avez-vous des mauvaises surprises en sentant les parfums dont vous aimiez la présentation ?
Oui, ça arrive, mais je suis assez modeste et je ne dis rien, je donne juste mon avis, mais comme je sais par expérience que les goûts en parfum sont encore plus diversifiés que dans la mode, je ne suis pas tellement su
rprise en fait, je me dis que ça pourra plaire à d’autres personnes.
Ensuite, quand vous avez 5 ou 6 références dans une gamme, ça va, mais quand il y en a 12 d’un coup, en général c’est mauvais signe. Par exemple, j’ai beaucoup aimé BDK, une nouvelle marque qui vient d’être lancée (disponible chez Liquides).
Quels sont les créateurs qui ont le mieux réussi à la fois en mode et en parfum selon vous ?
Comme des Garçons, avec sa fondatrice Rei Kawabuko, et sous la direction artistique de Christian Astuguevieille, parvient à maintenir une continuité à la fois dans ses vêtements et ses parfums.
Je porte CDG 2 depuis sa sortie, rien d’autre, c’est mon souffle de vie du matin, j’en ai besoin tous les jours.
Mon mari (Armand Hadida, fondateur de l’Eclaireur) porte Prada pour homme, c’est moi qui choisis ses parfums, et là il porte un des nouveaux parfums de Starck (qui seront lancés à la rentrée).
Pensez-vous que la présence croissante du parfum dans des lieux qui vendent d’autres produits puisse être un atout pour la parfumerie ?
L’Eclaireur a toujours mélangé des choses : mode, design, oeuvres d’artistes, mobilier, comme dans les salons. Les parfums s’y sont intégrés comme une évidence.
En Italie, et aux Etats Unis, on voit de plus en plus de concept stores, qui mêlent aussi différents univers, car on vient y chercher une inspiration, un mode de vie. Les gens ont besoin d’être éduqués, initiés aux belles choses, y compris olfactivement et pour ça il faut sortir du Sephora !
Des marques qui interpellent vos clients plus que d’autres ?
Nasomatto interpelle pas mal, d’abord visuellement, avec leurs beaux bouchons, puis olfactivement.
Vos prochains projets ?
Un grand bar à parfums à la boutique Boissy d’Anglas.
Et comme L’Eclaireur adore les mélanges de genre et les collaborations, et qu’Armand est un passionné de gastronomie, nous proposons tous les mois dans la cuisine de notre boutique rue Hérold des cours de cuisine pour dix personnes dispensés par Julian Mercier, le chef de l’école de cuisine d’Alain Ducasse. Du nez au palais, il n’y a qu’un fil !
Propos recueillis le 26 juin sur le salon Tranoï Parfums
- Tranoï Parfums : http://www.tranoi.com/news/192/tranoi-parfums
- L’Eclaireur : http://www.leclaireur.com/fr
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