L’Australie a aujourd’hui supplanté l’Inde, pays à l’origine du bois sacré, dans la production de santal. Premier exportateur mondial, Quintis a bâti une stratégie de développement sur le long terme pour garantir des rendements – et des prix – réguliers.
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Contemplé depuis le ciel, le panorama est à couper le souffle : des parcelles d’arbres à perte de vue, sillonnées par des routes de couleur ocre. Au sol, en chemise orange, chapeau à large bord et bermuda, des hommes et des femmes s’affairent à l’ombre des branchages. Ces employés, qui posent des capteurs sur les troncs pour mesurer la pousse quotidienne ou s’assurent d’une juste irrigation, travaillent pour Quintis, le leader mondial de la production de bois de santal blanc. « Disposant de 5,5 millions d’arbres répartis sur 12000 hectares, notre entreprise fournit dans le monde entier les secteurs de la parfumerie fine, des cosmétiques, de l’aromathérapie, de la médecine traditionnelle ou encore de l’ameublement, sous forme de bûches, de copeaux, de poudre et d’huile essentielle », détaille Vanessa Ligovich, directrice marketing. Sur les trois espèces utilisées en parfumerie, Quintis cultive et distille principalement Santalum album, originaire d’Inde, mais distille aussi Santalum spicatum, australienne.
La première variété, exploitée localement depuis 1999, est directement issue de plants indiens de la région de Mysore, berceau de la culture historique. Son surnom : « Roi des bois ». Elle s’est acclimatée facilement dans le nord de l’Australie, qui partage le même climat tropical que le sud de l’Inde. La teneur de son essence en alpha- et bêta-santalol, gage de finesse olfactive et de propriétés bienfaisantes, est élevée (70 à 90%). L’odeur, douce, mêle le boisé et le crémeux.
La seconde variété, endémique, pousse sur les terres semi-arides du sud-ouest de l’Australie. Ce « Prince des bois », peu utilisé en parfumerie fine, contient moins d’alpha- et de bêta-santalol (20 à 40%), et son profil olfactif exhale une note de tête plus verte, plus fraîche, ainsi qu’un fond plus terreux, terpénique et fumé.
Des plantations pour plusieurs décennies
Quintis produit donc un santal 100% local, fort d’infrastructures réparties sur trois sites australiens. Deux au nord : une unité à Kununurra où le bois coupé est traité, une pépinière à Katherine pour les semis. Et, à près de 4000 kilomètres de là, une usine de distillation à Albany, à l’extrême sud de l’Australie-Occidentale. Des sites auxquels il faut ajouter un entrepôt à Xiamen, en Chine. Client majeur, ce pays reste un grand consommateur de dérivés du santal, notamment pour la médecine traditionnelle. La culture chinoise partage ainsi avec deux tribus aborigènes l’usage du santal pour ses vertus antiseptiques et anti-inflammatoires. En effet, les Noongar et les Martu le cultivaient déjà. À une échelle bien modeste, on l’imagine, au regard de l’étendue des plantations actuelles de ses clients pendant plusieurs décennies. Fondée en 1997 sous le nom de Tropical Forestry Services (TFS), la société a élargi ses capacités de production en rachetant en 2008 Mount Romance, un spécialiste de la distillation d’huiles essentielles. Elle a opté pour son nom actuel en 2017, fusionnant le « quint » de quintessential (« quintessence ») avec la première lettre des mots indian (« indien ») et sandalwood (« bois de santal »). Au fil des années, les innovations techniques se sont multipliées, comme la mise au point par un processus naturel d’arbres capables de fournir un duramen (la partie centrale du tronc, dont on distille les copeaux) offrant un rendement jusqu’à 18% plus important. L’intégralité des produits manufacturés par Quintis ne subit ni emploi d’hormones de croissance ni modification génétique.
Un apport en eau millimétré
Sur le terrain, les employés s’appuient sur des pratiques respectueuses de l’environnement. Aucun engrais ni hormone artificiels ne sont utilisés. « Les deux tiers de nos plantations sont irriguées par un système de goutte-à-goutte, qui permet d’économiser jusqu’à 75% d’eau par rapport à un arrosage classique », souligne Vanessa Ligovich. Le sol est ponctué de sondes, plongées à des profondeurs différentes, évaluant constamment l’apport hydrique. Un apport d’autant plus réduit que les arbres sont élagués pour que leur feuillage consomme le moins d’eau possible. Au cœur du processus, les énergies renouvelables représentent 40% de la consommation d’énergie. Sur le site d’Albany, la chaudière à biomasse est alimentée par les déchets de bois écartés de la chaîne de production : la chaleur générée fournit la vapeur pour la distillation. De quoi réduire chaque année de 65% les émissions d’origine fossile. Depuis 2011, dans l’usine, l’eau est purifiée par un système mettant à l’œuvre des bactéries, avant d’être réutilisée dans les colonnes de refroidissement. Une initiative qui a valu à Quintis le titre de champion par la Western Australian Water Corporation. Sachant qu’un arbre devient adulte autour de ses 15 ans, le succès sur le long terme passe par ces précautions. Il y a quelques années, le prix du bois de santal a augmenté, faute de matières premières suffisantes. « Actuellement, un kilo d’huile essentielle coûte au minimum 2100 à 2500 dollars. Nous nous attendons à un retour à la normale durable, car les volumes sont aujourd’hui plus réguliers », explique Vanessa Ligovich. Une stabilité dans l’intérêt de tous, y compris celui du client final.
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Ce texte est issu du livre publié par Nez De la plante à l’essence – Un tour du monde des matières à parfums (juin 2021)
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