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Officiellement lancée à Esxence en 2015, disponible dans plus de 120 pays, la marque turque rend hommage aux racines, à l’art et à l’histoire de l’ancienne Constantinople, à mi-chemin entre les cultures occidentales et orientales. Entretien avec ses co-fondateurs.
Aucun de vous deux ne se destinait à travailler dans l’industrie du parfum. Quel parcours vous a conduit à créer Nishane ?
Murat Katran : Comme Mert, je suis né et j’ai grandi à Istanbul. J’ai été directeur des exportations dans la sidérurgie. Mais j’ai toujours cultivé une fibre artistique, notamment en jouant professionnellement au théâtre pendant treize ans.
Mert Guzel : Diplômé en sociologie à l’Université de Galatasaray, j’ai lancé en tant qu’éditeur une collection de beaux livres sur les plus grands hôtels de Turquie. Nos carrières respectives nous ont conduits, Murat et moi, à nouer des contacts dans le secteur du luxe. Un jour est née l’idée de créer des parfums inspirés par Istanbul. En turc, Nishane se traduit par trace, signe ou symbole. Pour nous, ce symbole, c’est la ville elle-même.
En quoi Istanbul vous inspire-t-elle ?
Mert : Ici, les cultures occidentales et orientales se rejoignent pour former une harmonie unique. Il reste des traces de chacune d’entre elles et pour nous c’est une bénédiction. La musique, les œuvres d’art, la nature et même la manière dont s’expriment les quatre saisons rendent les lieux particuliers. Cela nous permet d’en tirer le meilleur parti. Nous n’avons pas été formés à la parfumerie dans le sens où nous ne formulons pas nous-mêmes en laboratoire. Notre rôle, c’est d’écrire une histoire. Celle-ci engendre des émotions qui nous inspirent un répertoire olfactif. Il n’y a rien de plus excitant que de parvenir à transmettre nos histoires dans un flacon de parfum.
Murat : Comme vous le savez, Istanbul représente depuis des siècles l’une des villes les plus mystérieuses de l’histoire humaine. Dès que vous commencez à découvrir ses facettes cachées, votre imagination galope ! Ces terres ont accueilli tant de civilisations et de religions différentes que nous ne pouvons que nous sentir inspirés jour après jour. Istanbul constitue littéralement un pont entre les cultures. Cette richesse bénéficie aux directeurs de création que nous sommes.
Quels sont les créations dont vous êtes le plus fiers ?
Mert : Nous sommes très fiers, entre autres, de notre trilogie inspirée par le théâtre d’ombre turc, un art mettant en scène des marionnettes traditionnelles. Chaque parfum représente un personnage emblématique. Hacivat évoque l’élégance, la bienveillance, le talent et l’amour de l’art. Ce chypre est censé aider la personne qui le porte à vivre ses plus grands rêves grâce à son sillage persistant et pétillant, avec ses notes stimulantes d’ananas et de bergamote évoluant vers un fond boisé. Zenne fait référence à la beauté, l’énergie, la confiance en soi et la séduction. Inspiré par un personnage féminin, Zenne vous transporte vers les mystères de jardins paradisiaques emplis de plaisirs et de romantisme, avec son mélange assumé de notes fruitées et florales sur un socle de vanille, d’ambre gris et de musc. Karagoz représente les plaisirs de la vie, la spontanéité et la sincérité. Son départ joyeux autour de l’ananas et de notes herbacées fait place à une forte personnalité avec un cœur opulent de néroli, de jasmin et de patchouli. Le vétiver, le bois d’agar et l’ambre donnant les derniers coups de pinceaux pour esquisser ce personnage enjoué.
Quelle marge de liberté laissez-vous aux parfumeurs qui créent pour vous ?
Murat : Avant de nous mettre d’accord sur la narration, nous essayons de lister les notes olfactives susceptibles de nous aider à mettre en avant les émotions ou l’état d’esprit que nous souhaitons proposer. Ensuite, nous recherchons le parfumeur que nous estimons capable de porter le projet. Nous pouvons alors commencer à cheminer avec lui. Nous sentons autant que possible pendant la phase de création, au point d’endosser à moitié le rôle de parfumeur.
Lorsque vous mettez au point un nouveau parfum, pensez-vous à une cible en particulier ?
Mert : Pour nous le plus crucial est de réussir la partie storytelling. Peu importe que ce nouveau parfum soit en phase ou pas avec le marché. En tant que marque, c’est le mode narratif qui nous préoccupe le plus. Nous sommes ravis que Nishane soit considérée comme l’une des maisons de niche les plus avant-gardistes. Notre objectif est de proposer à chaque fois quelque chose de nouveau.
Quels marchés ciblez-vous en priorité ?
Murat : En un mot : le monde entier. Nos créations sont disponibles dans plus de cent-vingt pays à travers le monde.
En quoi est-ce important pour vous d’être présents à Esxence ?
Mert : Nous avons noué des liens très forts avec ce salon, où nous avons lancé la marque en 2015 après cinq ans de genèse. Nishane a désormais acquis une renommée internationale. Nous ne recherchons pas particulièrement de nouveaux partenaires en participant à Esxence. Mais nous sommes très heureux en même temps de retrouver tous les acteurs qui ont multiplié les efforts pour nous permettre d’en arriver là, de leur présenter nos nouveautés et de fêter tous ensemble notre succès.
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- Plus d’informations sur le site de Nishane : nishane.com/
DOSSIER « NICHE ET CONFIDENCES »
- Une parfumerie confidentielle de moins en moins rare, par Jessica Mignot
- Sylviane Lust (Beauty by Kroonen) : « Nous choisissons des parfums complexes qui évoluent sur la peau, et où la liberté offerte au parfumeur est perceptible. », par Jessica Mignot
- Karine Torrent (Floratropia) : « Selon moi, la parfumerie 100% naturelle est la nouvelle niche », par Jessica Mignot
- Barbara Herman (Eris Parfums) : « Consciemment ou non, j’ai tendance à explorer pour chaque nouveauté une piste très différente de la précédente », par Sarah Bouasse
- Cécile Zarokian : « Il est possible de s’imposer face aux grandes maisons de création », par Guillaume Tesson
- Pissara Umavijani (Dusita) : « La plus grande difficulté pour un parfumeur, c’est d’exprimer sa signature dans des registres différents », par Sarah Bouasse
- Clara Feder et Michel Gutsatz (Le Jardin retrouvé) : « Nous cherchons à construire une collection équilibrée, tout en suivant notre devise : l’avant-garde en héritage », par Jessica Mignot
- Liam Sardea (LKNU) : « Nous essayons d’amener chacun à dessiner, dans ce vaste cosmos, sa propre constellation », par Sarah Bouasse
- Nathalie Feisthauer (LAB Scent) : « Pour moi, la niche, c’est une définition de la beauté », par Guillaume Tesson
- Dhaher bin Dhaher (Tola) : « Je consacre de plus en plus de temps au décloisonnement des cultures olfactives », par Guillaume Tesson
- Franco Wright (Luckyscent) : « Les habitués des créations grand public voient que la niche pousse la parfumerie dans des directions plus intéressantes », par Anne-Sophie Hojlo
- Luca Maffei (Atelier Fragranze Milano) : « La parfumerie de niche me permet de prendre tous les risques », par Jessica Mignot
- Murat Katran & Mert Guzel (Nishane) : « Istanbul constitue littéralement un pont entre les cultures », par Guillaume Tesson
- Agnieszka Lukasik (Galilu) : « Aujourd’hui, ce sont les marques qui viennent à nous », par Anne-Sophie Hojlo
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