Dans son film Perfect Sense sorti discrètement en 2011, David Mackenzie avait souhaité avant tout traiter la question de l’amour sous un angle nouveau. Il en avait trouvé le moyen audacieux, en invitant dans son scénario un virus privant progressivement l’humanité de ses sens. Tout au long de cette fiction, ce déclencheur narratif très puissant parvient à pousser Ewan McGregor et Eva Green au défi, dans l’expérience de leur relation naissante. Mais ce qui retient aujourd’hui notre attention relève davantage de ce levier narratif que de la finalité recherchée, projetant le public dans une expérience transformée à l’aune de la crise sanitaire actuelle.
Annoncée lors du lancement de son premier numéro en 2016, l’intention de la revue Nez se résumait — et se résume toujours — à l’exploration du monde et du rapport que nous entretenons avec lui par le biais de notre sens de l’odorat. Cette ambition a toujours suscité une grande curiosité, tout en se heurtant systématiquement au doute : est-ce suffisamment riche et déterminant pour en faire le sujet d’un magazine, d’une maison d’édition, d’un mouvement culturel ? Ce film démontre de manière aussi simple qu’évidente ce que devient un individu sans son nez d’abord, puis sans l’usage de ses autres sens ensuite. Enfouis sous des centaines d’années d’une culture toujours plus sophistiquée, l’odorat, le goût, la vue, l’ouïe et le toucher n’en restent pas moins la clef de notre humanité, que la relation amoureuse, principal sujet du film apparaissant désormais et malheureusement comme un prétexte, vient révéler avec une puissance effrayante.
« La vie continue », formule à la fois résignée et chargée d’espoir, est ce à quoi se raccrochent les protagonistes de cette funeste aventure, malgré la disparition progressive de leurs sensations. Qui pourrait leur donner tort ? On peut ne plus rien sentir et pour autant continuer à respirer. Mais lorsque ce sont les souvenirs et la mémoire qui commencent à s’évaporer, empêchés par la disparition de leurs révélateurs quotidiens, l’individu finit par tomber dans l’oubli, de lui-même et de ce qui le constitue, de tout ce qui l’entoure. « La vie continue », certes, mais elle se vide progressivement de son sens. Notre culture comme finalité, nos sens comme moyens, cette vision réductrice est mise à mal dans ce film comme dans ce que nous vivons aujourd’hui : la relation complexe et indissociable entre les sens et la culture mérite plus que jamais d’être profondément explorée. Déprimant, édifiant, Perfect Sense est accessible gratuitement sur arte.tv jusqu’au 16 mars. Ne tardez pas !
Mais bien sûr que l’odorat est l’un de nos sens les plus capitaux ! Et le lien avec l’amour, le désir devrais-je dire est évident …Preuves en sont des petits mots doux que j’ai trouvés par hasard dans le bureau de ma fille, parfumés avec l’eau de senteur de son amoureux. C’était pour moi la même chose quand j’ai rencontré l’homme de ma vie à 18 ans !