Concours de Bagatelle : à la découverte des roses de demain

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Depuis 1907, le concours international de roses nouvelles de Bagatelle récompense des rosiers remarquables pour leur beauté ou leur parfum. Pour cette 116e édition, Nez faisait partie du jury, aux côtés notamment de Jeanne Bichet, évaluatrice chez Luzi. Reportage.

« Celui-là n’a pas beaucoup de fleurs, mais elles ont une teinte originale et lumineuse.Il présente un beau feuillage, sa silhouette est bien ramifiée, on a un parfum assez présent, légèrement épicé… Alors, on lui met combien ? » Ce jeudi 15 juin, la roseraie du parc de Bagatelle bourdonne de petits groupes armés de stylos et de carnets de note. Comme chaque année depuis 1907, le célèbre jardin situé dans le bois de Boulogne à Paris accueille le concours international de roses nouvelles de Bagatelle. Pionnier du genre à sa création, il a depuis été rejoint par de nombreuses compétitions à travers le monde, jusqu’au Japon et en Nouvelle-Zélande. En Europe, la floraison des rosiers ne durant que quelques mois, les concours se succèdent semaine après semaine de Barcelone à Belfast et de Rome à Varsovie. « En mai-juin, les amateurs de roses sont carrément débordés », s’amuse Jeanne Bichet. Membre du jury du concours de Bagatelle depuis seize ans, elle fait également partie de la commission qui décerne le prix des parfumeurs, avec Norbert Bijaoui et Pierre Nuyens de la Société française des parfumeurs et Ursula Wandel (Givaudan). Jeanne est aussi familière des lieux pour les visiter régulièrement en compagnie de parfumeurs ou de marques pour lesquelles Luzi crée des fragrances : « Avec ses couleurs, ses lumières et ses parfums, cette roseraie est un lieu d’inspiration incroyable pour de futurs projets. C’est ici qu’est née l’idée d’Isparta, une ode à la rose que notre parfumeuse Sidonie Grandperret a imaginée pour la marque de niche Les Destinations, souligne-t-elle. Chaque concours représente aussi un moment hors du temps de rencontres et d’échanges avec un jury international de professionnels passionnés par les roses. Une occasion extraordinaire de se reconnecter à la nature et de redécouvrir la beauté et le parfum unique de chaque fleur. Il y a parfois des pépites! »

Le concours récompense les roses nouvelles, c’est-à-dire celles qui ne sont pas encore commercialisées. Cette année, 28 obtenteurs venus de 11 pays présentent 101 variétés créées par croisement entre deux fleurs. Celles qui sont primées seront les stars des jardineries et des parcs du monde entier d’ici quelques saisons : la rose trustant le sommet des ventes aussi bien pour les fleurs coupées que pour les arbustes, l’enjeu est d’importance. « Un prix dans un concours comme Bagatelle est un vrai argument de vente, indique Jeanne. Dans les catalogues, les obtenteurs mettent en avant les récompenses remportées par leurs roses, comme on peut le voir dans le domaine du vin. Certaines variétés couronnées ici sont devenues très appréciées et réputées : la rose Piaget obtenue par Meilland Richardier ou encore la rose Jardin de Granville créée par Roses André Eve pour Dior, par exemple… »

Pour élire les lauréates, un savant système de notation est mis en place. La commission permanente, qui rassemble une vingtaine de rosiéristes, jardiniers, parfumeurs et spécialistes de la rose, les a déjà évalués quatre fois en un an, notamment pour apprécier leur résistance et leur remontance, ce qui désigne leur capacité à refleurir au fil de la saison. Le jour du concours, la note de chacun est complétée par la commission de nouveauté, composée d’obtenteurs français et étrangers, qui juge l’originalité des variétés, et enfin par le grand jury, constitué d’une centaine de personnalités du monde de la rose, d’élus, d’artistes et de journalistes. L’organisation est parfaitement rodée, et après une photo souvenir, les jurés se réunissent par six dans le groupe qui leur a été attribué. Il est temps de passer au crible les concurrents. Comme aux Césars, ils sont répartis par catégories : buisson à fleurs groupées (pour les arbustes dont les tiges portent plusieurs fleurs), couvre-sol (rosiers utilisés pour habiller les talus), sarmenteux (grimpants)…

La notation repose sur des critères et un barème très précis. « Nous jugeons d’abord la floraison sur 30 points, détaille le rosiériste Jean-Marc Pilté, chef du groupe 14. La durée, le nombre de fleurs, leur couleur, leur forme, et puis ce qui se passe à la défloraison, qui est presque aussi important : est-ce que les pétales tombent tous seuls ou restent accrochés et pourrissent ? Ensuite, sur 30 points également à chaque fois, la plante dans son ensemble, son port, la qualité et la brillance du feuillage, sa vigueur, d’une part ; et la résistance aux maladies, d’autre part. Comme les roseraies de concours n’utilisent plus de produits phytosanitaires, cela devient un critère essentiel. Et enfin, le parfum, sa puissance, son originalité et son harmonie, compte pour 10 points. » Au-delà des caractéristiques objectives, les jurés sont invités à laisser parler leurs émotions et leur sensibilité. « On peut aussi avoir un coup de cœur! Demandez-vous si vous auriez envie d’avoir ce rosier dans votre jardin ou sur votre balcon », nous a conseillé en préambule Jean-Pierre Lelièvre, le responsable du concours. 

Avec sa silhouette un peu déplumée surmontée de trois fleurs, le n°207 ne déclenche pas des envies d’adoption irrésistibles. Mais ses fleurs, si elles sont rares, dégagent de délicats effluves fruités acidulés, entre citron et litchi, qui méritent bien un 7/10. Hélas pour lui, il n’obtient pas la note globale de 50/100 qui lui permettrait de concourir au prix du parfum. « C’est souvent difficile de concilier la beauté de la plante et la dimension olfactive », signale en connaisseuse Sakurako Florentin-Nagira, chargée de mission pour les relations franco-japonaises et passionnée de roses. « Les roses odorantes sont redevenues à la mode depuis les années 1980 sous l’influence d’André Eve et de David Austin par exemple, ajoute Jeanne. Aujourd’hui, il faut essayer de tout concilier : le parfum, la floraison, une allure naturelle, pas trop figée, des besoins faibles en eau… » Les conditions météorologiques en cette mi-juin n’aident pas les rosiers à flatter les narines des jurés : après de fortes pluies qui ont fait souffrir certains plants les jours précédents, les températures élevées dès le matin perturbent la diffusion de leurs molécules odorantes. Les débats s’animent parfois au sein des groupes, un deuxième passage auprès des rosiers qui ont reçu les notes les plus élevées permettant souvent d’affiner ces dernières. Puis vient l’heure du décompte des votes – et d’un déjeuner sous une ombre bienfaisante pour les jurés. 
C’est enfin dans l’orangerie qu’est annoncé le palmarès. Le 1er prix toutes catégories confondues revient au n°56 Spotlight (créé par Roses Kordes), un beau rosier aux fleurs jaunes et épanouies, le 2e prix au n°86 Yukiko (Viva international), aux grappes très fournies de fleurs miniatures d’un subtil blanc rosé. Si les parfumeurs ont décidé de ne pas remettre de prix cette année, en raison des conditions météo difficiles, un rosier est tout de même distingué pour son profil olfactif par l’ensemble du grand jury : le n°47 (Nirp international) « aux facettes vertes, aqueuses, nuancées de géranium, de litchi et de poivre », selon Pierre Nuyens. Les enfants des centres de loisirs de Paris ont quant à eux décidé de récompenser le n°79 Château de Canon (Roses André Eve), dont les fleurs de couleur abricot diffusent « une très belle note de rose avec un effet pêche et poire », décrit Jeanne qui remet son trophée à son créateur. Des rosiers qui inspireront sans doute certains parfumeurs et dont les visiteurs du parc de Bagatelle pourront profiter jusqu’à l’automne.

Visuel principal : © Frederic Combeau

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