Congrès « Olfaction et Perspectives », ça sent quoi le futur ?

Les mercredi 15 et jeudi 16 mars 2017 s’est tenu, au CCI d’Ile de France, le congrès « Olfaction et Perspectives » sur le futur et les possibilités encore à explorer que nous réserve le fabuleux sens de l’odorat, rassemblant innovateurs et universitaires de divers horizons.

Du nourrisson qui respire ce qu’ingère sa mère, aux voitures connectées qui diffusent des parfums, ces deux jours n’ont pas manqué de nous offrir de belles découvertes.

Une sortie du « silence olfactif  » qui semble caractériser notre société contemporaine, cette aseptisation des espaces qu’ils soient communs ou privés, et mettre en valeur les initiatives nouvelles issues du monde de la recherche, mais également celles de l’industrie française.

Sentir depuis le ventre maternel

Une singulière information lors de la présentation de Benoist Schaal (Centre des sciences du goût et de l’alimentation), en introduction du congrès, vient perturber notre représentation et repenser l’imaginaire de la maternité : l’existence d’une capacité précoce lors de la vie intra-utérine du fœtus à ressentir les odeurs et sa prégnance dans la détermination des préférences ultérieures.

Ainsi, toute la théorie de la prédestination de l’individu ne serait plus une vulgaire utopie et expliquerait la sensibilité de vos enfants et de vos compagnons. Inutile d’essayer de trouver des remèdes face aux refus de vos proches de tenter vos préparations culinaires ou d’apprécier à leur juste valeur les compositions odorantes que vous apposez sur votre peau, la réponse d’appétence ou de refus serait conditionnée en partie lors de la grossesse.

Une appréciation prévisible des odeurs ?

Une réaction émotionnelle serait à l’origine de toute appréciation olfactive, que selon les progrès de la tractographie que nous a présentés Denis Ducreux (Neuroradiologie, CHU Bicêtre), un examen de l’ensemble des réseaux routiers dont est composé notre cerveau, permettrait de comprendre. Il existerait des réactions différentes selon le type d’odeurs rencontrées, une expérience sensible que nous avons tous pu faire. Ce qui est nouveau, c’est que la recherche est désormais à même de démontrer que cela est dû à la sollicitation de réseaux corticaux différents, en somme, certaines zones du cerveau seraient activées ou non du fait de la présence d’odeurs agréables ou désagréables. Cette possible détermination de la valeur hédonique apposée à la sphère odorante intéresse les sociétés de composition telles que Firmenich (représenté par Christian Margot) mais également des chercheurs du CNRS (Anne Didier) : imaginer l’existence de substances, parfums qui seraient universellement appréciées faisant fi des spécificités, données culturelles et individuelles ? Une idée qui pour le moment ne fait pas consensus et dont la réalisation en est encore à ses prémices.

Médecine : retour vers le futur ?

Un volet de ce congrès était consacré notamment au lien entre olfaction et santé. L’évocation d’une médecine du futur a été évoquée par certains, ou, selon d’autres, plutôt un retour à ses origines, lorsqu’on préconisait un diagnostic par la détection des odeurs, et leur correspondance avec certaines maladies.

Les exemples ne manquent pas, comme cette supposée odeur de pomme  indissociable des comas diabétiques ou encore à la fièvre jaune qui serait associée à des effluves d’étal de boucher… L’odeur serait désormais le symptôme, cette manifestation d’une pathologie, comme un indice crucial, à la manière d’une enquête policière, afin d’en identifier les responsables.

Les récents résultats probants du programme Kdog (programme de recherche en matière de dépistage du cancer reposant sur l’odorat canin ) de l’Institut Marie Curie où un entraînement canin assidu a permis une détection de 100% des cancers du sein des participantes, laissent à penser qu’il s’agit là de protocoles scientifiques qui pourraient à terme constituer une nouvelle approche du dépistage.

Aborder les problèmes neurodégénératifs par les odeurs

La problématique des maladies neurodégénératives (comme celle d’Alzheimer) a été également abordée par le biais de l’aromathérapie, avec notamment le projet Safe de l’équipe de recherche du CHU de Nice mené par David Renaud. On pourrait ainsi utiliser la diffusion d’odorants dans les chambres pour améliorer la qualité du sommeil des pensionnaires de maisons de repos. La psychologie s’intéresse également à ces malades, et le sujet constitue d’ailleurs le sujet de thèse d’une des intervenantes du congrès, Désirée Lopis, qui s’intéresse au lien entre mémoire autobiographique et, par confrontation olfactive, le fort sentiment de reviviscence qui en résulte.

EmOdor et les TGV : les représentations et expériences olfactives multiples selon les lieux.

Un champ nouveau et encore au stade expérimental « EmOdor » nous a été présenté, fruit de l’alliance entre la société de composition Firmenich – en la présence de Christelle Porcherot – et de l’université de Genève avec le professeur Sylvain Delpanque.

Il s’agit d’immersions sensorielles dans lesquelles les participants se sont trouvés confrontés dans des espaces différents (une cuisine, un tramway, une salle de bain) avec une reconstitution d’objets odorants. L’intensité des odeurs était relative à leur proximité avec la source. Nous pouvons noter que selon les environnements virtuels, les émotions et réactions différaient.

Cette réflexion sur la perception des odeurs selon plusieurs contextes est similaire à l’initiative conjointe entre la SNCF et la société de conseil Le Musc et la Plume, qui ont réfléchi sur les moyens d’améliorer l’ambiance olfactive des TGV, plus particulièrement la délicieuse pestilence qui émane des sanitaires. Une véritable cartographie des odeurs dans les différents espaces du train a révélé que l’odeur fromagère qui se dégageait du croque-monsieur que vous avez acheté lors d’un passage dans la voiture-bar n’a pas sa place dans les toilettes. Ainsi, une odeur sortie de son contexte ou du moins, la représentation que nous en avons, devient inacceptable. C’est toute la question de la création du parcours client et de son immersion, adhésion à l’espace dans lequel il se trouve.

Conduire « Cosmic Cuir » ou « Aérodrive » ?

Cet intérêt de l’industrie n’est pas un phénomène unique puisque désormais les constructeurs automobiles proposent d’associer « odeur et bien-être », ceci est le titre de la présentation de Emmanuel Boubard, notamment pour les véhicules du groupe PSA. Imaginez que selon le type de conduite de vous adoptez, c’est le déploiement de toute une ambiance avec des changements de lumières et autres modalités techniques, mais également la diffusion de trois parfums différents (la signature olfactive de la marque Peugeot « Cosmic cuir »,  « Harmony wood », relaxant ou « Aeorodrive », stimulant) élaborés par le parfumeur Antoine Lie. Est-ce que cela peut motiver lors d’un prochain achat d’une voiture ? À vous d’aller renifler dans le confort du cuir et de vous faire votre avis sur la promesse d’une nouvelle expérience sensorielle.

Sans odorat : une vitre invisible avec la société

Ce compte-rendu ne serait pas complet sans faire référence au témoignage bouleversant du fondateur de SOS Anosmie, Bernard Perroud, sur ce « handicap sensoriel méconnu » qu’est la perte ou l’absence congénitale de l’odorat.

Cette absence de perception des odeurs a des conséquences qui se déploient dans des problématiques de dénutrition, de repli de soi, d’agueusie, c’est-à-dire la perte des arômes, saveurs, etc, mais également lors d’incidents domestiques tels que les fuites de gaz ou le dégagement de fumées toxiques. Un état dont nul n’est à l’abri puisque l’anosmie peut être congénitale, ou se déclarer après une simple chute, traumatisme crânien, des obstructions nasales ou encore un rhume ordinaire. Cette « vitre invisible » opérant une douloureuse séparation entre la personne affectée et le reste du monde révèle l’importance du nez dans notre quotidien. Une sensibilisation est nécessaire pour la reconnaissance de ce qui demeure encore méconnu et peu compris dans la sphère médicale mais tout aussi bien du grand public.

L’Association SOS Anosmie a ainsi appelé de tous ses vœux la recherche et l’industrie à se pencher sur ce phénomène.

On peut penser au tout récent appareil Kunkun de la société Konica Moltina qui vous informe discrètement de votre fraîcheur corporelle, une information qui n’est pas accessible d’un sniff pour une personne souffrant d’anosmie.

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