Nez, la revue… de presse – #9 – Où l’on apprend que l’espace sent le steak grillé et la poudre à canon

Au menu de notre revue de presse : la pratique du bain du Moyen Âge à nos jours, le top des plantes les plus malodorantes, et l’odeur de la lune capturée dans une carte postale à gratter.

Cette semaine, pas d’embruns vivifiants ni de fleurs blanches solaires pour la revue de presse, qui explore plutôt le côté obscur des odeurs. Le Guardian s’intéresse ainsi à ceux, de plus en plus nombreux paraît-il, qui ont décidé de ne plus se laver. Dans leur ligne de mire, le savon, qui détruirait les micro-organismes peuplant notre épiderme, et notamment les bonnes bactéries qui lui sont nécessaires. « Je ne sens pas mauvais », assurent en choeur les ennemis de la douche, qui pour certains disent ne pas avoir approché un gant de toilette depuis quinze ans. Ils reconnaissent néanmoins pudiquement un « temps d’adaptation » du corps à leurs nouvelles habitudes.

Les plus odorants – ou en tout cas les moins lavés – ne sont pas forcément ceux que l’on croit : Eleanor Janega, professeure d’histoire médiévale à la London School of Economics, nous explique que nos ancêtres prenaient régulièrement des bains. Contrairement aux idées reçues, la toilette à grandes eaux se pratiquait au Moyen Âge aussi bien à la maison que dans les bains publics, y compris pour les classes populaires. On utilisait du savon et même du déodorant, souvent parfumé de feuilles de laurier ou de sauge. Ce n’est qu’à partir du XVIe que les médecins ont mis en garde contre la pratique du bain, l’eau étant perçue comme un vecteur de contagion des maladies.

Auteur inconnu – Bain à l’époque médiévale (Creative Commons)

Grâce aux tissus intelligents, la douche sera peut-être bientôt taxée de pratique totalement moyenâgeuse. Des chercheurs de l’université du Minho au Portugal ont développé un coton capable de diffuser des molécules dérivées de la citronnelle au contact de la sueur. De quoi faire d’une pierre deux coups l’été, et porter des vêtements anti-transpirants qui constitueront aussi une protection anti-moustique.

Outre la transpiration, le corps humain produit un panel d’odeurs nauséabondes extrêmement varié. Le site Mental Floss propose un top des plantes dont le parfum évoque nos pires émanations. Oubliez la délicatesse poudrée du lilas, la verdeur lactée du figuier : originaire des forêts tropicales de Sumatra, en Indonésie, la fleur de l’arum titan (Amorphophallus titanum) sent par exemple le cadavre. En cause, les molécules de putrescine et de cadavérine, qui attirent les mouches pollinisatrices. Heureusement, la plante met des années à fleurir, et fane rapidement. Gingko biloba, Hydnora africana et poirier de Chine ont aussi leur petite particularité olfactive.

Hydnora africanaDerek Keats via Flickr // CC BY 2.0

Si les effluves corporels sont indissociables du fonctionnement de notre organisme, les odeurs peuvent aussi être inhérentes à un lieu. Les Echos et Le Parisien nous emmènent à Grasse, dans le berceau de la parfumerie française, à la découverte de la maison Fragonard, et du Musée international de la parfumerie. Ce dernier a rouvert ses portes en juin après six mois de travaux, et accueille jusqu’au 5 janvier l’exposition « La fabuleuse histoire de l’Eau de Cologne », qui a donné naissance à un livre publié chez Nez éditions.

Grasse embaume la verveine, les agrumes et le géranium, mais que sent l’espace ? C’est la question soulevée par Clara Muller, contributrice de la revue Nez, à l’occasion d’une conférence donnée lors de l’Experimental Scent Summit organisé par l’Institute for Art and Olfaction.

Enter at Own Risk, WE COLONISED THE MOON (2011)

Les astronautes parlent de « poudre à canon », de « steak grillé », de « métal chaud » ou de fer à souder. Ces senteurs, ayant en commun des facettes brûlées qui proviendraient de la combustion des étoiles, ont inspiré de nombreux artistes depuis quelques années. Hagen Betzwieser et Sue Corke ont notamment développé une série d’œuvres sur l’odeur de la Lune, de cartes postales à gratter à une expérience immersive imprégnant les visiteurs du parfum de notre satellite. L’artiste français Vincent Carlier a lui créé une sculpture diffusant les arômes de framboise et de rhum du Sagittaire B2, un nuage moléculaire de gaz et de poussière situé à 39 années-lumière de notre galaxie. « Ces œuvres d’art olfactives offrent ce qui pourrait être l’expérience la plus incarnée que l’on puisse avoir de l’espace », conclut l’article.

Au sommet du One World Trade Center, qui a remplacé les tours jumelles à New York, on sent plutôt des notes de bois et d’agrumes.

Crédit photo : Hilary Swift for The New York Times

L’équipe dirigeante de l’observatoire a voulu donner un parfum officiel au bâtiment, afin de créer « un complément subtil à l’expérience » des visiteurs, à l’image de ce qui se fait de plus en plus dans les hôtels, les magasins et les lieux publics. Pour composer One World, le parfumeur Laurent Le Guernec (IFF) a travaillé autour du hêtre, du sorbier et de l’érable rouge – des arbres originaires de l’État de New York. Certains visiteurs regrettent pourtant une odeur aseptisée qui, précisément, « ne sent pas New York », faite de « sang, de tripes et de whisky ». Nous voilà revenus à nos effluves organiques de simples mortels.

Et c’est ainsi que les mouillettes ne servent pas qu’à déguster les œufs !  

Visuel principal : © Morgane Fadanelli

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