Au menu de notre revue de presse, des interrogations. Féminin ou masculin ? Absinthe ou cannabis ? En matière d’impact environnemental, naturel ou synthétique ? Peut-on retrouver le goût du chocolat quand on l’a perdu ?
Cette semaine, le monde de l’olfaction se pose des questions. « Tous les parfums sont-ils mixtes ? », s’interroge ainsi L’Express. Si les marques jouent de plus en plus la carte de la gender fluidity, l’article rappelle que la différenciation sexuelle est l’exception plutôt que la règle dans la longue histoire du parfum. Bien avant l’androgyne Jicky créé en 1889 par Aimé Guerlain, et adopté ensuite par Brigitte Bardot comme par Sean Connery, hommes et femmes ont porté sans distinction pendant des siècles des senteurs à des fins prophylactiques, pour se protéger des maladies, et des eaux de Cologne. Ce n’est que la montée en puissance du marketing pendant les Trente Glorieuses qui a créé des jus genrés – avant que la niche ne remette la mixité au goût du jour. Il semble en revanche que notre odorat diffère en fonction de notre sexe. « Les hommes identifient moins facilement les odeurs car elles suscitent moins de réactions émotionnelles que chez les femmes, plus aptes à les mémoriser », d’après les travaux de Camille Ferdenzi-Lemaître, chercheuse en psychologie de l’olfaction.
Absinthe ou cannabis ? Le Figaro relève une tendance faisant la part belle aux substances dangereuses et addictives dans les lancements récents. Opium chez Yves Saint Laurent et Poison chez Christian Dior ont bâti leur communication et leur légende sur une analogie entre parfums et drogue ou philtre toxique. Désormais, les ingrédients controversés intègrent les formules, de l’absinthe de l’Eau de parfum intense Black Opium, toujours chez Yves Saint Laurent, au davana aphrodisiaque de But Not Today de Filippo Sorcinelli, en passant par les volutes de cannabis et la note secrète électrisante évoquant cocaïne ou LSD des Colognes Fly Away et Run Free chez Mugler.
Autre question qui devient de plus en plus prégnante : quel impact environnemental pour les matières premières naturelles et synthétiques ? se demande le Glamour anglais. Vaut-il mieux consommer des ressources naturelles précieuses dont la culture peut être dommageable pour la planète, de la déforestation à la pollution des rivières ? Faut-il plutôt privilégier les ingrédients synthétiques, a priori peu invasifs, mais qui génèrent des émissions de carburant et de la pollution environnementale, et sont rarement biodégradables ? « C’est là que nous sommes déchirés », souligne le magazine, qui penche tout de même pour la première option.
Intelligence artificielle ou créativité humaine ? Chez Givaudan, qui vient de lancer un outil interactif à destination de ses parfumeurs, on assure que la question ne se pose pas. Développé avec une start up suisse, Carto se présente sous forme d’un écran tactile. Le système s’appuie notamment sur « un indice de la puissance olfactive des ingrédients permettant d’estimer leur impact sur la formule finale », et exploite des données « pour faire des suggestions de formules, que les parfumeurs peuvent retenir ou non ». «Il nous aide véritablement dans notre travail, nous permettant de faire bien plus d’expériences qu’à l’heure actuelle et de doser nos formules de manière très performante », affirme Calice Becker, parfumeur et directrice de l’école de parfumerie de Givaudan. « De notre côté, nous, parfumeurs, apportons la touche créative, c’est-à-dire l’élément le plus important qu’aucun système ne peut remplacer ».
Peut-on retrouver le goût du chocolat quand on l’a perdu, parce qu’on souffre d’agueusie et d’anosmie ? C’est la question à laquelle Jordi Roca, un célèbre pâtissier catalan, a tenté de répondre, avec une équipe de neurologues et de spécialistes, rapporte FranceTVInfo. Leur projet repose sur l’idée que chaque goût « est en fait une récréation, une unification que fait notre cerveau à partir d’un très grand nombre d’expériences séparées, et pas seulement gustatives à proprement parler ». Le but de l’expérience était donc de « reproduire tous les éléments extérieurs au goût intrinsèque » d’un ingrédient « pour que le cerveau du patient recrée l’expérience » et donc son goût réel. A Paloma, qui associait le chocolat à la mer, le chef l’a servi accompagné d’une mousse de lait évoquant l’écume d’une vague, tout en lui projetant des images aquatiques. Résultat : elle a dit reconnaître le goût du chocolat. L’expérience a fonctionné dans six cas sur sept.
« Parfumer son bébé est-il sans risque ? », questionne L’Express. Le marché est en forte croissance, mais mieux vaut prendre avec des précautions, selon l’hebdomadaire. « Dans un parfum – pour adulte et pour enfant – on peut trouver de 30 à plus de 100 composants », détaille Farid Marmouz, allergologue à Paris. « Les parfums peuvent créer des allergies de contact de type eczéma ou urticaire, que ce soit chez les enfants ou les adultes. Même les produits estampillés bio ou naturels sont à éviter. Ils sont tout aussi allergisants que les synthétiques ». En cause le plus souvent, le baume du Pérou, l’essence de lavande et de citronnelle pour les produits naturels, le citronellal pour les substances synthétiques. La solution : parfumer plutôt vêtements et peluches.
Pour terminer, une question épineuse. Comment écrire sur les odeurs ? L’auteure britannique Rue Baldry s’interroge dans un long texte sur son blog. Employer métaphores et comparaisons dérivées d’autres sens (en particulier celui de l’ouïe, via la musique), faire appel à des souvenirs que les lecteurs partagent probablement, convoquer des ressentis et des émotions qu’ils peuvent être capables d’imaginer : les techniques ne manquent pas, note-t-elle. Mais si « l’odorat est l’un des sens les plus évocateurs », c’est aussi « probablement le plus difficile à traduire. »
Et c’est ainsi que les mouillettes ne servent pas qu’à déguster les œufs !
Visuel principal : © Morgane Fadanelli
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