Technicité et créativité : la recherche appliquée chez Eurofragance 

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Lorsque l’on parle d’innovation en parfumerie, on pense souvent aux ingrédients de synthèse découverts depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, qui ont contribué à la création de grands succès en permettant des formes olfactives nouvelles.
Depuis, les maisons de composition se sont engagées de façon continue dans une course à la nouveauté : un iceberg dont la partie émergée est constituée des nouvelles matières premières, qu’elles soient naturelles ou synthétiques.
En réalité, l’innovation comprend d’autres domaines, souvent moins évidents ou moins connus du grand public, et qui constituent cependant le quotidien de nombreux scientifiques, chimistes, parfumeurs, évaluateurs ou chefs de projet au sein des sociétés.
La maison de composition espagnole Eurofragance, qui nous a déjà raconté comment elle développait des composés captifs, nous ouvre une nouvelle fois ses portes pour nous faire découvrir son service consacré à la recherche appliquée, baptisé « Innovation To Market ».

Cet article a été écrit en partenariat avec Eurofragance

Pour contextualiser la création de ce département, Olivier Anthony, directeur de la recherche et de l’innovation, explique que jusqu’il y a quelques années, en parfumerie, le parfumeur était entièrement responsable de sa formule « du profil olfactif jusqu’à la recherche de solutions aux problèmes techniques ». Actuellement, les maisons de composition ont créé des cellules de recherche appliquée, au sein desquelles des scientifiques mènent des recherches sur la performance et les interactions des matières premières, la formulation de bases ou l’intégration de technologies, permettant aujourd’hui au parfumeur de « dépasser certaines limites de la formulation ».

En effet, il arrive que la maestria des parfumeurs ne soit pas suffisante pour dompter complètement les caprices d’un ingrédient ou moduler son impact ou sa rémanence. Bien que certains soient des techniciens hors pair, ils ne sont pour autant pas des magiciens.  « L’idée, poursuit Olivier Anthony, a été pour de nombreuses sociétés d’aider à résoudre certaines difficultés autrement que par la formule. » Il a donc fallu réfléchir à d’autres moyens de maîtriser les propriétés physico-chimiques des ingrédients, et c’est vers la science et la technologie que l’on s’est tourné. Le parfumeur reste bien-sûr seul maître à bord de la forme olfactive elle-même (les notes, l’harmonie, les contrastes…) mais il peut désormais aussi compter sur la contribution des équipes techniques « et, dès lors, on introduit une nouvelle façon de créer le parfum, d’optimiser sa rémanence ou de lutter contre les mauvaises odeurs… » conclut-il.

Dès le milieu des années 1970, des départements d’innovation se sont créés pour apporter une réponse scientifique et précise aux besoins des parfumeurs. Cependant, il s’est avéré qu’en proposant des solutions rationnelles à la formule, l’aspect hédonique du parfum pouvait en pâtir.  « Les visions purement scientifiques et esthétiques étaient si éloignées qu’il a fallu imaginer une réconciliation : une équipe dont la fonction serait d’harmoniser les solutions technologiques à la créativité parfumistique. » C’est ainsi que sont apparues de nouvelles équipes versatiles et flexibles, complémentaires à celles de la recherche fondamentale, et dont le service Innovation to Market (ITM) est l’incarnation chez Eurofragance.

Ce département a pour vocation d’inclure à la fois la science, la parfumerie et le marché. Un groupe d’entremetteurs qui manient le langage de chaque pôle – un peu à la manière des évaluateurs qui font le lien entre les parfumeurs et les demandes commerciales. « Nous faisons de la recherche appliquée et avons pour objectif essentiel d’amener les équipes créatives à comprendre les opportunités apportées par la technologie. »

Anticiper les besoins

Bien qu’ayant 35 ans d’existence, Eurofragance accorde une grande importance aux apports de la recherche appliquée. Ses clients se montrent en effet très curieux des atouts que peuvent procurer les avancées technologiques. Le département ITM propose de nombreuses options : encapsulation de parfum, formulation sans alcool, intégration des captifs maison, etc. Il est donc nécessaire d’effectuer une veille du marché constante, de comprendre, voire d’anticiper les besoins des consommateurs, d’établir une collaboration avec le marketing pour explorer et délimiter les revendications des produits, et, enfin, traduire tout cela en des termes techniques sur lesquels les scientifiques de la R&D pourront s’appuyer pour trouver de nouvelles solutions.

Myriam Terés, chargée des applications parfumées et du support technique chez Eurofragance depuis 19 ans, résume sa mission : « il s’agit de maximiser la magie du parfum à travers notre savoir-faire de formulation.»  Concrètement, les tâches du département ITM se scindent en plusieurs volets : d’une part un support technique quotidien aux clients internes et externes (stabilité, formulation, résolution de problèmes techniques), d’autre part le déploiement des technologies issues de notre recherche propre, mais également le développement de connaissances concernant la performance des matières premières et des parfums. « Les interactions possibles entre les matières premières et les supports ou bases d’application sont si diverses que j’en apprends tous les jours » témoigne Myriam Terés devant l’ampleur de la tâche.

Les premières tentatives d’innovation en parfumerie fine, comme les parfums en base aqueuse, ont souvent été comparées aux formules conventionnelles, notamment sur des critères tels que l’intensité et la sensorialité. Ces nouvelles approches ont ainsi été jugées sans que l’on cherche réellement à valoriser les bénéfices qu’elles offrent, comme une fraîcheur durable, par exemple. Mais les percées réalisées en science de la formulation, en s’appuyant quelquefois sur des connaissances issues d’autres catégories ont quasiment éliminé ces difficultés, facilitant ainsi la création et l’adoption de nouveaux gestes de parfumage.

Et si la parfumerie sans alcool, pour ne citer qu’elle, se cantonnait jadis à un rôle minoritaire à l’export (par exemple pour répondre aux besoins de pays musulmans), elle bénéficie aujourd’hui d’une conjonction entre le progrès technologique et l’évolution du marché.

Libérer la créativité

Car oui, le marché a évolué. Là où l’on se méfiait autrefois des formats s’éloignant du  modèle traditionnel « parfum-alcoolique-parfaitement-incolore », nous assistons depuis ces dernières années à de nouveaux comportements de la part des consommateurs, libérant la créativité des maisons de composition. « Ils sont plus éduqués et plus exigeants, donc plus ouverts à la nouveauté si celle-ci apporte une valeur ajoutée » explique Myriam Terés.

Angéline Leporini, parfumeuse senior au sein d’Eurofragance et travaillant avec la cellule Innovation To Market, se retrouve fréquemment confrontée aux défis posés par la demande de performances toujours plus fortes, avec des produits finis aux multiples propriétés. « Les consommateurs les plus jeunes attendent beaucoup de bénéfices de la part de leurs produits de soin, c’est pourquoi il nous arrive de devoir intégrer nos parfums à des formules possédant plusieurs propriétés. » Un parfum peut ainsi être soumis à des contraintes techniques. « Un exemple concret, révèle Myriam Terés, est celui des parfums que nos clients veulent sans alcool, incolores, voire transparents, le tout à haute concentration. 

Pour rendre plus soluble le concentré de parfum dans l’eau – les solubilisants habituels n’étant efficaces qu’à faible concentration – nos équipes utilisent une technologie de micro-émulsion [mélange d’eau et d’huile constitué de gouttelettes de taille microscopique] qui permet de faciliter la combinaison du concentré parfumé et de l’eau, quelle que soit la concentration et la formule olfactive du produit en question. » Une des nombreuses découvertes déjà à l’œuvre en soin du corps et du cheveu, et qui est à présent en forte hausse en parfumerie fine. 

Repousser les limites

« C’est la première année chez Eurofragance où nous nous concentrons particulièrement sur la parfumerie fine », annonce Myriam Terés. « C’est par le biais de cette stratégie que nous souhaitons nous démarquer, et nous mettons les bouchées doubles pour faire découvrir à nos clients de nouveaux formats et de nouvelles textures. » D’autres exemples ? Des parfums solides (à base de cire), ou  sous forme de poudre qui se transforme en crème au contact de la peau… Angéline Leporini ajoute : « il faut constamment chercher à repousser les limites existantes pour faire sortir le parfum d’un champ uniquement esthétique, afin de l’intégrer dans celui du bien-être » analyse-t-elle.

Dans un marché devenu tellement compétitif, la multiplication exponentielle des lancements laisse le consommateur en perpétuelle quête de nouveauté – Eurofragance est bien placée pour répondre mot pour mot à la définition académique de l’innovation : une « recherche constante de l’amélioration ». 

Visuel @ Eurofragance

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