Audrey Barbera

La parfumerie grand public au sein d’une maison de composition – Audrey Barbéra (Symrise)

Le développement d’un parfum grand public suppose un travail conjoint de longue haleine entre une société de composition et les équipes d’une marque. Comment leurs relations s’organisent-elles ? Qui sont les interlocuteurs ? Quel est le rôle de chacun ? De quelle manière les parfumeurs conçoivent-ils des idées en dehors des briefs ? Audrey Barbéra, Global Account Director (directrice de compte globale) chez Symrise, nous livre son éclairage.

Au cours d’un développement, comment s’articulent le travail de la maison de composition et celui de la marque ?

Un projet dure de plusieurs mois à plusieurs années, pendant lesquels la maison de composition est semblable à une ruche avec, en son cœur, le parfumeur. Ce sont les rounds de soumissions qui donnent le rythme : de la première intention à la version définitive, ces rencontres régulières permettent, à chaque retravail de la formule, d’échanger et de s’accorder sur l’orientation olfactive. Tout commence par une intense effervescence créative ;  puis un travail d’orfèvre permet de faire évoluer la fragrance, son profil, ses évocations, sa performance. Évaluation, marketing, études consommateur, laboratoires, R&D, réglementaire : tous les services s’affairent autour du parfumeur, tandis qu’une organisation similaire s’opère au sein de la marque autour des responsables du projet. Le commercial en maison de composition a la charge d’assurer la fluidité et la cohérence des interactions, en définissant l’orientation stratégique et en orchestrant l’intervention de chacun. C’est un véritable travail d’équipe au service de la création, une aventure passionnante. 

Existe-t-il des différences en fonction des marques pour lesquelles vous travaillez ?

Les modes de développement varient à plusieurs égards. Selon les organisations, notre interlocuteur sera l’équipe marketing, la cellule ou l’expert olfactif d’un groupe, le directeur artistique ou designer de la marque, ou encore une combinaison de plusieurs d’entre eux. En fonction de leurs préférences, la première soumission pourra être un accord créatif très brut ou bien une proposition plus aboutie. Ensuite, au cours de son élaboration, le parfum peut être testé auprès du public pour évaluer la manière dont il est perçu avec des protocoles et un rôle attribué au test qui varient selon les marques. Un autre paramètre peut également changer la donne : si le développement est généralement compétitif, il peut parfois être exclusif, lorsqu’une marque a une relation particulière avec un parfumeur. 

Comment travaillez-vous chez Symrise en amont d’un brief ?

Une maison de composition explore en permanence de nouvelles idées créatives. Notre connaissance intime d’une marque, de son portefeuille de fragrances, ainsi que notre expertise du marché peuvent nous amener à proposer des thèmes olfactifs de façon proactive. Plus largement, une sorte de bouillonnement créatif est cultivée. Chez Symrise, les parfumeurs ont régulièrement carte blanche et s’associent à d’autres formes d’expression artistique. Récemment, le projet « A World Tour Through Scent » les a joints aux photographes du collectif Tendance Floue et aux auteurs de la revue Nez, pour une épopée concrétisée par plusieurs expositions et un coffret de douze créations. De même, l’exposition « Accords », en collaboration avec l’équipe du Journal d’un Anosmique, a rassemblé nos parfumeurs et des artistes issus des arts graphiques, de la littérature et de la musique pour un cadavre exquis olfactif. En parallèle, notre R&D conduit de nombreuses initiatives pour élaborer, avec une volonté d’innovation, de nouvelles signatures, à l’instar du Garden Lab, une collection de nouveaux ingrédients aux facettes inattendues créés, à partir de légumes, grâce à une technologie d’extraction exclusive et durable. Autant d’idées fortes qui serviront d’inspiration créative, de point de départ à de prochains développements… et futurs grands parfums !

Cet entretien est tiré de :
Le Grand Livre du parfum – Pour une culture olfactive, 2e édition augmentée, 240 pages, Collectif, Nez éditions, 2020, 30€

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