La mousse de chêne : cas exemplaire du rôle de l’IFRA

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Parmi les matières premières regrettées, on cite souvent la mousse de chêne, soumise aux standards de l’International Fragrance Association, mieux connue sous son acronyme IFRA. Petit historique de l’affaire, avec Matthias Vey, vice-président de l’IFRA chargé des affaires scientifiques.

La mousse de chêne est un lichen qui se développe sur l’écorce de certains arbres et que l’on cultive notamment dans les Balkans. Son absolue, qui apporte chaleur et profondeur aux parfums, est l’un des éléments clés des accords chyprés et fougères. Son usage est cependant aujourd’hui fortement limité, et elle est généralement remplacée par des matières premières synthétiques telles que le méthyl 2,4-dihydroxy-3,6-diméthylbenzoate (aussi connu sous le nom commercial Evernyl).

La mousse de chêne fait partie des allergènes qui, depuis 2003, doivent obligatoirement être indiqués sur la liste des ingrédients d’un produit mis sur le marché de l’Union européenne. Quand a-t-elle été considérée comme problématique ?
L’absolue de mousse de chêne, qui est la forme employée en parfumerie, a été assez tôt identifiée par la communauté des dermatologues comme une source potentielle de sensibilisation cutanée, à partir d’un certain niveau de concentration dans les produits finis. Elle entre dans le « fragrance mix 1 », créé à la fin des années 1970 à partir des travaux de Walter G. Larsen, un mélange d’ingrédients de parfumerie utilisé comme test cutané par les dermatologues afin de détecter des allergies aux composés de parfumerie. La première réglementation de l’industrie a été publiée en 1988 sous la forme d’une norme IFRA.

Des amendements ont ensuite été publiés. Pourquoi les recommandations de l’IFRA ont-elles évolué ?
Les standards IFRA sont constamment adaptés pour refléter l’état des dernières connaissances scientifiques. La mousse de chêne a été identifiée comme un sensibilisant cutané puissant, mais comme pour tous les éléments appartenant à cette catégorie, il est possible de déterminer des dosages maximum. Cela permet à la majorité de la population d’utiliser des produits contenant de la mousse de chêne en toute sécurité, sans risque de développer une sensibilité. Avec le temps, on a pu mieux identifier les différents constituants de l’absolue, ce qui a permis  de déterminer les principaux responsables de la sensibilisation cutanée. Cela a permis de fixer des critères de pureté limitant la présence d’acide déhydroabiétique (DHA) et, plus récemment, de deux constituants appelés atranol et chloratranol (43e amendement, 2008). Ces derniers ont été restreints de manière à ce que, en combinaison avec les niveaux d’utilisation maximale stricts établis par l’IFRA, l’exposition potentielle des consommateurs soit considérée comme négligeable. Les restrictions les plus récentes concernant l’extrait de mousse de chêne, émises dans le cadre du 49e amendement en 2019, sont le fruit d’une méthodologie d’évaluation perfectionnée, nommée QRA2 (évaluation quantitative des risques 2).

Les instances gouvernementales ont-elles reconnu ces restrictions ?
D’un point de vue réglementaire, la mousse de chêne est l’une des matières allergènes (aujourd’hui au nombre de 80) qui doit être déclarée sur l’emballage des produits cosmétiques en Europe. Le rôle de cette liste est d’informer le consommateur de la présence de ces substances, lui permettant d’éviter les produits qui les contiennent s’il y est allergique. En 2012, l’organe consultatif scientifique de l’Union européenne, inquiété par les taux élevés de réactions à la mousse de chêne, a émis un rapport proposant une interdiction complète de l’atranol et du choratranol. L’IFRA a présenté ses recherches [à l’origine de l’amendement de 2008] démontrant que le potentiel allergène de la mousse de chêne est principalement dû à l’atranol et au chloroatranol, et que l’emploi de mousse de chêne rectifiée, où ces deux molécules sont présentes à l’état de traces, réduit considérablement le risque de réactions cutanées. Des études complémentaires, menées en collaboration avec des dermatologues, ont démontré que les nouvelles qualités présentaient également beaucoup moins de problèmes pour les personnes à l’allergie déclarée. Ces preuves scientifiques ont aidé les régulateurs de l’UE à élaborer une réglementation interdisant l’utilisation de l’atranol et du chloroatranol en tant qu’ingrédients cosmétiques (au-delà de traces) sur le marché européen, mais qui autorise cependant l’utilisation d’extraits de mousse de chêne conformes, c’est-à-dire traités pour ne pas contenir ces molécules. Comme c’est souvent le cas, d’autres zones, attentives aux décisions de l’UE, ont réglementé de la sorte, ou sont en train de le faire. 

Texte initialement paru dans le livre publié par Nez, en partenariat avec l’IFRA : We Love Fragrances

We Love Fragrances, Nez, 160 pages, 2023

The world of fragrance, in all its infinite variety, is an essential part of our lives. Its many perspectives – cultural, economic, social and emotional, as well as agricultural, industrial and technological – are explored in this book, showing just how much fragrance is an element that links us together.
To perpetuate this field, the International Fragrance Association (IFRA) plays a role in the safety and sustainability of fragranced products.We Love Fragrances brings together numerous testimonials and gives voice to all players in the value chain, from growers, suppliers of natural and synthetic raw materials, creators and producers to researchers, engineers and chemists… A book to discover and rediscover fragrance in all its different facets and understand its present and future challenges.

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