Le maire de Grasse, Jérôme Viaud, a annoncé lors du traditionnel cocktail du Simppar – Salon international des matières premières pour la parfumerie – ce 31 mai que le salon aura lieu l’an prochain dans la capitale du parfum, après seize éditions parisiennes. Thierry Duclos, qui gère l’événement depuis plus de vingt ans, revient sur son évolution, et sur cette organisation grassoise.
Avant de piloter l’organisation du Simppar, vous aviez déjà une belle carrière dans les matières premières. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
J’ai consacré cinquante ans de ma vie aux huiles essentielles. J’ai directement intégré l’entreprise fondée par mon arrière-grand-père en 1874. Il s’agissait alors de faire du courtage de matières premières, à une époque où la communication était radicalement limitée par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui. Lorsque j’ai commencé à travailler, dans les années 1970, c’était évidemment différent – mais encore très loin de la réalité actuelle. C’est un métier où l’on voyage beaucoup, dans des pays où la situation géopolitique est parfois très compliquée, mais où l’on rencontre des personnes extraordinaires, passionnées par leurs beaux produits.
La société Duclos Trading, créée en 1986 pour passer au négoce, a été vendue en 2009 à Quimdis, qui a été racheté par le groupe Azelis en 2021.
J’ai aussi cocréé la Fédération européenne des huiles essentielles – l’EFEO – en 2002, pour répondre à la menace des réglementations qui pèsent sur nos matières.
Et c’est lorsque j’ai été membre du comité directeur de la Société française des parfumeurs-créateurs (SFP) que j’ai repris les rênes de l’organisation du Simppar, qui avec sa croissance devient un travail à plein temps.
Quelles ont été les principales évolutions du Simppar au cours de ces années ?
Au départ, le salon était organisé par la SFP pour présenter à ses membres – parfumeurs, évaluateurs, analystes… – des producteurs et leurs matières premières. Le premier a eu lieu en 1991, avec une poignée d’exposants, mais ce n’était alors pas régulier.
Très vite, il a été décidé de l’organiser tous les deux ans, en alternance avec le World Perfumery Congress (WPC) pour alterner nos dates, et avons ainsi pu organiser un salon tous les deux ans. D’une dizaine de stands, nous sommes passés à une vingtaine, à l’hôtel Evergreen de Levallois.
Puis en 2011, afin de disposer d’un espace plus grand pour pouvoir accueillir une cinquantaine d’exposants, nous avons loué l’Espace Champerret, toujours à Levallois ; c’était déjà une tout autre histoire, car nous avions désormais un lieu nu, demandant une organisation plus importante.
Cette année, nous accueillons 110 stands. Il y a aussi plusieurs associations qui peuvent parler de leur travail de défense des huiles essentielles à Bruxelles, mais aussi des sociétés qui présentent des nouveautés technologiques, comme celles autour de l’intelligence artificielle, un autre enjeu contemporain.
Mais l’idée du salon reste la même qu’à ses débuts : nous souhaitons qu’il demeure un lieu de rencontres convivial, qui évite le « speed dating », afin de permettre aux intéressés de faire des découvertes, de voir ce qu’ils ont envie de voir, sentir ce qu’ils ont envie de sentir, sur deux jours. Et nous continuons de mettre chaque exposant sur un pied d’égalité : multinationales et petits producteurs ont le même stand de 12 m2, nous leur fournissons le matériel, ils n’ont plus qu’à s’installer – ce qui n’empêche pas certains d’être très ingénieux au niveau des décors.
Le maire de Grasse, Jérôme Viaud, a officiellement annoncé hier soir que la prochaine édition aurait lieu à Grasse : quelles sont les raisons de ce choix ?
Nous avons toujours organisé le Simppar à Levallois, à proximité du lieu de travail des parfumeurs. Mais c’est aussi le cas de Grasse, berceau français de la parfumerie et de ses ingrédients. Cela fait plusieurs années que la ville souhaitait organiser des événements internationaux liés à ses matières premières, et elle nous a déroulé son tapis rouge pour accueillir l’événement : c’est une chance, car l’organisation d’un salon d’une telle ampleur n’était pas chose aisée dans cette ville.
Comment s’est déroulée la mise en place ?
L’organisation du Simppar à Grasse est une évidence, mais la mise en place était complexe. Cela fait deux ans que nous travaillons, avec le maire, pour rendre cet événement possible.
Il y avait déjà la question de l’emplacement : il n’y a pas d’espace couvert assez spacieux sur place. Le seul endroit possible était la grande esplanade en face du Palais des congrès, avec sa vue magnifique ; mais elle est ouverte. Il nous a donc fallu trouver des solutions pour que les exposants soient abrités, en conservant la même qualité qu’à Paris : cela nécessite des structures lourdes, avec une tente d’environ 1300 m2. Le Palais des congrès servira de lieu de convivialité, avec des buvettes et des espaces de restauration.
L’autre problématique était celle de la capacité hôtelière de la ville de Grasse : à Paris, sur les 2300 entrées cette année, 1000 personnes environ viennent de l’extérieur. Il y aura certes des gens sur place, puisqu’il y a de nombreux parfumeurs et maisons de compositions à Grasse et ses alentours. Mais même si le salon à Grasse est envisagé à plus petite échelle, il a fallu penser à des solutions hôtelières.
Enfin, il fallait trouver une date qui évite le chevauchement avec le festival de Cannes, tout en permettant de participer à d’autres activités qui seront organisées autour du Simppar : c’est en tenant compte de ces impératifs que les dates du 28 et 29 mai 2024 ont été choisies.
Quels sont les autres événements auxquels les visiteurs pourront participer à Grasse ?
Nous voulions lier le salon à la fête de la rose, qui a lieu tous les ans à Grasse. Des circuits seront proposés afin d’aller visiter les champs de roses, les distilleries, les usines locales. L’idée est de penser une semaine complète autour des huiles essentielles. Un peu comme les « field trips » proposés lors de certains congrès comme l’IFEAT[1] La prochaine édition de l’IFEAT (International Federation of Essential Oils and Aroma Trades) aura lieu à Berlin, du 8 au 12 octobre 2023.. Cela permet aux personnes de pouvoir sentir les matières premières produites sur place, de mieux s’ancrer dans leur culture et dans leur transformation.
L’événement est-il voué à se pérenniser ?
Nous allons d’abord voir comment se passe cette première édition, mais nous serions ravis d’alterner régulièrement avec Paris.
Visuel principal : Jérôme Viaud, Philippe Massé et Thierry Duclos. Crédit photo : Vincent Krieger
Notes
↑1 | La prochaine édition de l’IFEAT (International Federation of Essential Oils and Aroma Trades) aura lieu à Berlin, du 8 au 12 octobre 2023. |
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