Des parfums qui ont du goût : la vision du futur par DSM-Firmenich

Depuis une vingtaine d’années, la société DSM-Firmenich dévoile à ses clients sa vision des tendances en parfumerie. Le programme Mind Nose + Matter 1 explore ainsi les grands phénomènes de société, et donne carte blanche aux parfumeurs de Paris et de New York. Un « avant-goût » du futur…

Article rédigé en partenariat avec DSM-Firmenich

Cette année, la thématique du plaisir s’est placée au cœur de l’exercice. Oscillant entre « attraction » et « évitement », le sujet analyse la relation que nous entretenons avec la notion de bien-être. « Comme l’explique la psychiatre américaine Anna Lembke dans son ouvrage « Un monde sous dopamine », le plaisir et la douleur sont souvent proches l’un de l’autre », rappelle Justin Welch, directeur marketing global parfumerie. « Lorsque l’on mange épicé, jouissance et brûlure vont de pair, de même lors d’une course à pied, le sentiment de bien-être est proportionnel à l’effort fourni. La société actuelle a tendance à éviter ce qui nous met mal à l’aise ou ce qui nous gêne. Or si le corps génère trop de dopamine 2, nous devenons nerveux, et ne savons plus quoi faire de toute cette énergie. »

Fort de ce constat, DSM-Firmenich a conçu une présentation immersive intitulée Momentum, qui se conjugue autour de quatre moments de vie : « Push, Lift, Release, Rest » [Pousse, Soulève, Relâche, Repose], à l’instar des quatre mouvements de la respiration abdominale destinée à détendre. Cette présentation est également l’occasion de mettre en lumière les ingrédients de la collection Smell-The-Taste (STT), une palette innovante visant à traduire les expériences gustatives multisensorielles en parfums. « Les ingrédients STT transposent les arômes en parfumerie. Ils offrent une retranscription réaliste des odeurs mais aussi de leurs textures et sensations : salé, velouté, croustillant… » explique Albane Furet, compositrice de parfums et d’arômes, en charge des créations STT chez DSM-Firmenich.

La quête du réalisme

« Nous avons commencé à reproduire les odeurs de la nature avec le procédé NaturePrint. Ce procédé agit comme « une photographie olfactive » en capturant les composants volatils odorants d’une matière organique (biomasse, objet ou même atmosphère ambiante). De retour au laboratoire, le parfumeur analyse ces composants par GC-MS (Chromatographie gazeuse-spectrographie de masse) et va reconstituer précisément cette photographie olfactive  à l’aide d’un assemblage de matières premières. ». L’équipe a ainsi d’abord travaillé sur des notes de fleurs, de bois. Mais très vite, les parfumeurs ont souhaité avoir davantage de fruits dans leur palette. « Capter l’odeur d’un fruit peut se révéler très complexe : certains ont davantage de goût que d’odeur » précise Fabrice Pellegrin, parfumeur principal et directeur de l’innovation des produits naturels. Historiquement, les fruits étaient simplement évoqués grâce à des molécules, comme la gamma-undecalactone pour la pêche ou des bases butyriques qui pouvaient évoquer le kiwi, « mais ne cela ne donnait pas l’impression de croquer dedans », précise le parfumeur.

Le programme Smell-the-Taste, qui a ainsi vu le jour à la fin des années 2000, résulte d’un rapprochement entre parfumeurs et aromaticiens. Si ces derniers bénéficient de supports salés ou sucrés qui sont de véritables exhausteurs de goût, « les parfumeurs, eux, travaillent sur un support neutre : l’alcool » explique Fabrice Pellegrin.

En 2019, la société passe un nouveau cap et recrute Albane Furet, une aromaticienne qui apporte son expertise du goût au service des parfumeurs. Après avoir passé neuf ans en Belgique sur des formulations d’arômes pour boissons, Albane Furet note les différences majeures entre les deux approches : « je me suis rendu compte que les parfumeurs qui me précédaient utilisaient certains ingrédients en grandes quantités comme les muscs, tandis qu’en arômes, ces derniers sont plus rares, exceptés l’Exaltolide, ou l’Ambrettolide. Leur palette contient par ailleurs davantage de naturels, et la gamme de prix est également plus élevée ». Autre constat, le manque de notes dites « salées » : « j’avais l’impression qu’il y avait un déficit par rapport à la diversité qu’offre le monde culinaire ». Grâce aux STT, la maison de composition DSM-Firmenich a pu satisfaire un besoin  des parfumeurs avec des notes salées comme la sauce soja STT, l’olive noire STT, ou encore le caviar STT.

La genèse

Lorsqu’un projet est identifié, tout commence par une dégustation : il s’agit de capter la sensation en bouche et de la traduire en odeurs. Albane Furet analyse méticuleusement tous les sens impliqués lors de l’expérience de dégustativeon :

La vue : la forme, les couleurs, l’esthétique et la beauté à déguster.
Le toucher : la texture du produit, sa prise en main jusqu’à l’entrée en bouche, la température.
L’odorat : les premiers effluves qui nous poussent à croquer à pleine dents ou à savourer délicatement.
L’ouïe : le son qu’il produit en bouche, comme le croquant ou le pétillant.

Enfin, le goût : toute la complexité gustative, y compris les sensations de base détectées par les papilles gustatives sur notre langue – le sucré, le salé, l’amer, l’acide et l’umami (savoureux). Les sensations somesthésiques telles que le froid de la menthe, la chaleur de l’alcool ou d’un piment, le piquant du wasabi ou de la moutarde. La longueur en bouche et sa persistance marqueront la fin de l’expérience gustative.

L’aromaticienne revêt alors son habit de parfumeur pour composer un accord qui sera dans un premier temps évalué par Fabrice Pellegrin. Puis, tous deux comparent cette nouvelle création au produit dégusté : est-elle assez figurative ? Contient-elle une facette dérangeante ? Sera-t-elle facile à employer ? Possède-t-elle une signature propre ? « Un accord trop lisse ne présenterait pas d’intérêt. Par exemple, la sauce soja, qui est très figurative, peut surprendre, mais c’est son aspérité salée qui fait sa particularité, tout comme la facette animale fait la naturalité du jasmin » confie Fabrice Pellegrin. « Au parfumeur d’exacerber ou de camoufler cette singularité ».La durée de développement d’un STT varie selon les projets, certains sont validés en une semaine, d’autres prennent plusieurs années. « il est parfois très complexe de trouver un consensus, c’est le cas de l’accord matcha ! » explique Albane Furet.

« Chaque parfumeur a une vision différente de ce thé : chocolat en poudre, vert, poudre, algue… Nous avons réalisé une dégustation avec une experte en thés et les parfumeurs ont ainsi pris conscience de la complexité de la tâche : l’ingrédient varie selon son origine, s’il est senti en poudre ou en boisson. » confie Albane Furet.

Pour confirmer l’évaluation olfactive, il arrive que l’équipe utilise la technique AFFIRM, une technologie qui analyse les composés volatils dégagés lors de la mastication. « Une sonde installée dans les narines permet d’analyser les molécules perçues par la voie rétro nasale. Nous l’avons notamment utilisé pour étudier l’arôme de la grenade, un fruit assez demandé par les parfumeurs pour son esthétique mais dont le goût est peu affirmé. L’analyse  nous a permis de trouver des marqueurs dans ses grains qui apportent un effet astringent et vert »

Lorsque les critères olfactifs sont validés, le STT est appliqué à Grasse dans des accords classiques tels qu’une cologne, une fougère, un floral, afin d’en évaluer l’impact olfactif. Puis une équipe de scientifiques va tester le STT, cette fois à Paris, afin de vérifier ses attributs, c’est-à-dire quelles sont les impressions induites par cette note : plaisir, onctuosité, surprise… Une fois sa formule approuvée, le STT est mis à la disposition des parfumeurs qui peuvent l’utiliser tel quel, comme une matière première, ou bien choisir de le modifier, l’enrichir ou en atténuer certaines facettes, la formule ouverte est modulable.

Des goûts et des couleurs…

La majorité des demandes sur les Smell-the-Taste provient des États-Unis, grands consommateurs de notes gourmandes et de nouveautés. « Il s’agit d’un marché très dynamique où les projets s’enchaînent rapidement. Il faut sans cesse proposer des accords inédits” précise Albane Furet. Certaines modes sont très éphémères comme l’accord Negroni présenté durant lors de l’événement Mind Mose Matter. « Le cocktail présenté sous forme de gelée a créé le buzz à New York en 2024, il faut savoir capter ces tendances et les mettre en parfum avant qu’elles ne passent de mode » explique Justin Welch. « Les STT apportent une écriture plus ludique et accessible à la création olfactive » complète Alexandra Monet, créatrice de parfums à New York. « Cette palette d’ingrédients confère aux parfums des tonalités gustatives plus alimentaires, une Fraise STT se rapproche ainsi davantage de la fraise que l’on retrouve dans un yaourt ou dans une glace. Aux États-Unis, des marques comme Bath & Body Works ou Victoria’s Secret explorent cet univers gourmand avec des formats tels le body mist qui satisfait une envie de notes souriantes, de plaisir immédiat. Son dosage plus léger qu’une eau de toilette classique, nécessite des ingrédients puissants à faible concentration. Les STT jouent ainsi un rôle clé sur le marché américain, notamment pour l’intensité et la singularité des notes fruitées qu’elles permettent d’obtenir. « Pink Guava STT, Maracuja STT, ou encore Jus de Tomate STT, le registre des fruits exotiques et colorés est infini !…

L’Asie représente également un terrain d’exploration stimulant, inspirant des accords comme les STT Wasabi ou White Rabbit, « cet iconique bonbon chinois, à la fois lacté et caramélisé. L’accord a connu un vif succès auprès des marques de niche chinoises », rappelle Albane Furet. Autre note lactée, le Lait infantile STT, a été développé spécialement pour Mind Nose Matter et rappelle le lait maternel, légèrement vanillé. « Nous cherchions une sensation nourrissante, sans le goût crémeux et gras du classique Lait STT qui évoque le lait chaud » note l’aromaticienne.

Un menu varié

A ce jour, le catalogue des Smell-the-Taste contient une soixantaine de références, dont 50 % de fruits, 40 % de notes gourmandes (biscuits, lacté, caramel…), et 10 % de notes singulières et variées: boissons, alcools, légumes, notes salées ou marines. « Nos best-sellers ? la Pomme rouge, pour son impact et sa puissance ; la Crème chantilly, une nouvelle vanille fluide et aérienne, comme un nuage ». Certains accords STT sont déjà présents sur le marché : la note Sobacha aux accents de sarrasin toasté s’est glissée dans Ikebana Sakura de Kenzo, signé par Alexandra Monet et Alberto Morillas, pour faire le lien avec la culture japonaise ; le Caviar STT est au cœur du parfum Caviar Addiction de Mauboussin, créé par Florian Gallo.

Pour l’avenir, l’équipe mise sur des gourmands moins collants, des sucres plus subtils ou des sucrés-salés à l’instar d’un parfum intitulé « Brûler » autour de l’accord crémeux-craquant banane-caramel, audacieusement réhaussé de la Sauce Soja STT proposée par la créatrice de parfums Amandine Clerc-Marie. Et pourquoi ne pas relever le défi de retranscrire la saveur umami, cet exhausteur bien connu en Asie, mais si difficile à capturer en parfum ?

Soja Sauce STT
  1. plateforme exclusive proposée aux clients à New York, Paris, Dubai, Shanghai, Genève et Sao Paulo en fin d’année 2024.
    ↩︎
  2. hormone liée au plaisir ↩︎

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