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Alors que l’industrie du parfum se penche de plus en plus sur le lien entre odeurs et émotions, la maison de composition Mane affirme son expertise sur le sujet avec son programme Wellmotion. En quoi consiste-t-il ? De quelle manière a-t-il été développé ? Comment accompagne-t-il le travail des parfumeurs ? Réponses avec Caroline Dubourg, responsable Recherche & Innovation Fragrance Consumer Good, et Caroline Plessis, parfumeuse spécialisée en chimie et captifs.
Article rédigé en partenariat avec Mane
En quoi consiste le programme Wellmotion ?
Caroline Dubourg : C’est une plateforme de recherche et d’innovation développée par Mane, qui a pour but de comprendre, mesurer et prédire les liens entre parfums et émotions. Cela nous permet de proposer des compositions qui présentent un bénéfice émotionnel vérifié. D’après l’agence Mintel, 75 % des émotions que nous ressentons chaque jour sont liées à notre odorat. Les parfums sont un véritable vecteur de bien-être.
Comment avez-vous travaillé pour développer ce programme ?
C.D. : Nous avons combiné différentes méthodologies issues des sciences cognitives. Nous avons d’abord interrogé les consommateurs de différents pays sur leur représentation mentale des matières premières pour comprendre les perceptions et les liens entre les émotions et les ingrédients naturels de parfumerie. Puis nous avons pratiqué des tests d’association sur des matières premières, des accords et des parfums, qui nous ont permis de définir des profils émotionnels pour tout stimulus olfactif testé, basés sur les réactions conscientes et inconscientes. Nous avons également analysé les réponses verbales spontanées du panel à l’aide de l’intelligence artificielle. Enfin, nous avons réalisé des mesures physiologiques : nous pratiquons un prélèvement salivaire avant et après un stimulus olfactif et analysons l’évolution de quatre biomarqueurs sur ce court laps de temps (10 min). C’est une technologie de pointe fiable, rapide et non-invasive, qui a été mise au point avec le CNRS et la start up SkillCell, et qui fera l’objet d’un brevet d’ici la rentrée. Cette combinaison de méthodes subjectives, objectives et physiologiques, basées sur les neurosciences, permet de prédire quelles émotions va susciter une création avec un niveau de précision inédit, à travers huit dimensions : quand je sens ce parfum, quel est mon état d’esprit ? Dynamisé ? Relaxé ? Réconforté ? Joyeux ? Sûr de moi ? Sensuel ? Élégant ? Connecté à la nature ?
Outre l’utilisation de ces méthodes complémentaires, qu’est-ce qui fait la spécificité de Wellmotion ?
C.D. : Nous avons évalué l’intégralité de la palette de matières premières de nos parfumeurs pour déterminer l’impact que chacune peut avoir sur les huit dimensions émotionnelles que nous avons identifiées. Quand ils créent, les parfumeurs ne sont donc pas limités et peuvent se servir de tous les ingrédients à leur disposition. Wellmotion permet par ailleurs de prendre en compte les bénéfices de l’ensemble de la formule : nous ne nous contentons pas de revendiquer un effet relaxant parce que nous utilisons 3 % de tel ou tel ingrédient. En outre, nous avons travaillé à une échelle internationale pour recueillir des données dans différentes régions du monde.
Comment les parfumeurs l’utilisent-ils ?
Caroline Plessis : C’est très simple : nous soumettons la formulation d’un parfum à la plateforme Wellmotion et l’algorithme développé en interne, basé sur de l’intelligence artificielle, permet d’obtenir un profil émotionnel pour chaque parfum de manière instantanée. Quand on change une matière première, on voit le résultat évoluer en direct, ce qui permet de s’assurer qu’on n’affadit ou même qu’on ne contrecarre pas l’effet émotionnel attendu en associant les ingrédients.
C.D. : C’est vraiment une aide à la créativité : grâce à cet outil et cette librairie olfactive, les parfumeurs vont utiliser des matières premières ou des accords auxquels ils n’auraient pas forcément pensé pour un projet. En outre, on peut imaginer une infinité de combinaisons entre les différentes émotions suscitées pour répondre le plus précisément possible aux besoins de nos clients.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’ingrédients et de leurs effets sur les émotions d’après Wellmotion ?
C.P. : Ce qui est très intéressant, c’est que nos matières premières suscitent le plus souvent plusieurs émotions, avec parfois des résultats surprenants. Quand on leur a fait sentir de l’Antillone, un de nos captifs obtenu par biotechnologie, aux facettes juteuses d’ananas et de poire, les consommateurs se sont ainsi sentis dynamisés, mais aussi dans une moindre mesure relaxés et joyeux, ce qui n’était pas forcément évident pour cette note très fruitée et assez verte. Notre Orcanox upcyclé, avec ses facettes rappelant l’ambre gris, est lui capable de provoquer tout un éventail d’émotions, puisqu’il obtient les réponses « relaxé », « sûr de moi », « réconforté », mais aussi « élégant », « sensuel » et « dynamisé ». Il est aussi très instructif pour nous de savoir comment sont perçues des matières que l’on pense connaître. La lavande a ainsi été décrite par les répondants comme plaisante, élégante et sensuelle – des qualificatifs qui ne sont pas forcément ceux que j’ai en tête quand je l’utilise dans une formule. Et si elle a bien l’effet relaxant qu’on attend, les premiers marqueurs qui ressortent sont plutôt « connecté à la nature » et « dynamisé ». Au-delà des émotions qu’il nous permet de susciter grâce à nos parfums, Wellmotion est une mine d’informations et un outil passionnant pour tout ce qu’il nous réapprend sur notre palette d’ingrédients.
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