Francois Duquesne - Maison Duquesne

La distribution de parfum aux États-Unis – François Duquesne (Maison Duquesne)

De quelle manière s’organise le réseau de distribution sur le premier marché du monde ? Comment évolue-il ? Si les grands magasins conservent une certaine prééminence, il faut désormais compter sur les grandes chaînes de la beauté, qui continuent à se développer, et sur de nouveaux acteurs comme les concept stores et les magasins de mode. Sans oublier les ventes en ligne, qui se taillent une part croissante du marché. Il faut dire que les usages du parfum sont en train de changer, explique François Duquesne, fondateur de Maison Duquesne et distributeur aux États-Unis.

Quelles sont les spécificités du réseau de distribution du parfum aux États-Unis ?

La particularité essentielle, c’est qu’il n’y a pas de parfumeries indépendantes comme on en trouve en Europe. Ce type de boutiques consacrées au parfum n’existe pas, à quelques exceptions près. Ce sont les department stores, c’est-à-dire les grands magasins, qui restent le canal traditionnel pour acheter du parfum, même s’ils sont en déclin. Les plus haut de gamme sont Bergdorf Goodman et Neiman Marcus. Ensuite, vous avez Saks, Nordstrom et Bloomingdale’s. Puis Macy’s, JC Penney, Kohl’s et des chaînes régionales comme Dillard’s. Ils sont le domaine réservé des acteurs majeurs du secteur (L’Oréal, Estée Lauder, Coty ou encore Shiseido), et il reste très peu de place pour les maisons de parfum indépendantes – sauf celles qui ont été rachetées par un grand groupe. Le très prestigieux Barneys a contribué à lancer aux États-Unis des marques comme Frédéric Malle, Byredo, Le Labo ou L’Artisan parfumeur, mais, depuis sa disparition, il y a une place à prendre pour une chaîne qui ferait office de pionnière. La tendance, à l’heure actuelle, est aux collaborations : beaucoup de marques font désormais des exclusifs pour Neiman Marcus et Bergdorf Goodman. Les notoriétés s’additionnent, et cela permet aux departement stores de se différencier. Quand ces derniers acceptent de diffuser une marque, il n’est ainsi pas rare qu’ils réclament un exclusif.

Quels sont les lieux de distribution qui concurrencent désormais les department stores

Les chaînes comme Sephora et Ulta Beauty, qui sont arrivées il y a 15 ou 20 ans et font une belle percée – même si leurs ventes de parfums arrivent derrière celles du maquillage et des soins –, et surtout Internet, qui progresse énormément. Depuis une dizaine d’années, on voit aussi se développer des concept stores qui proposent du parfum sans lui être exclusivement consacrés : Forty Five Ten à Dallas, 10 Corso Como et Dover Street Market à New York, Violet Grey à Los Angeles. On observe d’ailleurs un phénomène intéressant : il y a une synergie entre le canal internet et les concept stores. Amazon a ainsi racheté Violet Grey, pendant que Net-a-porter développait son offre parfum. 

Comment expliquer ces évolutions ? 

La manière dont on consomme le parfum a beaucoup évolué ces cinq dernières années. Au flacon de 100 ml que l’on s’offrait tous les ans, on préfère désormais souvent dix flacons de 10 ml. Nous sommes à l’ère du zapping : les formats de 10 à 30 ml sont devenus le standard, les ventes de sets de découverte explosent, à tel point qu’il est impensable de lancer une marque aux États-Unis sans proposer de petits flacons. Cette tendance explique l’essor de Sephora, qui met en avant ces formats, et d’Internet, car on achète plus facilement sans l’avoir senti un flacon à 30 dollars qu’à 150. Elle fait aussi émerger des circuits différents, à l’image des magasins de mode, qui présentent le parfum comme un accessoire, dans des formats et à des prix plus accessibles, et des apothicaries qui sont un peu l’équivalent de nos parapharmacies. On y trouve des parfums naturels, souvent présentés sous forme de roll-ons d’huiles essentielles, issus de ce qu’on appelle les « marques d’artisan ». Ces dernières se développent fortement et ne sont pas à négliger, car certaines pèsent plus qu’une petite maison indépendante à Paris. 

(Crédit photo : Skaags creative)

Cet entretien est tiré de :
Le Grand Livre du parfum – Pour une culture olfactive, 2e édition augmentée, 240 pages, Collectif, Nez éditions, 2020, 30€

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