Société de composition née à Murcia (Espagne) en 1985, Iberchem a peu à peu développé son ancrage à l’international. Parmi les régions qui l’ont accueillie figure l’Indonésie, où l’entreprise est présente depuis plus de vingt ans. Elle a ainsi acquis une expertise sur ce marché, modelé par les traditions culturelles du pays. Dion Chandra, directeur des ventes Indonésie, et Rae Ninta, directrice marketing, reviennent sur ses spécificités.
Comment présenter Iberchem en quelques mots ?
Dion Chandra : Iberchem est une maison de composition globale qui fait désormais partie du groupe anglais Croda International, un producteur de matières premières. Nous sommes présents en Indonésie depuis vingt ans, notre premier bureau ici a ouvert à Jakarta en 2002 et nous n’avons pas cessé de grandir depuis. Nous avons d’ailleurs récemment modernisé nos installations pour accueillir plus de techniciens et de spécialistes de l’industrie, y compris un parfumeur expert sur le marché local. Nous pouvons ainsi mieux comprendre l’évolution des tendances, améliorer la qualité de nos créations et mieux répondre aux besoins spécifiques de nos clients et partenaires.
Quelles sont les spécificités de la culture olfactive indonésienne ?
Rae Ninta : Le marché du parfum est assez segmenté, il existe une multitude de marques en Indonésie. Beaucoup ne sont pas particulièrement importantes mais ont une valeur sentimentale aux yeux des consommateurs. Chacun a sa propre référence, pour les parfums haut de gamme comme pour les produits pour le quotidien. Dans l’ensemble, on peut noter une préférence pour les notes florales et fruitées comme la pomme, le melon et le fruit de la passion, qui sont aujourd’hui des senteurs assez courantes dans les produits capillaires et corporels. Sur le plan des émotions et du souvenir, un produit est omniprésent dans notre culture : l’huile Telon. Il s’agit d’un mélange traditionnel d’huiles de cajeput, de fenouil, de noix de coco et parfois d’autres ingrédients. L’odeur du cajeput ressemble à celle de l’eucalyptus. Pratiquement tout le monde a utilisé cette huile dans son enfance, et continue même à l’âge adulte. Elle est particulièrement prisée lorsque l’on sent que l’on tombe malade ou quand le temps est très frais. On peut s’en frotter le corps pour se réchauffer, elle stimule les vaisseaux sanguins. Elle nous rappelle ainsi les soins que nos mères avaient pour nous : pour beaucoup c’est un souvenir très fort, et ce parfum distinctif nous procure un sentiment de calme. La plupart des magasins et supermarchés continuent à vendre de l’huile Telon, c’est un produit encore très populaire !
Quelles sont les matières endémiques qui influencent particulièrement les goûts locaux ?
Dion Chandra : Le thé est très populaire dans les produits capillaires et d’hygiène personnelle. Les Indonésiens adorent son odeur, qu’il soit noir, vert ou au jasmin. De nombreuses plantations dans le pays produisent ces différentes déclinaisons… c’est donc une culture essentielle. L’odeur du patchouli, au contraire, n’est pas particulièrement appréciée ici. Souvent diffusée dans les espaces publics ou privés pour ses propriétés médicinales et insectifuges, elle occupe certes une place de choix dans notre patrimoine culturel, mais davantage comme produit fonctionnel. Bien que cette plante occupe une place dans notre patrimoine culturel, elle est davantage connue comme produit fonctionnel. Par conséquent, lorsque les parfumeurs l’utilisent c’est plutôt à petite dose.
Quelle est l’influence de la religion musulmane sur la culture olfactive en Indonésie ? Est-il possible pour vous de fabriquer des parfums halal ?
Dion Chandra : L’Indonésie abrite la plus grande population musulmane du monde, c’est pourquoi la plupart de nos parfums et de nos innovations se doivent d’être halal. Il est impératif que nos consommateurs puissent utiliser nos produits en toute confiance et sans hésitation. Deux facteurs clés contribuent à cela : les garanties affichées sur les flacons et l’attrait des senteurs, qui doivent plaire au public visé. Les parfums ont une place particulière dans la religion musulmane, et si elle interdit la consommation d’alcool, son utilisation dans les parfums n’est pas prohibée. Ainsi, la majorité des parfums peuvent être considérés comme halal, à condition que leur production n’utilise pas de matières dérivées du porc. Pour lever toute ambiguïté, nos parfums n’utilisent pas de matières premières animales. Nous les remplaçons par des ingrédients synthétiques de première qualité.
Rae Ninta : Les profils olfactifs les plus populaires sont généralement l’oud et l’ambre, bien qu’aujourd’hui les parfums halal qui se vendent le mieux sur le marché soient fruités, floraux, sucrés et musqués. La culture olfactive musulmane est en fait très large !
Comment les traditions indonésiennes vous inspirent-elles ?
Rae Ninta : Il y a beaucoup d’îles et de tribus en Indonésie, chacune possédant une culture olfactive unique et une relation spéciale avec les senteurs. Synthétiser ces richesses s’avère difficile. Chaque fois que la question se pose, nous sélectionnons des notes olfactives qui symbolisent l’essence du pays. Le thé et le jasmin sont utilisés dans tout le pays et constituent donc souvent un bon point de départ. Le jasmin blanc, ou melati putih, est l’une de nos fleurs nationales. En outre, nous allons régulièrement chercher de l’inspiration dans la danse traditionnelle balinaise connue sous le nom de « Bali Kecak » (prononcé « Ketchak »). Plusieurs de nos créations sont réalisées à partir d’odeurs de fleurs originaires de Bali, notamment la fleur de frangipanier qui est couramment utilisée dans les danses et rituels.
Nous nous efforçons aussi continuellement de présenter de nouveaux profils olfactifs à notre public, en particulier à la génération Z, qui a une préférence pour les produits uniques et culturellement significatifs. Cette quête d’innovation nous amène à adopter des approches plus originales, qui enrichissent encore nos offres de fragrances.
Quel regard portent les Indonésiens sur les parfumeries du reste du monde ?
Dion Chandra : Nous sommes toujours attentifs aux nouvelles tendances qui viennent de l’étranger. Nous aimons découvrir de nouveaux mélanges, et notre intérêt s’étend aux pays asiatiques tels que le Japon et la Corée, qui possèdent tous des profils olfactifs distincts. Nous nous inspirons de ces régions en incorporant leurs senteurs dans nos créations.
Rae Ninta : La culture japonaise est très présente en Indonésie, une partie de notre travail s’en inspire, car elle utilise beaucoup de jasmin, mais aussi de l’encens, en particulier à des fins religieuses, comme lors des mariages. Les Indonésiens achètent également des parfums occidentaux, car les marques internationales sont bien implantées dans le pays. Comme ils aiment particulièrement les notes florales, fruitées et marines, ils ont cependant des préférences parmi l’offre de ces marques. Tous les parfums européens ne rencontrent pas le même succès sur ce marché.
Dion Chandra : Les parfums ambrés et aromatiques sont moins populaires. Ils sont considérés comme des produits de niche et sont plus difficiles à vendre. On les réserve généralement à des occasions spécifiques, aux soirées, en préférant un parfum différent pour la journée. Le climat chaud et tropical participe à ces habitudes, car il favorise l’évolution des parfums d’une manière unique. Dans notre pays nous avons seulement deux saisons – la saison des pluies et la saison sèche – et pas d’hiver, ce qui influence le choix des parfums.
À quel public s’adressent les créations Iberchem ? Comment le marché est-il structuré en Indonésie ?
Dion Chandra : Nous nous efforçons d’atteindre le public le plus large possible. L’Indonésie compte près de 300 millions d’habitants, c’est donc un marché très vaste offrant beaucoup d’opportunités. La majorité de nos clients sont des entreprises locales indonésiennes qui vendent des parfums, des produits d’entretien, des produits capillaires et des produits de soins pour le corps. Notre intérêt va donc au-delà des parfums et touche tous les produits utilisant des fragrances. Notre gamme comprend à la fois des produits de masse et des produits de niche. Nous avons des parfums pour tous les budgets et nous nous efforçons d’offrir la meilleure qualité pour chaque catégorie de prix.
Rae Ninta : En ce moment nous ciblons particulièrement la génération Z et les milléniaux, ce qui nous amène à nous intéresser de près aux parfums unisexes. C’est une chose que nous observons : maintenant la tendance est au choix d’un parfum qu’on aime au-delà de la communication qui l’accompagne, qu’il ait été conçu pour les femmes ou pour les hommes. La présentation de parfums unisexes à des personnes habituées à des rayons distincts pour les hommes et les femmes n’est pas toujours aisée, mais nous explorons activement les moyens d’attirer davantage l’attention sur ces fragrances !
Quels sont les prochains défis pour Iberchem en Indonésie ?
Dion Chandra : Chez Iberchem, nous vendons des parfums et notre nouveau partenariat avec Croda, qui fabrique des matières premières, nous permet d’envisager de nouvelles synergies internationales, car nous sommes devenus un groupe beaucoup plus grand. Nous nous sommes également engagés à améliorer la durabilité dans nos opérations et nos pratiques quotidiennes. Nous nous concentrons en particulier sur le développement de parfums biodégradables, ce qui impose de disposer aussi de matières premières qui présentent cette même caractéristique. C’est un défi, car les préoccupations environnementales n’ont pas la même résonance ici qu’en Europe à l’heure actuelle. Néanmoins, nous sommes déterminés à aborder ces questions et à promouvoir des pratiques durables au sein de notre industrie.
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