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D’abord pensée par son fondateur Serge Laugier comme une boutique de décoration haut de gamme, Le Paravent est désormais une référence de la parfumerie de niche à Lyon. Située dans le quartier des galeries d’art du centre-ville, elle s’attache à défendre une vision artistique et indépendante de la création olfactive. Entretien.
Comment avez-vous été amené à proposer des parfums dans votre boutique ?
Le Paravent a été fondé en 2011, dans un quartier chic et artistique de Lyon. J’ai créé un cadre raffiné, en proposant des articles liés à l’art de vivre en général. Ayant reçu très jeune une formation œnologique de haut niveau, les parfums et les arômes ont toujours beaucoup compté dans ma vie ! Dès l’ouverture, j’ai proposé les bougies parfumées Cire Trudon, la plus ancienne manufacture de cire française encore en activité, aux fragrances riches et complexes. Les clients qui entraient exprimaient souvent le désir d’une offre de parfums rares : cette orientation est devenue rapidement une évidence. C’est naturellement vers les plus belles marques de la parfumerie indépendante que je me suis dirigé, avec un succès immédiat et durable !
Comment avez-vous construit votre sélection de marques ?
Je tiens à proposer des parfums plus confidentiels, car ils assurent une signature olfactive inédite : je propose donc beaucoup de marques indépendantes en exclusivité sur Lyon. La première que j’ai sélectionnée, en 2015, était Le Galion, une maison française emblématique. J’avais rencontré son fondateur Nicolas Chabot au salon Esxence de Milan, et j’ai eu un réel coup de cœur pour ses créations historiques. Puis la très renommée maison Lubin nous a également rejoint avec bonheur. Mais nous sélectionnons aussi des marques à l’esprit « avant-gardiste », qui s’adressent à une clientèle parfois un peu plus jeune. Comme celle de Céline Verleure, fondatrice d’Olfactive Studio, dont l’idée d’associer la parfumerie à la photographie est novatrice. Mais également Histoire de parfums, à l’identité très travaillée et fondée par le passionnant Gérald Ghislain. Je pense aussi aux parfums Naomi Goodsir, qui constituent une réelle parfumerie d’auteur avec des compositions joliment inspirées !
Je prends du temps pour analyser olfactivement chaque parfum en les portant et en échangeant avec nos fidèles clients. L’attachement que l’on a pour une marque nous permet de la mettre en lumière et ainsi de participer à son développement. Je suis aussi attentif aux partenariats, aux liens que l’on tisse avec les créateurs et leurs équipes. Je travaille uniquement avec des passionnés et cela fait sans doute une différence. Il faut prendre garde à ce que chaque parfum soit un peu unique : je dois rejeter deux propositions trop proches dans deux marques différentes afin d’éviter les redondances.
Comment découvrez-vous de nouvelles marques ?
C’est une recherche que j’affectionne particulièrement : parfois, je pars plusieurs jours en voyage et je m’immerge dans de nouveaux univers. Mes clients me partagent également leurs découvertes, c’est très enrichissant ! Les salons professionnels, comme Esxence ou Pitti Fragranze, m’ont permis de rencontrer des maisons de parfums remarquables. Certaines marques me contactent directement et parfois la magie opère ! Ainsi, lorsqu’il a relancé la Maison Violet, Victorien Sirot m’a appelé pour m’expliquer ce merveilleux projet. Je suis tombée sous le charme de cette passionnante aventure. J’ai commandé leur première collection « Héritage » qui a connu un succès immédiat. Trouver une nouvelle marque n’est pas difficile ; lui assurer un suivi et une reconnaissance demande plus de travail. L’offre est croissante, mais lorsqu’on rencontre une maison que l’on apprécie, on s’implique totalement. C’est notamment le cas pour les parfums de Marc-Antoine Barrois qui connaissent un énorme succès en boutique !
Que faites-vous lorsque certaines références rencontrent moins de succès ?
On peut parfois percevoir une demande moindre sur des compositions à l’univers plus classique. Les fragrances audacieuses, à l’inverse, répondent à la demande d’une clientèle bien précise, notamment des plus jeunes. Et, lorsqu’un parfum rencontre moins de succès, je ne remets pas en cause la marque, mais préfère organiser un point avec les équipes. Une petite formation, pour apprendre à mieux en parler et à réactualiser ses connaissances est souvent une réussite. D’où l’importance aussi d’avoir de bons rapports avec nos partenaires. La présentation générale des créations est très importante également. La boutique, la mise en place, l’accueil doivent être soignés et professionnels. Dès lors, le prix n’est plus forcément un frein, car les clients s’offrent un flacon comme un cadeau de valeur.
Rencontrez-vous des freins de la part de ceux qui passent le pas de votre porte, habitués aux créations du circuit classique ?
Parfois, nos visiteurs recherchent une fragrance qui ressemble à celle qu’ils ont l’habitude de porter. Je leur propose plutôt une découverte olfactive en approchant les diverses familles de parfum (boisé, fleuri, ambré…) et en découvrant leurs envies et leurs émotions. Dans ce cas, il y a une vraie démarche pédagogique à faire, pour qu’ils acceptent de sortir, peu à peu, de leurs habitudes. On redécouvre ensemble les matières premières travaillées différemment. Tout en douceur. Il est indispensable de prendre son temps : cet échange passionnant peut facilement durer une heure. Les parfums suscitent des émotions profondes : certains peuvent être émus aux larmes lorsqu’ils trouvent « leur » parfum ! C’est très gratifiant d’apporter cela ! Et puis il y a certains parfums qui sortent de nos zones de confort, comme Nuit de bakélite de Naomi Goodsir, qui a demandé plus de quatre ans de développement. La première approche n’est pas toujours évidente pour les clients peu habitués à ces écritures très signées ; mais c’est aussi ce qui permet d’aborder une autre philosophie de la parfumerie, comme une véritable création artistique.
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- Plus d’informations sur le site du Paravent : le-paravent.fr
DOSSIER « NICHE ET CONFIDENCES »
- Une parfumerie confidentielle de moins en moins rare, par Jessica Mignot
- Sylviane Lust (Beauty by Kroonen) : « Nous choisissons des parfums complexes qui évoluent sur la peau, et où la liberté offerte au parfumeur est perceptible. », par Jessica Mignot
- Karine Torrent (Floratropia) : « Selon moi, la parfumerie 100% naturelle est la nouvelle niche », par Jessica Mignot
- Barbara Herman (Eris Parfums) : « Consciemment ou non, j’ai tendance à explorer pour chaque nouveauté une piste très différente de la précédente », par Sarah Bouasse
À suivre :
Cécile Zarokian (Cécile Zarokian Parfumeur), Michel Gutsatz (Le Jardin retrouvé), Dhaher bin Dhaher (Tola), Luca Maffei (Atelier Fragranze Milano), Nathalie Feisthauer, Franco Wright (Luckyscent), Pissara Umavijani (Dusita), Liam Sardea (LKNU)…
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