Faire sentir les terres du Velay : l’odeur comme clé de lecture d’un territoire

Et si un territoire pouvait se raconter autrement que par ses paysages ? Et s’il suffisait de fermer les yeux… et de le respirer ? C’est l’ambition du projet « Faire sentir les terres du Velay », porté par le Conservatoire de l’Agglomération du Puy-en-Velay et ses partenaires. Rencontre avec Claire Monteillard, responsable de l’action culturelle et de la communication au Conservatoire, qui nous présente les temps forts de la programmation.

Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet « Faire sentir les terres du Velay » ?
A l’origine, un des professeurs du conservatoire d’enseignement artistique proposait un travail avec Michel Godard, grand musicien, tubiste et serpentiste via notamment l’accueil d’un concert atypique qui s’intitule « Le concert des parfums ». En effet, la musique et le parfum s’expriment à travers un vocabulaire commun. Ils parlent d’accords, de notes, d’harmonie, de composition… Tout comme un parfum se construit sur une pyramide olfactive avec des notes de tête, de cœur et de fond, la musique s’organise autour des aigus, médiums et graves, créant ainsi une correspondance naturelle entre ces formes d’expression. Au vu de l’accueil de ce concert et de sa thématique extrêmement passionnante, il a semblé intéressant de construire un projet plus large autour de l’art et de l’odeur dans le cadre d’une convention territoriale d’éducation artistique et culturelle. On a voulu créer une expérience olfactive et sensorielle mêlant les médiums artistiques (musique, littérature, art-design…) avec des regards d’artistes sur le sujet. 
Ainsi, le projet est une expérience artistique multidisciplinaire et sensorielle qui explore le lien profond entre art et odeur sur le territoire de la Communauté d’agglomération du Puy-en-Velay, ce qui explique notre choix du titre de l’évènement « Faire sentir les terres du Velay ». Pour ce faire, un artiste-designer a eu pour charge de réaliser une cartographie olfactive du territoire. En parallèle, on a voulu développer des événements associés afin de permettre de créer des résonances.
Pour finir, ce projet s’inscrit dans la convention de territoire d’éducation artistique et culturelle et est financé par la Direction Régionale des Affaires Culturelles Auvergne Rhône-Alpes, La Région Auvergne Rhône-Alpes, le Département de la Haute-Loire et la Communauté d’agglomération du Puy-en-Velay. Cette dernière est porteuse du projet via ses services que sont le Conservatoire de musique, de danse, de théâtre et d’arts-plastiques, le Musée Crozatier et notre Pays d’art et d’histoire ainsi que la bibliothèque municipale du Puy-en-Velay.

Côté programmation, que pourront découvrir les visiteurs ?
Ce projet se décline en plusieurs événements. D’abord, il y aura plusieurs représentations du « Concert des parfums ». Pour ce dialogue inédit entre sons et fragrances, la parfumeuse Ursula S. Yeo a créé des accords inspirés de pièces originales du compositeur Michel Godard. Ses parfums sont diffusés pendant le concert au moyen de tissus imprégnés d’essences odorantes pour créer des notes à chaque morceaux musicaux et qui deviendront une composition à la fin du concert. Les musiciens répondent aux senteurs, les compositions faisant large place à l’improvisation musicale. 
Ensuite, il faut citer l’immense travail de cartographie olfactive mené par l’artiste designer-chercheur Jean Sébastien Poncet auprès de scolaires et de leur famille, des élèves du département arts plastiques du conservatoire, des personnes en précarité et plus largement du grand public. En fait, tous les territoires ont des odeurs. Celles et ceux qui les habitent les expriment par leur activité. Leurs gestes et les matières qu’ils manipulent font sentir la terre sur laquelle ils vivent. Jean-Sébastien propose de se mettre à leur écoute – par le nez – pour cartographier les fragrances qu’ils produisent.
Enfin, l’exposition Farelaria (faire sentir) réunit tout le travail qui a pu être fait, à savoir les rencontres avec captation audio de métiers et la réalisation des Olfacterres (terrariums odorants). 

Pourquoi avoir choisi de mettre l’odorat au centre de ce projet ?
L’odorat occupe une place centrale dans le projet « Faire sentir les terres du Velay » car il est l’un des sens les plus puissants pour éveiller la mémoire et les émotions. Contrairement à la vue ou à l’ouïe, qui passent par une analyse rationnelle, l’odorat agit de manière immédiate et instinctive. Une simple senteur peut nous transporter dans un territoire de nature, ravivant des souvenirs lointains ou des sensations profondément ancrées. Et cela tombe bien : les odeurs sont omniprésentes dans notre environnement : l’herbe coupée, l’écorce des arbres, la terre après la pluie… Elles nous ancrent dans un territoire sensoriel où chaque fragrance raconte une histoire, évoque un lieu, une saison, une émotion. Ainsi donc, il s’agit de chercher à recréer une connexion entre l’humain et son environnement.
Associer l’odorat aux autres disciplines artistiques permet de créer des passerelles entre les sensations. D’ailleurs, cette association des sens est un phénomène neurologique qui s’appelle la synesthésie par lequel deux ou plusieurs sens sont associés (ex. graphèmes et couleurs).

S’il fallait citer quelques parfums emblématiques du Velay, lesquels vous viendraient à l’esprit ? 
Il y en a beaucoup, mais je citerais principalement la verveine, le pin sylvestre, le narcisse, les genêts, la pouzzolane, l’argile, et les sous-bois.

Quel public espérez-vous toucher, et surtout, qu’aimeriez-vous qu’il retienne de cette expérience ?
Avec l’idée de « Faire sentir », nous apportons une attention toute particulière aux questions de transmission. Comme nous le disions précédemment, il s’agit d’un projet d’éducation artistique et culturel de territoire. Il engage des élèves des écoles primaires et maternelles, des personnes en précarité ou des publics adultes et jeunes du conservatoire dans des pratiques collectives de création. Leur présentation lors d’évènements, dans des lieux culturels référencés permettent leur diffusion à un plus large public. 
Au fil des  événements proposés, nous aimerions que le public considère d’autres manières de percevoir et de ressentir un territoire. Nous souhaitons éveiller la curiosité et la sensibilité de chacun en montrant que les odeurs, bien qu’invisibles, sont essentielles à notre mémoire, à nos émotions. Elles nous ancrent dans le monde.
Pour conclure, le projet « Faire sentir les terres du Velay » n’est pas seulement une expérience, mais un véritable outil de transmission sensorielle et émotionnelle, que chacun pourra emporter avec lui et prolonger dans son quotidien.

Illustration : Jean Sébastien Poncet

Commentaires

Laisser un commentaire

Avec le soutien de nos grands partenaires